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El Watan | Algérie | 21/05/2007
Parler au passé d’un homme de la stature du Dr Ben Mansour est assurément un périlleux exercice intellectuel. El Hadi était, en effet, un ophtalmologiste hors du commun. Ancien chef de clinique du Centre national d’ophtalmologie des Quinze-Vingt de Paris, il rentra au pays dès les premières années de l’indépendance en renonçant à une situation stable en France. A Béni Messous, il assura la direction de l’unité d’ophtalmologie parallèlement à une activité privée, où exerçaient, également, les missions américaines de grande compétence. El Hadi me confirma lui-même, un jour, qu’il a « beaucoup appris auprès des Américains ». Lorsqu’en 1970, j’ai décidé de quitter l’hôpital Mustapha, j’ai sollicité du ministère de la Santé mon affectation à un service d’ophtalmologie vacant. On m’imposa presque celui de Beni Messous, déjà pourvu. A cette époque tous les services hospitaliers, en dehors d’Alger, étaient dirigés par des praticiens privés, dans le cadre d’une médecine dite à mi-temps.
Je débarquai, un jour à Beni Messous sans que le Dr Ben Mansour soit informé de la nouvelle situation : la relève des praticiens privés chefs de service par des professeurs, déjà en surnombre à l’hôpital Mustapha. Cette pénible mission m’échut, donc et la pilule fut amère pour le Dr Ben Mansour, malgré le ménagement que j’ai pris en lui annonçant la nouvelle. Après une bouderie de quelques jours, El Hadi revint au service et me demanda s’il pouvait reprendre ses activités. « Qui vous en a empêché ? », lui répondis-je simplement. Ce fut donc dans un contexte un peu difficile que débuta notre collaboration. Mais, progressivement, devant les gages de bonne volonté et de compréhension que je manifestais à l’égard du Dr Ben Mansour, nos relations devinrent cordiales, voire même amicales.
Et c’est ainsi que, de 1971 à 1983 ou 1984, soit pendant près de quinze ans, dans une atmosphère de respect et d’estime réciproque, El Hadi et moi, avec l’apport ultérieur d’un ophtalmologiste hongrois de grande compétence, avons collaboré sans le moindre nuage dans nos relations, au grand bénéfice de nos résidents. Le Dr Ben Mansour avait la formation des ophtalmologistes des années 1940 et 1950, à l’image des encyclopédistes des siècles passés. Une formation complète, intéressant tous les segments de l’œil pour ce qui nous concerne. La précision du geste chirurgical, chez El Hadi n’avait d’égard que la vivacité de son esprit. Il était, en particulier, le maître incontesté de la chirurgie du décollement de rétine dans les années 1960 et 1970. J’atteste, aujourd’hui, avec toute la force de mes convictions, que le Dr Ben Mansour a été un de nos meilleurs ophtalmologistes sinon le meilleur.
Lorsque le moment viendra d’écrire l’histoire de la médecine algérienne, je suis persuadé que le Dr Ben Mansour occupera une place de choix dans le Panthéon de l’ophtalmologie algérienne. En 1983 ou 1984, El Hadi quitta mon service sans que j’en fusse informé ni par lui-même, ce qui était un peu surprenant, vue l’excellence de nos relations, ni par la tutelle, ce qui ne m’étonna guère, connaissant la façon cavalière dont certains responsables annoncent leur « fin de mission » à nos meilleurs cadres. Je n’ai donc pas pu honorer El Hadi pour ses « bons et loyaux services ». Mon présent témoignage vise à combler cette lacune en rendant au Dr Ben Mansour un hommage des plus sincères pour son efficace contribution à la formation de nombreux jeunes ophtalmologistes, que l’on trouve actuellement exerçant dans les quatre coins du pays.
L’ophtalmologie algérienne doit donc beaucoup à El Hadi. Qu’il en soit remercié, même à titre posthume. Et mon nom personnel et au nom de tous ceux qui l’ont connu et apprécié à Beni Messous, je présente mes plus sincères condoléances à Mme Ben Mansour et à tous les membres de sa famille.
L’auteur est Professeur honoraire Chef de service d’ophtalmologie
de Béni Messous
Dr Messaoud Djennas
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