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La presse | Tunisie | 12/03/2013
Etat des lieux de la couverture en santé en Tunisie
En dépit des efforts louables menés depuis l’indépendance en matière de sécurité sociale et de protection sanitaire, tous les Tunisiens ne disposent pas aujourd’hui d’une couverture contre le risque maladie. Les spécialistes en santé publique et en économie de la santé estiment que 8 à 10 % des citoyens n’ont aucune forme de couverture sanitaire. Il s’agit essentiellement des chômeurs qui ne contribuent pas au régime d’assurance maladie, des travailleurs saisonniers et occasionnels, des petits métiers du secteur informel et des personnes âgées éligibles à l’assistance médicale gratuite mais n’en disposent pas pour diverses raisons. Ce million de citoyens, exclus de la couverture santé, financent intégralement leurs frais de soins ou recourent aux mécanismes de la solidarité familiale...ou de ce qu’il en reste par ces temps difficiles. Ces franges vulnérables de la société ont des besoins de santé qui ne sont pas totalement satisfaits, ce qui réduit leur droit à la santé.
En plus de ce déficit numérique de couverture, l’analyse économique des dépenses de santé en Tunisie montre d’autres symptômes révélateurs d’iniquité et d’injustice sociale. En effet, la structure des dépenses totales de santé montre que presque la moitié de la facture sanitaire est supportée directement par les ménages (45 % en y incluant les frais de contributions aux mutuelles et assurances privées complémentaires du régime de base). Les dépenses élevées des ménages réduisent la portée de l’assurance contributive à travers la Cnam et l’assistance médicale gratuite de leurs contenus compte tenu de l’inflation galopante des services de santé. L’analyse des déterminants de la hausse des dépenses des ménages pointe dans deux directions essentielles relatives à l’architecture de l’offre de soins et à la gestion de l’assurance maladie par la Cnam.
La structure des dépenses de santé a subi une modification importante pendant les trois dernières décennies et en particulier depuis la crise économique de la fin des années 80 et l’adoption de la politique d’ajustement structurel dictée par le FMI et la Banque mondiale. L’Etat s’est graduellement désengagé du financement des secteurs sociaux dont l’éducation et la santé tout en encourageant le développement du secteur privé de l’offre de services. L’affaiblissement graduel des performances du secteur public, principal pourvoyeur de services, de formation et de recherche en santé et dernier recours pour les pauvres et les démunis, la migration des compétences du secteur public vers le secteur privé florissant ont facilité le développement d’un système d’offre de services de santé à deux vitesses : un système de qualité pour ceux qui ont les moyens et un système public essoufflé pour les pauvres et les démunis.
Une analyse plus affinée du financement, utilisant des données des enquêtes des dépenses de ménages avec la contribution technique de l’OMS a aussi montré un autre indice d’iniquité de financement entre les citoyens en fonction de leurs revenus. Il s’agit du niveau élevé (4,5 %) des ménages qui arrivent annuellement au seuil des dépenses dites catastrophiques pour raison de maladie d’un ou plusieurs membres de la famille. Ce seuil est défini comme étant la dépense de 40 % ou plus des revenus disponibles du ménage annuellement sur les soins. Ce niveau des dépenses entraîne la perte des économies des familles, oblige à l’endettement et parfois à la vente des sources de revenu telles que les terrains agricoles ou le cheptel. L’étude a aussi révélé que 1 à 2% des ménages tombent annuellement sous le seuil de la pauvreté à cause des dépenses médicales.
En plus de ses dysfonctionnements systémiques, la gestion de l’assurance maladie contributive par la Cnam montre aussi des signes de faiblesse relatifs au niveau des recettes recouvrées, aux arrangements contractuels avec les prestataires publics et privés, au système de remboursement des frais encourus par les assurés et en particulier le niveau de plafonnement et la gestion technique.
Par ailleurs, certaines études ont montré des signes inquiétants relatifs à la qualité des services offerts dans les divers secteurs et à la sécurité des patients dans les établissements sanitaires. Ce phénomène est causé par le manque de moyens financiers des structures publiques et l’adoption de réformes visant le travail à temps partiel des fonctionnaires. Aussi la compétition déloyale dans le secteur de l’exercice de libre pratique a des retombées négatives sur la qualité des services rendus et sur la sécurité des usagers.
