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Revue de presse

Ethique médicale et annonce du diagnostic : la communication, pour un traumatisme amoindri

La presse | Tunisie | 14/01/2015

L’annonce, à un malade, du résultat du diagnostic médical peut-elle se révéler plus cruelle et plus traumatisante que la maladie en elle-même ? La communication, de ce fait, constitue-t-elle un point focal dans le parcours soignant, entrepris dans un esprit de confiance mutuelle et de solidarité entre le médecin et son patient ?

La réponse du Pr. Rym Ghachem, psychiatre et présidente de la Société tunisienne de psychiatrie, est affirmative. Lors d’une rencontre tenue récemment et portant sur l’éthique médicale, la question relative à l’annonce du diagnostic a été minutieusement développée par l’oratrice. L’idée étant de vulgariser l’information sur l’importance que revêt l’aspect communicationnel, voire relationnel entre le médecin ou le soignant, d’une manière générale, et le soigné ou le malade. Le relationnel communicationnel représente, incontestablement, la base indispensable à un parcours thérapeutique réussi.

Le choc

La psychiatre prend soin de citer deux mauvais exemples relatifs à deux cas cliniques. Les patients ont été victimes non seulement d’une maladie impitoyable, qu’est le cancer, mais également du manque de tact et de professionnalisme signifiés par leurs médecins traitants à leur égard. Le premier cas est celui d’une dame souffrant d’un cancer du sigmoïde. Cette patiente a été hospitalisée pour traitement à froid de la tumeur sans pour autant en être informée. Son état nécessitait une intervention chirurgicale qu’elle a omis de se faire faire. Pour l’inciter à accepter de se faire opérer, le médecin lui annonce alors le diagnostic en pleine figure en lui disant : « Vous avez une tumeur aussi grande que votre tête, et si vous ne vous faites pas opérer, vous allez mourir » ! Une telle annonce serait en mesure de traumatiser la patiente, de la brusquer et de l’empêcher de s’adapter à son état de santé. Le deuxième mauvais exemple présente un médecin atteint d’une tumeur à la prostate. Le patient n’acceptait pas sa maladie. Il refusait de l’admettre. Aussi, avait-il choisi des traitements inadaptés à son état de santé. Son médecin soignant le laissait décider de son traitement sans prendre la peine de l’orienter. Sa mort était imminente.

Les mauvais exemples sont nombreux. Ils viennent contrecarrer et l’éthique et la tendance médicale moderne. En effet, la médecine moderne prend en compte l’aspect humain au point de moduler ses devises selon les besoins psychologiques du patient. Le droit à l’euthanasie supplante le devoir de vivre. Et à l’obsession suprême de la guérison correspondent désormais l’acceptation et l’adaptation à la maladie.

Le médecin : soignant, confident et accompagnateur

Le Pr. Ghachem expose deux profils : celui du patient et celui du médecin. Le premier est en position de faiblesse due, entre autres, à la maladie, à l’absence d’informations préalables sur son état de santé et son degré de gravité, sur les complications possibles, sur le traitement, sur l’impact de la maladie sur sa vie, son bien-être sanitaire, mais aussi socio-affectif. Le profil du patient est dominé par la peur et la passivité, toutes deux évidentes. En revanche, le médecin soignant se présente comme un technicien — une personne qui maîtrise une certaine technique, dans le présent cas, médicale. Il détient des informations détaillées sur l’état de santé du malade, sur le traitement préconisé, et anticipe sur l’influence de la maladie sur la vie et l’avenir du patient. Il se présente, aussi, comme la personne la mieux indiquée pour agir, et notamment venir en aide au malade, le soulager, apaiser sinon réduire sa souffrance physique.

Entre le premier et le second, il existe tout un écart qui doit s’émousser via la communication. « Une information mieux vécue et comprise facilitera une meilleure adhésion du patient à la proposition de soins et l’aidera à bâtir des stratégies d’adaptation à la maladie », souligne le Pr. Ghachem. D’où le rôle du médecin qui est appelé à aider le patient à surmonter les étapes d’un traumatisme naturel, compréhensible que l’on veut le plus amorti possible.

De l’écoute à la fusion soignante

Le rôle du médecin ne consiste pas uniquement à la prise en charge purement médicale. Son rôle inclut en outre une prise en charge humaine, puisant son fondement des principes de la déontologique médicale. L’écoute s’avère être ainsi la première marche à franchir pour graviter sûrement les étapes du parcours soignant. En donnant la parole au malade et en lui permettant de s’exprimer sur sa vie, sur ses craintes, sur son malaise physique et psychique, le médecin sème ainsi les premières graines du contrat de confiance et prépare le terrain à l’annonce du diagnostic. Pour l’oratrice, l’annonce du diagnostic est traumatisante à coup sûr, et ce, aussi bien pour le malade que pour le médecin. Ce dernier passe une épreuve difficile : il doit ficeler les jalons d’une relation soignant/ soigné fusionnelle et de complicité afin de combattre ensemble et plus efficacement la maladie. Il doit aussi prendre en considération les étapes par lesquelles passera le malade sous le choc. En effet, le malade apprend sa maladie dans une sorte de sidération. A défaut d’une acceptation de son état de santé, il succombe au déni, à l’isolation de sa situation sanitaire, à la projection de sa souffrance sur autrui ou sur des objets. Ayant du mal à affronter l’avenir, à affronter le traitement (la chimiothérapie, opération chirurgicale, amputation d’un membre), le malade recourt au marchandage. Il n’hésite pas à supplier le soignant de daigner reporter le traitement. Aussi, la lucidité et l’aptitude du médecin à convaincre le patient de l’impératif de se soumettre au traitement constituent-elles l’ultime moyen pour continuer le parcours soignant. La communication et la relation entre le malade et son médecin traitant doit obéir à la demi-mesure : il est recommandé au médecin de s’investir sur le plan personnel tout en évitant de tomber dans l’excès ou dans le surinvestissement. Il doit en outre épargner au patient toute agressivité même inconsciente et tâcher de l’accompagner afin de prévenir, dans le cas d’une dégradation physique, les risques de dépression.

Auteur : D.B.S.

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