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Le jeune indépendant | Algérie | 09/10/2022
La rage, qui se présente généralement sous deux formes, touche de plus en plus d’enfants, infectés par des morsures de chien en général. En effet, parmi les personnes infectées, 45% sont des enfants. C’est ce qu’a indiqué le Pr Abderrezak Bouamra, chef de service d’épidémiologie et de médecine préventive à l’EPH de Tipasa, dans un entretien accordé au Jeune Indépendant, soulignant que l’application du plan de lutte contre la rage et sa concrétisation sur le terrain nécessite de fixer des objectifs bien précis.
Le Jeune Indépendant : Quels sont les symptômes de la rage ?
Le Pr Abderrezak Bouamra : L’humain infecté par le virus de la rage présente d’abord des signes et des symptômes généraux. Les symptômes sont variés. On peut les résumer comme suit : parmi les premiers symptômes, on retrouve de la fièvre, accompagnée de douleurs ou de fourmillements, des maux de tête, des démangeaisons ou des sensations de brûlure inexpliquées (paresthésie) à l’endroit de la blessure. La propagation du virus dans le système nerveux central entraîne une inflammation progressive et mortelle de l’encéphale et de la moelle épinière. C’est pour cela que la rage existe sous deux formes : dans sa forme furieuse, le sujet présente une hyperactivité, une excitabilité, une hydrophobie (peur de l’eau) et parfois une aérophobie (peur des courants d’air ou de l’air frais). Le décès survient en quelques jours par arrêt cardio-respiratoire.
La forme paralytique de la rage représente environ 20% du nombre total de cas humains. L’évolution est alors moins spectaculaire et, en général, plus longue que pour la rage furieuse.
Les muscles se paralysent progressivement à partir de l’endroit de la morsure ou de l’égratignure. Le coma s’installe lentement et le patient finit par mourir.
Les cas de rage paralytique sont souvent mal diagnostiqués, ce qui contribue à la sous-notification de la maladie.
Par quels moyens se transmet-elle ?
La rage est une zoonose, maladie de l’animal, transmise accidentellement à l’homme.
Le virus de la rage se transmet d’un mammifère, généralement carnivore (chien, chat, renard), infecté à un autre animal ou à l’homme.
Chez l’homme, l’infection découle, en général, d’une morsure ou d’une griffure profonde d’un animal porteur de la rage, et la transmission par les chiens enragés est à l’origine de près de 99% des cas humains, à l’exception de la Région des Amériques, où ce sont désormais les chauves-souris qui sont à l’origine de la plupart des décès dus à la rage humaine, la transmission par les chiens ayant été presque totalement interrompue dans cette région.
Cependant, en Algérie, la transmission par les chiens est de 99%. C’est aujourd’hui une menace émergente pour la santé publique. La transmission peut aussi se produire par contact direct entre la salive d’un animal infecté et les muqueuses de l’homme ou encore une lésion cutanée récente. Dans certains cas qui ont été décrits, mais restent extrêmement rares, la rage peut être contractée par inhalation avec des aérosols contenant le virus ou par transplantation d’organes infectés. La transmission interhumaine par morsure ou par la salive est théoriquement possible, mais n’a jamais été confirmée. Il en va de même pour la transmission à l’homme par la consommation de viande crue ou de lait d’animaux infectés.
Quelles sont les raisons qui font que les enfants soient les plus vulnérables ?
En Algérie, 99% des patients sont infectés par une morsure de chien, et l’enfant représente plus de 45%. Ce taux élevé pourrait être expliqué par le comportement de l’enfant avec l’animal. En effet, l’enfant aime jouer avec les chiens et, généralement, il ne signale pas toujours qu’il a été mordu. De plus, il y a une probabilité élevée d’être victimes de morsures plus graves, souvent à la tête ou de manière multiple.
Estimez-vous que les campagnes de sensibilisation aux dangers de la rage sont suffisantes pour prévenir la population ? Quels sont, selon vous, les conseils à donner aux citoyens pour tenter d’endiguer définitivement cette maladie contagieuse ?
Assurer une action de sensibilisation seule ne suffit pas pour protéger la population puisque ces campagnes de sensibilisation ne constituent qu’une action parmi d’autres.
