A l’instar des pays développés et émergents,
notre pays a dépassé le stade des maladies infectieuses ou parasitaires
La Tunisie ne disposait pas autrefois d’une statistique nationale sur les
causes médicales de décès. D’où l’idée
de mettre en chantier un programme national en la matière.
Aussi, depuis bientôt sept ans et grâce à l’introduction
du modèle international du certificat médical de décès
par le décret n° 99 - 1043 du 17 mai 1999 (Jort n° 43 du 28 mai
1999), l’analyse de la statistique annuelle des causes de décès
a pu voir le jour.
Une telle action est rendue possible et facile à réaliser grâce
d’abord à la bonne couverture de notre système d’état
civil, qui permet un enregistrement complet des décès et qui constitue,
par conséquent, une bonne source d’information démographique
et, ensuite, à l’existence d’une réglementation rigoureuse
imposant le constat systématique des décès et la certification
médicale des causes de décès.
L’application rigoureuse de cette réglementation par le corps médical
a permis l’élaboration en 2001 de la première statistique
nationale des causes médicales de décès, qui a montré
que les causes les plus fréquentes sont les maladies du système
circulatoire, lesquelles sont responsables d’environ trois décès
sur dix. Trois groupes de causes de décès, les maladies hypertensives,
les cardiopathies ischémiques et les maladies vasculaires cérébrales,
constituent à eux seuls 70% des décès cardiovasculaires.
Viennent ensuite les cancers, qui sont responsables de 15,4% des décès.
Les causes de décès par cancer les plus fréquentes sont :
le cancer du poumon (un décès par cancer sur cinq), les cancers
digestifs (11% des décès par cancer), les cancers de la prostate
(18,4% des décès par cancer) et le cancer du sein qui est le cancer
féminin le plus fréquent (7% des cancers féminins).
La distribution des cancers pulmonaires est marquée par une importante
surmortalité masculine, qui s’explique essentiellement par la fréquence
plus élevée chez les hommes de l’intoxication tabagique. Chez
la femme, les cancers de l’utérus, corps et col, étaient la
cause d’une proportion relativement élevée de décès
(1,7% de l’ensemble des décès féminins).
Quant aux cancers des voies aéro-digestives supérieures qui regroupent
les tumeurs malignes de la bouche, du pharynx, du larynx et les localisations
œsophagiennes, ils représentent 1% des décès totaux
et affectent prioritairement les hommes âgés de plus de 55 ans (47%
des décès par ces cancers). Ces cancers sont essentiellement masculins,
du fait de leur étiologie très fortement liée à l’alcoolo-tabagisme.
En ce qui concerne les maladies infectieuses et parasitaires, elles ne représentaient,
en 2001, que 3,5% de l’ensemble des causes de décès. En particulier,
la tuberculose n’est responsable que de trois décès sur mille.
La régression des maladies infectieuses s’est traduite par une diminution
importante du risque de décès général.
L’analyse plus détaillée des causes de décès
montre que notre pays se distingue également par l’importance du
diabète sucré, plus élevé que dans la plupart des
autres pays. La fréquence des accidents de la voie publique est, elle aussi,
particulièrement élevée en Tunisie : 3,5% de l’ensemble
des décès survenus en 2001.
Par ailleurs, nos résultats montrent que malgré de grandes similitudes,
la répartition des causes de décès varie sensiblement selon
le sexe et présente quelques particularités. Bien qu’un plus
grand nombre d’hommes que de femmes aient été emportés
par les maladies du système circulatoire, ces maladies ont causé
le décès d’une proportion beaucoup plus forte de femmes (31,4%)
que d’hommes (27,0%).
En revanche, les hommes couraient un risque beaucoup plus grand que les femmes
de mourir d’un cancer : 18,4 contre 14,0% chez les femmes. De même,
la fréquence des morts violentes est nettement plus élevée
chez les hommes que chez les femmes.
Ce sont en particulier les enfants et les jeunes adultes de sexe masculin qui
sont particulièrement exposés aux accidents de la voie publique.
En effet, trois décès par accident sur dix concernent un homme de
15 à 44 ans. On notera également que les suicides et les accidents
de travail frappent davantage les hommes que les femmes.
L’examen des données de mortalité montre donc que, dans le
mouvement de l’évolution épidémiologique à long
terme, la Tunisie se situe désormais à une phase avancée.
En effet, à l’instar des pays développés et émergents,
notre pays a dépassé le stade où dominent les maladies infectieuses
et parasitaires. Actuellement, les maladies du système circulatoire, les
maladies métaboliques et les cancers ont pris le pas.
Il s’agit-là du résultat d’efforts et de luttes qui
ont été menés dans le passé afin d’améliorer
le niveau de vie et de la protection sociale, de faire progresser la médecine
et d’en diffuser les applications pour tous. C’est donc un succès
dont on est fier et dont il faut se réjouir.
Cette évolution cependant est aussi un défi. Cela en raison de ses
conséquences en matière d’organisation des services de santé
et des enjeux auxquels sera confronté notre système de soins dans
les prochaines années.
En effet, ces résultats montrent clairement qu’une des priorités
de santé publique doit consister à mettre l’accent sur la
prévention. Celle-ci constitue une priorité de santé publique
dans notre pays et doit avoir comme objectif la réduction des risques.
L’étude de la distribution des causes de décès en fonction
des données épidémiologiques montre, effectivement, que les
déterminants de l’état de santé de la population ne
relèvent pas que du seul système de soins et permettent d’apprécier
l’importance et le poids respectifs des facteurs environnementaux, sociaux
et culturels.
Dr Saïd Hajem
Médecin épidémiologiste, Institut national de santé
publique