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Revue de presse

Le test génétique prénatal non invasif de la Trisomie 21 : « Un outil révolutionnaire dont les indications restent à cadrer »

La presse | Tunisie | 30/03/2017

La trisomie 21 fait l’objet de différents protocoles de dépistage et de diagnostic prénataux et les femmes enceintes en Tunisie sont de plus en plus sensibles à ces nouveaux outils et y adhérent désormais largement. Par ailleurs, depuis 2011, est apparu un nouveau test, appelé NIPT (acronyme de l’anglais Non Invasive Prenatal genetic Test), très onéreux à plus de 1000 dt en moyenne, réalisable sur simple prise de sang chez la femme enceinte, et qui permet de diminuer drastiquement le nombre d’amniocentèses réalisés.

A l’occasion de la journée mondiale de la trisomie 21, dans cet entretien avec La Presse, Dr Elyes Slim Ghedira, assistant hospitalo-universitaire en Cytogénétique au CHU de Monastir, nous explique ici quelles sont les limites et les indications de ce test, et s’il y a un avantage à le proposer à toutes les femmes enceintes.

Quel est l’état des lieux en 2017 en Tunisie concernant la trisomie 21 ?

La trisomie 21, rappelons-le, est la première cause de retard mental constitutif. Son incidence est de 1 naissance sur 600 environ. La trisomie 21 n’est pas héréditaire et, dans la majorité des cas, est liée au hasard. Toutefois, l’âge maternel est un facteur de risque prépondérant.
En Tunisie, il y aurait 250 à 300 naissances de trisomiques 21 par an. Ce chiffre n’est pas connu précisément, car le diagnostic ne se fait pas directement à la naissance, mais quelques mois après.

Le nourrisson, une fois diagnostiqué trisomique 21, doit bénéficier d’une prise en charge adéquate dans des centres spécialisés avec des éducateurs qualifiés. Cette prise en charge, qui s’étale sur toute la vie de l’enfant, a pour objectif de diminuer le retard mental sans pour autant pouvoir l’éviter.

En Tunisie, l’Etat met à disposition des familles les centres Utaim qui sont des centres polyvalents au retard mental et à l’autisme, accessibles après quelques années sur liste d’attente. L’expérience européenne a démontré que la Trisomie 21 nécessite une prise en charge aussi bien précoce que dans des centres exclusifs, et non pas avec les autres enfants atteints de retard mental d’autres causes. Voyant les limites actuelles des centres Utaim, il y a eu des initiatives privées des familles de trisomiques 21 qui ont vu le jour, sous forme d’écoles et de centres d’apprentissage dédiés, et qui font un travail remarquable et très honorable car c’est un combat de tous les jours.

En quoi consiste la prise en charge prénatale pour les femmes enceintes ?

Vu l’absence de traitement causal et la grande disparité régionale des centres de prises en charge, le dépistage et le diagnostic prénataux se justifient, c’est aussi le cas en Europe et dans la grande majorité des pays du monde. Cela est davantage le cas aujourd’hui car l’âge du mariage a fortement reculé et en conséquence l’âge de la maternité. En Tunisie, selon les données de l’Institut national de la statistique, 5,43% des mariages contractés en 2005 concernaient des femmes de plus de 40 ans. Ce chiffre est passé à 7,23% en 2013 ce qui est très significatif. Ainsi, le pourcentage de femmes enceintes de plus de 40 a fortement augmenté ces dernières années, ce qui, en conséquence, a augmenté le nombre de trisomiques 21 diagnostiqués dans notre pays. Ainsi, le dépistage et le diagnostic prénataux viennent aussi combler le besoin qu’ont ces patientes à vouloir identifier précocement l’issue de leur grossesse.

Le dépistage se fait très tôt, au 3e mois de grossesse (entre 11 et 13SA+6) et non ultérieurement et comprend deux actes, un échographique (mesure de la clarté nucale) et un biologique (dosages des marqueurs sériques maternels), qui permettront de calculer un risque probabiliste pour chaque grossesse. Les patientes à risque supérieur à 1/250 se verront proposer de passer à l’étape diagnostique, qui se définit par un caryotype sur ponction de liquide amniotique ou biopsie de trophoblaste.
Depuis 2009, en France, le dépistage est proposé systématiquement à toutes les femmes enceintes consentantes indépendamment de leur âge. En Tunisie, le dépistage pour les patientes de tout âge est encore en cours d’implantation mais nous avons beaucoup progressé depuis 5 ans, même s’il demeure un volet important à réaliser sur la standardisation et la certification des échographistes et des laboratoires d’analyse.

Qu’est-ce que le Test génétique Prénatal Non Invasif (NIPT) ?

C’est simplement une analyse du génome du fœtus qui circule dans le sang maternel. Dès la fin des années 1990, on s’est rendu compte qu’une très faible fraction d’ADN fatal (plus exactement trophoblastique placentaire) circule librement dans le sang maternel des femmes enceintes. Dès 2002, des tests génétiques de routine exploitent cet ADN fatal libre et permettent ainsi de déterminer le sexe de l’enfant et son rhésus dès le 3e mois de grossesse.