Il est essentiel de pouvoir compter sur une participation multisectorielle et sur une collaboration dans le cadre de la démarche « Un monde, une santé », ce qui englobe l’éducation communautaire, les programmes de sensibilisation et les campagnes de vaccination.
La vaccination avant exposition est recommandée pour les personnes ayant un métier à risque, comme le personnel de laboratoire qui manipule des virus rabiques ou apparentés (lyssavirus) vivants ou encore certaines personnes (comme celles qui sont chargées de la lutte contre les zoonoses ou les gardes forestiers) dont les activités personnelles ou professionnelles peuvent les amener à être en contact direct avec des chauves-souris, des carnivores ou d’autres mammifères susceptibles d’être infectés. La vaccination avant exposition pourrait également être indiquée pour les randonneurs et les expatriés qui vivent dans des régions éloignées présentant un risque élevé d’exposition à la rage, là où l’accès aux produits biologiques en lien avec la maladie est limité.
Enfin, il conviendrait aussi d’envisager la vaccination pour les enfants qui vivent dans ces régions ou s’y rendent. En jouant avec les animaux, ils peuvent être mordus plus grièvement ou ne pas signaler qu’ils l’ont été.
Traitement et vaccination après exposition :
Par ce terme, on entend le traitement immédiat d’une personne ayant été mordue et donc exposée à la rage. On évite ainsi que le virus pénètre dans le système nerveux central, ce qui entraîne la mort imminente. Les premiers soins comportent un rinçage abondant et un nettoyage immédiat de la plaie pendant au moins 15 minutes à l’eau et au savon, avec un détergent, avec de la povidone iodée ou d’autres substances qui suppriment et tuent le virus de la rage.
La vaccination post-exposition et la sérothérapie sont recommandées ; elles dépendent de la gravité du contact avec l’animal présumé porteur de la rage.
L’Algérie enregistre chaque année près de 20 000 cas, dont 11 décès enregistrés en 2021. La situation en Algérie est-elle inquiétante, notamment en la comparant avec les autres pays arabes ?
L’Algérie a assisté à une nette régression des cas de rage humaine notifiés, qui sont passés de 40 cas par an, au cours de la décennie 1970-1980, à une dizaine de cas en 1989.
Le nombre de décès enregistrés en Algérie, selon les données des dernières années, est resté stable, autour de 10 décès en moyenne par an. Cependant, l’objectif fixé par l’OMS d’ici à l’année 2030 est de zéro cas. L’Algérie doit s’aligner sur les objectifs mondiaux.
Ce nombre, estimé à 10 décès, reste élevé si on le compare avec ceux des pays développés tels que la France, où aucun cas de décès n’a été enregistré depuis 2001. Il est légèrement élevé par rapport à la Tunisie, où seulement un cas de décès de rage a été enregistré en 2020 et cinq en 2021. En revanche, il est très faible par rapport à d’autres pays arabes où le nombre est plus important.
Le ministère de la Santé a récemment procédé à la création d’une commission multisectorielle de lutte contre les maladies d’origine animale. Cette initiative est-elle suffisante ou faut-il prendre d’autres mesures ?
Le plan stratégique de lutte contre la rage est fondé sur une approche graduelle, globale et intersectorielle pour éliminer les morts humaines liées à la rage.
La création d’une commission multisectorielle de lutte contre les maladies d’origine animale, dont la rage, est l’une des actions principales pour réduire les décès et s’aligner aux objectifs mondiaux d’ici à 2030, surtout que le problème de la rage est l’affaire de tous et nécessite l’intervention de plusieurs secteurs (collectivités locales, santé, agriculture et commerce).
Cependant, assurer l’application du plan de lutte contre la rage et le concrétiser sur le terrain nécessite de fixer des objectifs, de renforcer les capacités des intervenants et de les doter des moyens humains et matériels nécessaires, chacun dans son secteur, ainsi que de travailler en coordination étroite avec les différents secteurs, sans oublier d’assurer une évaluation périodique de l’atteinte des objectifs fixés.
Entretien réalisé par Samia Acher
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