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Revue de presse

Parapharmacies : ça pousse comme des champignons

La presse | Tunisie | 03/01/2015

Doter ce secteur d’un éventuel cahier des charges, d’une réglementation protégeant la santé du citoyen. Elles n’arborent pas le logo propre aux pharmaciens (le logo est légalement déposé), mais présentent tous les aspects qui pourraient prêter à confusion : la couleur verte, une enseigne attirante avec surtout le mot « pharmacie » qui apparaît clairement, précédé de la précision « para » en police nettement plus petite, une devanture vitrée, un achalandage attractif, un intérieur élégant et bien éclairé, des employés en blouses blanches, etc.

Ces parapharmacies émergent, un peu partout, au point de relever que, dans certains quartiers, ces apparitions frôlent l’anarchie. C’est peut-être ce qui perdra un jour cette nouvelle corporation soit sur le plan du chiffre d’affaires, soit sur le plan de la contrainte qui poussera les autorités compétentes à agir pour réguler, organiser et moraliser ce secteur.

Nul doute que le créneau est intéressant, car on ne se lancerait pas dans un domaine peu productif, avec autant de détermination et de hargne qui ont de quoi surprendre : a-t-on en effet le droit d’ouvrir une parapharmacie sans l’autorisation de « l’Ordre des pharmaciens » ?

C’est M. Jalel Abdallah, président de l’Ordre des pharmaciens, qui a bien voulu nous répondre : « Dans l’état actuel des choses, à part l’existence d’une liste de produits vendus en officine dont la vente n’est pas réservée aux pharmaciens selon le code de la santé qui définit le monopole pharmaceutique, la réglementation est pour ainsi dire encore muette. C’est en fait des produits vendus depuis des années de manière traditionnelle mais qui ne font pas partie des listes de médicaments et assimilés qui y sont commercialisés, mais le danger provient du fait que personne ne connaît les origines et les répercussions que pourraient avoir ces produits, à plus ou moins courte ou longue échéance. C’est le cas des laits pour bébés, des savons pharmaceutiques, des écrans solaires, de beaucoup de plantes, etc., des domaines qui exigent des connaissances sérieuses. Le ministère de la Santé n’a pas le droit de les inspecter et celui du Commerce ne possède pas les compétences pour le faire. Pour le personnel qui y opère, nul n’en est sûr, alors que dans certains domaines, surtout en herboristerie, il y a danger. Les allégations auxquelles on fait de plus en plus allusion dans le domaine commercial représentent aussi un danger. Nous sommes en relation avec le ministère de la Santé pour doter ce secteur d’un éventuel cahier des charges, d’une réglementation protégeant la santé du citoyen, car c’est là notre premier objectif, et bien sûr délimiter les prérogatives et attributions de ce secteur. Une correspondance a été envoyée au Département de tutelle en mai 2014 et nous attendons la réponse ».

C’est clair, l’Ordre des pharmaciens est donc bien conscient qu’il faudrait, d’une manière ou d’une autre, prendre une décision pour mettre un terme à une situation qui ne saurait durer, pour le bien et l’intérêt de tous et en premier lieu du citoyen.

De quoi s’agit-il en fait ?

« Le terme parapharmacie désigne l’ensemble des produits de soins et d’hygiène qui peuvent être vendus sans prescription médicale. La vente de tels produits n’est donc pas uniquement réservée aux pharmaciens et peuvent être proposés par n’importe quelle grande ou moyenne surface. En effet, la parapharmacie n’est pas considérée comme une activité médicale et ne nécessite donc pas de diplôme particulier.»

Si nous partons du principe qu’en parapharmacie on trouve en vente des produits diététiques, d’hygiène corporelle, des cosmétiques, etc. et que les aliments diététiques, les médicaments homéopathiques, allopathiques, les plantes médicinales, les pansements propres à la pharmacopée, les huiles essentielles, les médicaments réservés à l’humain de façon générale ainsi que les médicaments vétérinaires sont exclusivement vendus en pharmacie, les choses paraissent claires. Mais elles ne le sont pas du tout, étant donné que la confusion dans certains produits est aussi palpable que prononcée.

C’est le danger que relèvent les pharmaciens qui font valoir que certains produits représentent un véritable danger au niveau de la manipulation, des doses ou de l’usage.

Le danger des allégations

Les allégations sont des affirmations à but publicitaire qui font miroiter aux consommateurs des vertus scientifiques non prouvées, plus ou moins trompeuses : pour maigrir, perdre du poids, pour être plus fort et plus dynamique, pour être plus endurant, pour renforcer les défenses naturelles, renforcer les os, etc.

Les publicités qui exaltent certaines boissons et qui titillent l’ego des jeunes et moins jeunes inculquent de nouvelles et très souvent mauvaises habitudes de consommation. Beaucoup d’entre elles renferment des produits dopants interdits, mais continuent à écumer le marché.

La vente de produits à base de plantes dont la provenance et les propriétés sont douteuses présente en fin de compte un grand point d’interrogation. Certes, la vente des plantes se fait dans nos contrées depuis des millénaires, nos souks en regorgent, mais ce sont des plantes que le commun des mortels connaît parfaitement et qui relèvent de la « médecine traditionnelle ». Celles qui proviennent d’autres cieux ne présentent pas les mêmes vertus. Ces produits cachetés, souvent achetés en contrebande, ou sur les marchés parallèles, ou importés sans aucune garantie médicale, n’ont aucune traçabilité. Ils représentent de véritables dangers. Lorsque l’on sait qu’un médicament n’est autorisé à la vente qu’après de stricts contrôles pour prévenir les répercussions sur la santé, il y a quand même des précautions à prendre pour la protection des citoyens.

Etudes comparées

C’est que pour ouvrir une parapharmacie, spécialité non médicale, et où la vente est effectuée sans prescription médicale, la présence de personnels diplômés n’est pas obligatoire.

Considérant que les marges sont substantielles et que les écarts sont généralement plus conséquents, les parapharmacies sont de plus en plus appréciées pour l’achat de certains produits.

Au Maroc, on a ouvert des parapharmacies depuis les années 2004. Ces officines se sont engouffrées dans le vide juridique pour prospérer.
En France, la parapharmacie représente entre 40 et 60 % d’une officine. Un constat qui ne peut qu’exciter les personnes sans emploi et qui cherchent une ouverture. Il est vrai que dans ce pays les procès se sont multipliés, mais « la jurisprudence et la loi se conjuguent pour confirmer que la vente des produits de parapharmacie n’est soumise à aucune autorisation et relève du principe de libre distribution. Cette prise de position a été notamment confirmée pour les produits de cosmétiques et d’hygiène (Cour d‘appel de Paris 1998), les édulcorants de synthèse (loi du 05.01.1988), les laits infantiles (Cour d’appel de Paris 1989) ».

Mais en France, certains producteurs spécialisés exigent la présence d’un pharmacien diplômé dans l’officine fournissant des produits parapharmaceutiques pour livrer leurs produits.

C’est une précaution qui pourrait ouvrir la voie à une mise en place d’une réglementation en Tunisie. Elle associerait l’appel à du personnel spécialisé, diplômé, en attente sur la longue liste des pharmaciens formés et non encore à la tête d’une officine aux côtés de ceux qui sont à la recherche d’une possibilité de travail dans un créneau intéressant.

Le ministère de la Santé et l’Ordre des pharmaciens pourraient s’orienter vers cette direction à l’effet de protéger les citoyens contre l’anarchie qui se prépare, tout en préservant l’aspect social de la question.

Kamel GHATTAS

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