Il a fallu attendre 2010 avec l’avènement des techniques de séquençage à haut débit (San Jose, Californie) pour pouvoir quantifier avec fiabilité cette infime fraction fatale circulante dans le sang maternel et ainsi affirmer s’il y a deux ou trois copies du chromosome 21 chez le fœtus. On est depuis lors entré dans l’ère du NIPT dès 2011, ce qui a permis de diminuer fortement le recours aux amniocentèses aux USA, vu que ces actes invasifs impliquent un certain taux de fausses couches (moins de 1% pour l’amniocentèse, 2-3% pour la biopsie de trophoblaste) contrairement au NIPT qui se fait sur simple prise sanguine.

Techniquement, ce test se base sur la disponibilité d’un séquenceur haut débit couplé à un serveur informatique puissant, qui est un investissement lourd dont ne peut disposer aucun laboratoire tunisien actuellement. Cela fait que dans notre pays, ce test est proposé uniquement en sous-traitance chez des laboratoires américains ou européens (Panorama®, Verifi®, MaterniT21®). Le test est facturé entre 800 et 1700 dinars en fonction du panel génétique demandé. Le Nipt est réalisé sous prescription médicale, le prélèvement de sang de la femme enceinte est acheminé à l’étranger et le résultat délivré en deux semaines environ. Le Nipt n’est pas remboursé par la Cnam.

Quand est proposé le NIPT et pour quelles patientes ?

C’est une question récurrente que me posent régulièrement beaucoup de femmes enceintes anxieuses après avoir lu et relu des pages internet sur le risque de trisomie 21. Il faut avouer que certains de ces laboratoires américains du NIPT, via leurs sites web, amplifient le stress des futures mamans pour vendre leurs tests et usent du sentiment légitime de ces patientes quant à leur préoccupation de la santé de leur futur bébé. Dans ce sens, personnellement je remarque parfois certains excès de patientes focalisant uniquement sur la trisomie 21 qui accourent au NIPT pour négliger par la suite leur suivi obstétrical.

Bien sûr, le NIPT est un outil révolutionnaire, qui est d’une aide précieuse sans égal dans certaines situations, mais premièrement il ne peut pas remplacer le suivi obstétrical classique et le dépistage conventionnel (échographie-biologie) et deuxièmement il nous faut aujourd’hui cadrer sa prescription et son recours. Les différentes sociétés tunisiennes de gynécologie, génétique et de biologie médicale sont invitées à œuvrer dans le sens de définir les critères d’inclusion du NIPT, vu le coût de ce test et le flux de devises conséquent, et aussi l’évolutivité très rapide des recommandations internationales. En effet, dès 2012 les performances du NIPT sur patientes à risque furent établies. En 2016, des performances quasi similaires ont également été publiées sur des patientes de population générale. C’est le coût global qui est actuellement le facteur limitant pour l’installation de ce test en routine, et nous devons en Tunisie évaluer le bénéfice/coût pour nous accorder sur des critères d’inclusion standardisés

Le NIPT est-il 100% fiable, peut-il réellement remplacer le caryotype sur liquide amniotique ?

Le grand intérêt du NIPT réside dans sa valeur prédictive négative, c’est-à-dire que lorsque le NIPT est négatif, il y a presque 100% de probabilité que le fœtus n’a pas de trisomie 21. Donc en pratique, quand c’est négatif, il n’y a plus besoin de faire une amniocentèse.
Par contre, quand le NIPT est positif il faut tout de même faire une amniocentèse pour s’en assurer, car la valeur prédictive positive est variable, dépendante des tests (autour de 95% en moyenne).

Quels sont les défis futurs ? Pourra-t-on réaliser le NIPT en Tunisie les prochaines années ?

Les prochaines années non, car c’est trop onéreux et on continuera encore pendant des années à adresser nos prélèvements à l’étranger. Le laboratoire tunisien qui acquerra la technologie pour faire le NIPT ne pourra pas le rentabiliser sur les seules patientes tunisiennes, à supposer que ce laboratoire puisse s’entendre avec tous les confrères pour réaliser ce test pour tous.

Après, il faut aussi se rappeler qu’il n’y a pas que les Américains, mais il y a désormais aussi des solutions européennes et plusieurs solutions chinoises. Ces boites de biotechnologie chinoises peuvent proposer un transfert de technologie à moindre coût.

Aussi, Il faut aussi se rappeler encore que presque toutes ces solutions se basent sur les séquenceurs HiSeq® de Illumina®, et qu’une nouvelle génération de séquenceurs encore moins chers vient de voir le jour… D’ailleurs, de récentes études prouvent qu’on peut faire du NIPT sans même passer par du séquençage à haut débit ce qui pourrait encore diminuer le coût à moins de 150 euros le test (comme l’hybridation comparative, le séquençage par champ électrique MicroLAS, …).
Je pense qu’en Tunisie la priorité n’est pas au NIPT actuellement,… La priorité est en premier lieu au renforcement des centres Utaim pour une prise en charge adéquate de l’handicap et un soutien psychologique aux familles. En second lieu, la priorité est à la diffusion du dépistage prénatal, notamment à la standardisation des pratiques tant échographiques que biologiques et sa disponibilité aux franges sociales les plus défavorisées.

I.H.

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