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Revue de presse

Un phénomène social qui prend de l’ampleur : 80.000 avortements chaque année en Algérie selon la gendarmerie nationale

El Moudjahid | Algérie | 03/05/2006

  • 80 femmes ont perdu la vie suite à des IVG clandestines en Algérie et 7.800 dans le monde.
  • La loi et la charia interdisent l’avortement sauf dans des cas précis.
  • Un avortement clandestin provoqué coûte entre 70.000 et 90.000 DA. 
  • Chaque année 46.000.000 avortements sont recensés dans le monde et 5.000 enfants naissent hors mariage.

L’avortement ou une autre façon d’expulser l’embryon ou le fœtus avant 180 jours de la grossesse est devenu en l’espace de quelques années un phénomène social au niveau mondial mais aussi en Algérie. L’avortement qui n’est pas du tout cerné reste, de l’avis des spécialistes, tabou.
Le nombre de cas traités par la justice algérienne et ceux déclarés ne reflètent en aucun cas la réalité de la situation d’autant plus que l’avortement se fait de manière clandestine. Aujourd’hui, sur environ 46 millions d’avortements pratiqués chaque année dans le monde, plus de 20 millions sont illégaux, par conséquent réalisés dans des conditions sanitaires précaires et souvent par des personnes non qualifiées du point de vue médical. Ces interventions provoquent le décès de 7.800 femmes chaque année.
En Algérie, la situation est devenue plus que jamais préoccupante. Chaque semaine les unités de la gendarmerie et les services de la sûreté nationale découvrent des nouveau-nés sans vie abandonnés dans des décharges publiques, dans des rues, dans des draps ainsi que dans des couffins. Les services de la police judiciaire des deux corps ont traité l’année écoulée 40 cas d’avortement à travers l’ensemble du territoire national.
Ce chiffre en réalité n’est que la partie visible de l’iceberg car selon les services de santé et les hôpitaux, il y a eu pas moins de 80 décès suite à des avortements effectués chez des femmes ou de faux médecins et cela uniquement dans la wilaya d’Alger. Des recherches approfondies et le recueillement des statistiques en sus de la déclaration en cas d’avortement révéleraient des chiffres énormes.
La croissance de l’avortement clandestin est due très certainement à la remontée vertigineuse du nombre des agressions sexuelles, les viols, les incestes, les attentats à la pudeur. A titre d’exemple, l’année dernière il a été enregistré chez la police 326 viols tandis que chez les gendarmes 122 cas ont été traités durant les 9 premiers mois de l’exercice précédent. Ces chiffres expliquent la hausse des cas d’avortement en Algérie.
Même les femmes mariées qui ne désirent pas garder leurs bébés recourent très souvent à l’avortement. Il est difficile de détecter un cas d’avortement. Sa détection se fait une fois que la femme victime de complications dues à l’opération ou d’une hémorragie aiguë.

Les raisons d’un avortement

Toute une série de problèmes, et non quelques facteurs isolés, sont à l’origine des conflits générés par une grossesse non désirée. Le sens des responsabilités envers un futur enfant est capital. Une grande importance est accordée à la solidité du couple et de la famille. Une relation fragile, des doutes quant à l’aptitude à élever un enfant, la peur de l’avenir, le surmenage créé par la multiplicité des tâches à accomplir, le respect des sentiments du partenaire figurent parmi les raisons de cet acte.
Pour ce qui est des raisons les plus fréquemment invoquées pour une interruption de grossesse, on relève une mauvaise relation de couple et l’incompatibilité de la formation ou de l’exercice d’une profession avec un enfant. Une situation financière grave, un obstacle à la réalisation du désir d’enfant, une femme victime d’un viol ou d’un inceste figurent également au tableau.
Souvent les femmes qui envisagent une IVG sont exposées à toute sorte de contraintes : le partenaire leur demande d’avorter et les abandonne, la relation est rompue, les parents ne veulent pas entendre parler d’un petit enfant illégitime, les soucis financiers s’accumulent, etc.
Ceci ne signifie cependant pas que la femme se décide pour une IVG uniquement sous la pression de l’entourage, indépendamment de sa propre volonté. Dans son propre intérêt et celui d’un futur enfant, elle prendra en considération tous ces paramètres. Les contraintes ne disparaissent pas avec la naissance de l’enfant et elle devrait continuer à vivre avec elles.
Plusieurs études montrent que peu de femmes subissent une IVG uniquement parce qu’elles ont succombé à de fortes pressions de leur entourage.

