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Revue de presse

L’intérieur du pays est-il condamné à une sous-médicalisation durable ?

Le quotidien d'Oran | Algérie | 12/07/2006

L’examen des ratios et des indices de santé montre de façon évidente, la médiocrité des résultats de santé enregistrés à l’intérieur du pays. Cette situation perdure malgré tous les efforts de l’Etat, lequel a investi de gros moyens financiers en matière d’infrastructures et d’équipements de base. La couverture sanitaire en Algérie peut même être considérée comme l’une des meilleures d’Afrique.

Les résultats sont cependant décevants. Si nous retenons les deux principaux paramètres de santé publique et malgré l’absence de données précises par commune, le taux de mortalité infantile est de 40 à 60 % plus élevé dans les wilayas de l’intérieur parfois le double et le taux de mortalité maternelle est pratiquement trois fois plus élevé dans les wilayas du Sud par rapport à celles du Nord... Les disparités intéressent également les ressources humaines: 73 % des médecins spécialistes sont concentrés dans treize wilayas du pays alors que pratiquement quinze wilayas ne disposent pas d’un seul pédiatre ou d’un obstétricien (MSPRH, 2002). Ces données remettent en question le principe de droit à la santé proclamé par la Constitution et rendent compte de l’échec de la gestion ‘au jour le jour’ de la santé en l’absence d’une politique claire et d’objectifs précis. Le système national de santé est, en effet, le reflet des valeurs de l’Etat-Nation.

Notre système de soins s’est voulu très généreux. Des hôpitaux ont été construits presque partout. Mais à aucun moment, les besoins de santé de la population n’ont été précisés ou discutés avec la communauté. Tout a été standardisé au niveau des bureaux du ministère d’El-Madania. La bureaucratisation de l’offre de soins a créé une surcapacité d’offre génératrice de dépenses inutiles au détriment de besoins locaux spécifiques non satisfaits. La conséquence est qu’aujourd’hui, plus de 130 hôpitaux de l’intérieur du pays ont un taux d’occupation inférieur à 50 %. Des milliers de lits de santé publique sont inoccupés, les dépenses de santé augmentent de plus en plus alors que le citoyen de l’intérieur du pays se plaint d’être mal soigné. La raison est certes un manque de rationalisation des ressources humaines.

Plusieurs tentatives d’imposer un service civil aux spécialistes et d’envoyer des médecins spécialistes à l’intérieur du pays ont rapidement montré leurs limites. D’une part, les besoins restent toujours identifiés par les directions de santé de wilaya lesquelles souvent procèdent par empirisme ou pour satisfaire des demandes de responsables locaux. Que de fois, les spécialistes envoyés ont créé des besoins, entraîné des dépenses par l’entremise de l’APW qui a financé des équipements. Une fois la durée du service terminée et le spécialiste parti, l’équipement acheté est laissé à la poussière, lorsque ce dernier n’arrive pas après le départ du spécialiste et auquel cas, il n’est jamais utilisé...

D’autre part, la féminisation de plus en plus poussée de la profession et l’absence de flexibilité du système d’affectation empêchent les spécialistes de rejoindre les postes imposés par le ministère. A peine 10 % de spécialistes auraient rejoint leurs postes d’affectation pour la dernière promotion de 2005. Décider de façon absolue que tous les spécialistes iraient à l’intérieur du pays ne sert ni l’intérieur du pays, ni les spécialistes, ni encore moins la santé publique. Face à ces mesures bureaucratiques, toute la santé est en fait pénalisée, car envoyer certains profils de spécialistes à l’intérieur où la masse de travail est relative (c’est le cas notamment des médecins biologistes et des médecins radiologues) alors que de grands hôpitaux en ont crucialement besoin apparaît comme contreproductif !

Pour corriger durablement ces disparités, il apparaît important de prendre en considération trois facteurs :

  • La formation doit être orientée pour satisfaire les besoins des populations. L’avantage doit être donné aux médecins généralistes établis et exerçant dans les régions où les besoins se font sentir pour des médecins spécialistes. L’accès de ces médecins généralistes locaux à une formation spécialisée les motivera davantage et répondra plus durablement à la demande locale. Parallèlement, la capacité des paramédicaux doit être augmentée moyennant des perfectionnements répétés.

  • La réduction des dépenses de santé passe par une réorientation de l’offre de soins et donc un redéploiement des activités. La priorité doit être donnée aux profils épidémiologiques notés dans la région (par exemple: lutte contre le trachome à El-Oued, prise en charge et prévention des complications du diabète à Ghardaïa, lutte contre la leishmaniose dans les wilayas des Hauts Plateaux, lutte contre l’infection HIV-sida à Tamanrasset, lutte contre le paludisme à Adrar...). La surcapacité existante gagnerait à offrir des partenariats aux privés (exemple: si un projet de laboratoire ou d’un centre d’imagerie se fait jour, l’hôpital peut proposer un partenariat au privé pour héberger la nouvelle structure à l’hôpital puisqu’il y a de la place et le bénéfice sera général). L’hôpital devra être géré comme une entreprise économique, il lui appartient de faire appel aux spécialistes qu’il juge nécessaires, en établissant des partenariats avec les hôpitaux universitaires ou les cliniques privées.

  • Le concept de région sanitaire, qui devait initialement tendre à optimiser les moyens techniques d’un groupe de wilayas, s’est limité à accorder certains avantages à quelques personnes. La démocratisation des soins suppose que le citoyen puisse accéder aux mêmes moyens et donc bénéficier de la même offre de soins. Pour cela, la réforme doit prendre en compte la création d’hôpitaux régionaux qui devront disposer de moyens nécessaires pour répondre à la demande de soins curatifs (par exemple: prise en charge du cancer, de la santé mentale...).
    Les hôpitaux périphériques qui leur seront rattachés (pas organiquement mais par des liens privilégiés) doivent être orientés vers la prévention en dispensant une médecine rurale et en assurant certaines activités de soins.
    Pour rapprocher davantage le malade de l’offre de soins tout en rationalisant les dépenses, les moyens coûteux seront mis en commun entre les hôpitaux (exemple: une RMN, un scanner ou un appareil d’exploration nucléaire mobiles s’arrêteront un jour par semaine dans un hôpital donné au cours de leur rotation hebdomadaire...).
    La pérennité de tout système de soins est liée avant tout à sa capacité d’adaptation à la demande en soins de la population. Créer un système statique et standardisé ne répond pas aux besoins de la population qui le décrie, est dévoreur de budget et génère des gabegies. In fine, il ne traduit ni les efforts de l’Etat pour une politique de promotion de la santé, ni ne répond aux attentes de la population. Le recours à des solutions improvisées ou à courte vue finit toujours par montrer ses limites, or le pays a besoin de solutions durables.
Mostéfa KHIATI Professeur, Président De La FOREM

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