Un système de santé ayant un financement inéquitable et n’assurant pas un accès adapté aux besoins des citoyens contribue à l’augmentation de l’injustice sociale et de la pauvreté dans le pays. C’est pourquoi il est important d’être attentif aux réformes de fond du système national de santé dans le sens d’une meilleure équité et d’une gestion plus rationnelle.
Protéger le droit à la santé dans la nouvelle constitution
L’érosion graduelle du droit à la santé était parmi les facteurs du mécontentement social dans la période qui a précédé la révolution de la liberté et de la dignité. Selon les analystes, cette situation explique en partie le succès surprenant de la Pétition populaire aux premières élections libres d’octobre 2012 grâce à son projet incluant la médecine gratuite, et ce, malgré l’absence de structures organisationnelles pour ce courant politique. Les nombreux électeurs qui ont appuyé les listes de la Pétition populaire ont voulu rappeler un acquis social obtenu grâce à des luttes sociales depuis l’indépendance du pays : l’accès équitable et à des frais abordables aux services de santé.
Le droit à la santé a été reconnu expressément au niveau des droits économiques et sociaux du projet de la nouvelle constitution alors qu’il était uniquement mentionné dans la liste des droits humains dans le préambule de la constitution de 1959. Toutefois, tout en reconnaissant que la santé est un droit humain pour tous sans exclusive, l’article 30 du projet de constitution ne clarifie pas le contenu de ce droit et ne précise pas les responsabilités et les obligations de l’Etat pour la mise en œuvre et pour la protection de ce droit fondamental et supérieur synonyme du droit à la vie. L’article relatif au droit à la santé doit garantir l’accès équitable à des services de qualité de sans charges inacceptables pour les individus et les ménages. L’Etat doit mettre en place un système de protection sociale et de financement qui tendra vers la couverture universelle de santé, même si cette dernière est implicite dans l’article général (31) sur la protection sociale.
La santé est un droit humain et non un don ou une charité
La couverture sociale sanitaire est assurée actuellement par deux mécanismes assuranciels qui sont la Cnam pour les travailleurs et retraités du secteur public et privé et l’assistance médicale gratuite pour les pauvres et les démunis. Les chiffres disponibles montrent que la Cnam couvre approximativement 60 % de la population contre 24 % couverts par l’assistance médicale gratuite. Le mot assistance a une connotation péjorative car ayant des relents de don et de charité et non de droit. Le processus d’identification des éligibles à l’assistance médicale gratuite est avilissant et se prêtait pendant la dictature aux manipulations politiques.
La formulation actuelle (troisième phrase de l’article 30) qui mentionne uniquement la responsabilité de l’Etat dans le domaine de l’offre de soins gratuits aux personnes ayant des revenus limités n’est pas convenable à plus d’un titre. Tout en remettant sur le tapis les difficultés techniques et opérationnelles d’identification de la pauvreté et de la vulnérabilité sociale, pareille formulation réduit la portée du droit à la santé. Certains lient cette approche au discours de certains partisans de parti islamiste au pouvoir visant le développement d’un fonds spécial pour financer la prise en charge sanitaire des pauvres qui sera alimenté par la Zakat, les biens Habous (Wakf) et les œuvres de charité. Les expériences malheureuses promues en Egypte et au Soudan par les frères musulmans et dans certains autres pays islamiques ne doivent pas être rééditées en Tunisie.
Les fonds additionnels provenant de la Zakat et autres contributions seront les bienvenus pour alimenter un financement national solidaire organisé et géré par l’Etat et non pour se substituer à un Etat affaibli et désengagé de ses responsabilités sociales.
Priorités pour atteindre l’objectif de la couverture universelle de santé
A la lumière de l’analyse de la situation de la couverture sanitaire, les actions prioritaires suivantes doivent être entreprises pour atteindre la couverture universelle :
Les associations de la société civile continueront leur plaidoyer pour un accès universel au droit à la santé en conformité avec les objectifs de la révolution de la liberté et de la dignité.
*(Médecin-Militant associatif)
Par Belgacem SABRI*
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