En Algérie, l’IVG a connu une hausse conséquente dans le milieu des cités universitaires de filles, les adolescentes mais aussi dans les villages et pas uniquement au niveau de la capitale.
L’année dernière, les services de la police judiciaire ont réussi à démanteler un réseau spécialisé dans l’avortement composé de 10 éléments dont une femme qui jouait le rôle d’intermédiaire entre les femmes, le médecin chirurgien et les infirmiers impliqués. A Tissemssilt, un infirmier licencié pour faute professionnelle grave a été arrêté à son tour pour avoir réalisé plusieurs avortements. Aujourd’hui avec l’évolution de la médecine, il est désormais possible à la femme d’avorter en prenant des comprimés qui l’aideront à avorter sans pour autant recourir à une intervention.
Selon une étude effectuée par le sous-lieutenant Belhadj de la cellule de communication du commandement de la gendarmerie nationale, beaucoup de jeunes filles ont avorté dans des conditions abominables, jusqu’à prendre le risque de devenir stérile comme au début de cette année où une jeune fille est décédée à Alger des suites d’un avortement, l’opération ayant été mal réalisée.

Selon quelques informations, la pratique de l’avortement clandestin, sans assistance médicale légale coûte entre 70.000 et 90.000 dinars. Des filles vont en Tunisie en prétextant le tourisme pour se faire avorter moyennant 500 euros, plus d’autres frais ce qui revient à 80.000 DA.
Selon une source bien informée, quelques cliniques privées pratiquent en cachette l’interruption de la grossesse contre une forte somme d’argent. Ce qui fait que le voyage pour la Tunisie pour l’avortement connaît ces deux dernières années une baisse sensible.  Selon les gendarmes, de 1990 à 1992, à l’échelle nationale pour 100 naissances vivantes, il y a 10,5% d’avortements provoqués, soit au minimum 80.000 avortements par an pour 77.500 naissances. L’avortement provoqué est plus répandu en milieu urbain (11,3 pour 100 naissances vivantes) qu’en milieu rural avec 9,9%. Il est à noter aussi que 12% de ces avortements ont lieu à un mois de gestation alors 31% à 2 à 3 mois et 25 % à 4 mois.

La loi et la charia interdisent l’avortement

L’avortement en Algérie est strictement interdit. La loi dans ce sens est on ne peut plus claire. L’article 304 de code pénal stipule «quiconque par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violence ou par tout autre moyen, a procuré ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte qu’elle y ait consenti ou non est puni d’un emprisonnement de un an à cinq ans et d’une amende de 500 à 10.000 dinars. Et si la mort en résulte, la peine est la réclusion de 10 à 20 ans ».
Ainsi, chaque femme en Algérie qui pratique un avortement risque non seulement la prison mais également la stérilité, l’infirmité ou la mort. Cela interviendra suite aux conditions non surveillées et non hygiéniques. Du point de vue de la charia, la pratique de l’avortement est interdite.
Selon la même étude, «l’université d’El Azhar au Caire avait émis de sérieuses réserves alors mais cette même autorité religieuse avait déclaré licite l’avortement de femmes bosniaques violées par des miliciens serbes, parce qu’il s’agissait de femmes musulmanes violées par des chrétiens ».

Le cas où l’avortement est autorisé

Les cas où l’avortement est autorisé selon les lois de la République le sont soit pour des raisons thérapeutiques afin de sauver la vie de la femme, si elle est en danger (art : 308) ou pour un avis médical selon lequel le fœtus présente des risques de malformation graves.
En cas de viol, l’interruption d’une grossesse n’est pas autorisée sauf s’il s’agit d’un viol commis dans le cadre d’un acte terroriste. Outre l’autorisation des autorités publiques dans ce cas là, une fatwa a également consenti à l’avortement dans le même cas.
Lors d’un colloque national sur le thème «L’impact de l’avortement à risque sur la santé et le bien-être des femmes et de la société» organisé à l’hôtel Sofitel par l’Association algérienne pour la planification familiale (AAPF), les participants à cette rencontre ont déclaré à l’unanimité que le problème de l’avortement existe bel et bien en Algérie sans pour autant que son ampleur ne soit connue.
Certains intervenants ont avancé, le chiffre de 200 à 300 avortements clandestins par an. Le docteur Kedad, représentante du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, s’est contentée de donner le nombre d’enfants abandonnés chaque année et qui est de l’ordre de 5000. Celle-ci affirmera que le nombre se rapportant aux 5000 enfants abandonnés nés hors mariage a été fourni par les services de l’état civil.
Au cours de la même conférence le professeur Chafi a indiqué que l’Afrique est le continent où l’on enregistre le plus de mortalité et de morbidité liées à l’avortement. Selon lui, il a été constaté 580 000 décès dans le monde. Pour une femme qui meurt, il y a à côté 10 à 15 femmes qui sont handicapées à vie. Dans le même ordre d’idées il fera remarquer, par ailleurs, que la stérilité est une conséquence tragique d’un avortement pour une jeune femme qui n’a pas encore d’enfants.

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