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La presse | Tunisie | 21/11/2016
La transition délicate de l’enfance à l’adolescence voit, parfois, apparaître chez des adolescents fragiles et vulnérables des comportements destructeurs et l’adoption de modes de vie, de façons de penser et de doctrines et idéologies extrémistes en opposition totale avec les normes sociales. Cette attitude que l’on peut également rencontrer chez des adolescents à la personnalité « stable » exprime un besoin de s’affirmer et de s’identifier à un groupe social dont les règles s’inscrivent dans une démarche anticonformiste et dérogent totalement à celles d’un milieu jugé oppressant. Le docteur Sofiene Zribi, psychiatre et président de l’Association francophone des psychiatres d’exercice privé, décrypte le comportement complexe des adolescents. Entretien.
Comment définissez-vous la période charnière de l‘adolescence ?
C’est une période de transition de l’enfance à l’âge adulte au cours de laquelle l’enfant va remettre profondément en question le modèle parental dans lequel il a vécu pendant son enfance. Il va progressivement intégrer les valeurs qui lui sont propres, modeler sa personnalité, s’ouvrir au monde extérieur et remettre en question toute forme d’autorité : l’autorité parentale, celle de l’entourage proche, des enseignants... C’est aussi la découverte des premiers émois sexuels. L’adolescent va développer son identité sexuelle à travers le vécu de ses premières expériences généralement masturbatoires en tant que jeune homme. Il va aussi éprouver un intérêt pour tout ce qui est d’ordre métaphysique, mystique, existentiel... Pour manifester son opposition au monde adulte, il va éprouver le besoin de s’identifier et de se conformer à un groupe social en adoptant le même mode vestimentaire, les mêmes goûts musicaux, les mêmes habitudes, les mêmes intérêts que ceux des individus qui le composent. Généralement, les normes et les règles ainsi que les habitudes adoptées au sein de ce groupe vont leur permettre de se démarquer de la société dans laquelle ils vivent.
Quels sont les différents types de profils psychologiques qu’on peut observer chez les adolescents ?
Il faut comprendre que la personnalité est un système stable de valeurs qui préside au comportement et aux affects. La personnalité d’un individu va dépendre de la génétique, de la façon dont on lui, appris à aborder la vie, de l’environnement dans lequel il a évolué et de plusieurs autres facteurs. Les enfants qui ont développé une personnalité stable, souple, dialectique sont des adolescents qui ont bénéficié au cours de leur enfance d’une capitale affection importante et qui ont baigné dans une ambiance familiale sécurisante. Ils ont reçu l’écoute, la compréhension, l’accompagnement et l’encadrement nécessaires qui sont à la base de leur équilibre et stabilité psychologique et comportementale. Ce sont des adolescents qui se passionnent généralement pour des choses intéressantes et qui ne versent pas dans des comportements destructeurs. Par contre, la fragilité et la vulnérabilité observées chez l’adolescent s’expliquent par le fait que les rapports avec le milieu familial et éducatif n’ont pas été suffisamment affectueux et sécurisants pour développer une personnalité stable et équilibrée sur le plan psychologique et comportemental chez l’adolescent. Des rapports dépourvus d’affection, d’écoute, de dialogue, d’échange et qui n’ont pas su répondre aux attentes et aux besoins de l’adolescent peuvent déboucher sur une personnalité vulnérable et même aboutir à un comportement destructeur si d’autres facteurs sont réunis, notamment si les conditions d’ordre environnemental, socioéconomique et éducationnel sont très défavorables.
Comment expliquer que de nombreux adolescents passent facilement à l’acte en tentant de se suicider et qu’ils sont attirés par des formes de déviance extrême ?
Les études statistiques qui ont été réalisées sur le sujet montrent que le suicide est très fréquent chez les adolescents notamment dans les pays développés où il est la première cause de mortalité chez cette frange de la population. Il faut comprendre que l’adolescent ne développe pas le même rapport à la vie que l’adulte. Il confond vivre et le temps de vivre. La nature trop impatiente des adolescents est incompatible avec le temps qui s’écoule trop lentement et qui est jugé trop long par rapport à des désirs, des rêves, des attentes qu’ils sont pressés de réaliser. Le temps finit par devenir oppressant, étouffant et porteur d’angoisse. Leur mécanisme psychologique les rend imperméable à toute réflexion d’imagination et de méditation. Ils vivent dans l’ici et le maintenant, dans l’immédiateté et l’instantanéité et n’ont aucune projection dans l’avenir qu’ils jugent sans espoir. Ils sont constamment à la recherche d’expériences de toutes sortes, ce qui explique leur humeur labile tantôt euphorique, tantôt agitée, dépressive et dysphorique. Par conséquent, ils ont du mal à supporter des situations oppressantes et angoissantes, à l’instar d’une forte pression familiale, d’une déception sentimentale ou de conditions familiales ou socioéconomiques très difficiles, qui peuvent les conduire au suicide. D’après les chiffres établis, on compte autant de filles que de garçons pour les tentatives de suicide et trois garçons pour une fille pour les suicides réussis.
L’adhésion à un groupe social qui a ses propres règles et auquel s’identifie l’adolescent est fondamental à cet âge. Le choix d’une idéologie, d’une mouvance qui verse dans l’extrémisme n’obéit pas forcément à une démarche religieuse. Prenons le cas du satanisme. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le nombre des adeptes de cette idéologie a décru en Tunisie. Les jeunes individus qui ont choisi d’opter pour cette mouvance sont des adolescents vulnérables qui sont en rupture totale avec le conformisme social et qui s’inscrivent dans une logique de rejet des normes sociales et par conséquent de tout ce qui symbolise pour eux l’oppression. Ils s’identifient à un groupe social avec lequel ils partagent les mêmes règles et qui leur permet de combler le vide affectif et de répondre aux besoins et aux attentes qui n’ont pu être satisfaits par le milieu dans lequel ils évoluent.
Entretien conduit par I.H.
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