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La presse | Tunisie | 06/01/2014
Un secteur au plus mal
La fuite des compétences médicales vers le privé, la dégradation de l’infrastructure hospitalière et des conditions de soins dans les hôpitaux, le manque, voire la pénurie de médicaments et le sous-équipement des institutions publiques de soins...ce n’est pas nouveau et ne peut être imputé à aucun gouvernement post-révolution. Mais nul ne peut nier également que ces problèmes se sont aggravés depuis 2011 et pour la première fois, même la violence a fait son apparition dans les hôpitaux, perpétrée contre le personnel soignant, y compris dans les services des urgences. Du jamais vu. La dernière en date, l’agression physique, vendredi dernier, du Pr Chokri Guaddour, chef de service anesthésie-réanimation à l’institut de neurochirurgie (hôpital La Rabta), venu soutenir les jeunes médecins grévistes, par un agent de la sécurité à l’entrée du ministère de la Santé, un fonctionnaire censé maintenir l’ordre et préserver la sécurité des personnes. A croire que l’échelle des valeurs s’est inversée et que l’élite du pays a beaucoup perdu de son aura après la révolution de la dignité.
Equiper les hôpitaux
On ne peut pas non plus nier que les conditions de travail tout comme celles de l’hospitalisation dans les institutions de soins publiques sont difficiles et contraignantes en raison de nombreuses carences. «Il arrive qu’une intervention chirurgicale soit reportée à cause de la non-disponibilité du fil de suture ; qu’un malade opéré soit placé dans une chambre sans chauffage au risque d’attraper une pneumonie», cite au hasard des exemples Dr Habiba Mizouni, secrétaire général adjoint du Syndicat national des médecins, pharmaciens et dentistes hospitalo-universitaires, lors d’une intervention sur les ondes d’une radio privée pour exprimer la colère des médecins en grève le 3 janvier à l’échelle nationale et du 3 au 9 janvier à Sfax.
La principale revendication étant l’annulation de la loi sur l’obligation du travail dans les régions intérieures pendant trois ans, décidée, selon le ministre de la Santé, par l’ANC.
L’argument des grévistes est que le ministère de la Santé doit mettre en place et assurer les conditions de travail adéquates dans les hôpitaux régionaux avant d’affecter des spécialistes. «Que peut faire un médecin spécialiste s’il n’a pas les équipements et les médicaments nécessaires pour soigner les malades ?», s’interroge Dr Mizouni. «C’est une tromperie que de faire croire aux citoyens que les médecins ne veulent pas travailler dans les régions intérieures ; les médecins veulent au contraire que ces régions bénéficient de leur droit en infrastructures hospitalières qui tournent pour que les soins soient prodigués dans les meilleures conditions et efficacement», ajoute-t-elle.
Eviter l’escalade
Les régions intérieures du pays souffrent, en effet, d’un manque flagrant et inadmissible de médecins spécialistes, ce qui est à l’origine de l’engorgement des hôpitaux de la capitale et des grandes villes et des longs mois d’attente avant d’obtenir un rendez-vous pour une consultation par un spécialiste hospitalier. Ces régions sont assimilées à des déserts médicaux, selon la terminologie adoptée par l’OMS qui admet leur existence dans plusieurs pays. Et cela ne peut plus continuer. Un compromis doit donc être trouvé. «Il faut changer de discours politique, abolir la loi sur le service obligatoire de trois ans dans les régions, puis se réunir autour d’une table pour discuter des solutions qui existent et qui ont été déjà présentées par le syndicat des médecins hospitalo-universitaires, relevant de l’Ugtt, au ministère de tutelle», propose Habiba Mizouni. Il est évident que la colère des médecins est montée d’un cran vendredi après l’agression du Pr. Guaddour et que celle du ministre de la Santé était visible sur son visage, à El Watanya 1, à cause des slogans et des «Dégage» lancés par les résidents et les internes des hôpitaux tunisiens au cours du sit-in observé devant le ministère de la Santé. Mais cette démarche d’entêtement et de défi ne mènera à rien sauf à compliquer et à bloquer davantage la situation, surtout lorsque l’on immisce la politique dans le social.
Auteur : Amel ZAIBI
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