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Revue de presse

Pr Sofiane Salah, chef du service d’immunologie au CHU Mustapha : “nous déplorons le faible taux de vaccination”

Liberté-Algérie | Algérie | 07/02/2022

Chef du service d’immunologie au CHU Mustapha-Pacha et membre du conseil scientifique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS), le Pr Sofiane Salah donne des détails sur la propagation du nouveau variant Omicron parmi le personnel du CHU Mustapha, le plus grand hôpital d’Algérie.

Liberté : Depuis la fin du mois de janvier, vous participez au suivi de l’évolution des contaminations à la Covid-19 chez le personnel du CHU Mustapha-Pacha d’Alger. Quels sont les résultats obtenus jusqu’à maintenant ?

Pr Sofiane Salah : Les résultats préliminaires nous ont montré, sur une période de dix jours, qu’en moyenne la moitié du personnel analysé a eu un test antigénique positif. Ces chiffres sont en baisse de 40%, mais nous continuons à suivre l’évolution de ces chiffres. Ces tests ont été effectués sur 600 personnes, ce qui représente un peu plus de 10% du personnel de l’hôpital. Ces données ont pu être obtenues grâce à la mise à disposition, par la direction de l’hôpital, des moyens humains et matériels nécessaires.

Comment pouvez-vous expliquer ce taux de 50% chez le personnel de l’hôpital, un chiffre considérable comparé aux chiffres officiels sur les contaminations au sein de la population ?

Ces contaminations sont dues au variant dominant Omicron, qui est très contagieux. Le personnel a pu être contaminé au niveau de l’hôpital, mais également dans leur domicile, les transports ou ailleurs. Des enquêtes de ce type et de séroprévalence plus poussées sur des effectifs plus importants dans différents centres hospitaliers et au niveau de groupes de populations sont nécessaires, afin d’apprécier le niveau de circulation du virus.

Parmi ceux qui ont été testés positifs, combien sont-ils ceux qui sont vaccinés ?

Nous sommes en train d’analyser au fur et à mesure ces données afin d’obtenir un échantillon plus important et fiable sur le plan statistique.
Comme vous le savez, le variant Omicron donne des formes bénignes et minimes. Toutefois, il faut rester vigilant, car les derniers chiffres de l’Institut Pasteur d’Algérie (IPA) montrent que moins de 10% des cas sont dus au variant Delta, ce qui reste encore préoccupant chez les sujets avec des comorbidités et surtout non vaccinés. Il ne faut pas oublier qu’il y a encore des dizaines de sujets en réanimation, ainsi que des décès dus à la Covid-19.

Quelle est la proportion de l’Omicron parmi les sujets contaminés que vous avez testés ?

Il est fort probable que l’Omicron prédomine ; il faut juste rappeler qu’il existe une surreprésentation des données de séquençage génétique du Sars-CoV-2 issues des pays à revenu élevé.
Il serait très utile d’avoir accès et d’exploiter ces données sur le plan épidémiologique et de la recherche scientifique. L’Institut Pasteur d’Algérie est chargé de cette mission de séquençage des prélèvements de sujets avec PCR positives. D’ailleurs, dans le contexte de cette pandémie, l’OMS recommande aux différents pays de renforcer les capacités de séquençage à haut débit de ses laboratoires en mettant l’accent sur la bio-informatique pour l’exploitation efficiente des résultats obtenus.

Pourquoi cela n’a pas été fait jusqu’à maintenant ? Pourtant la Covid-19 est là depuis près deux ans…

Comme je l’ai déjà dit, ce séquençage est effectué par l’IPA, mais pour exploiter un nombre plus important de données, il faudrait multiplier les plateformes de séquençage au sein des hôpitaux universitaires. D’ailleurs, quelques laboratoires et centres de recherche du ministère de l’Enseignement supérieur en possèdent et une coordination est nécessaire entre les secteurs de la santé et celui de la recherche scientifique. L’installation d’un nombre suffisant de plateformes ainsi que des moyens de fonctionnement demandera un investissement qu’il faudra chiffrer.

En votre qualité d’immunologiste, quel constat faites-vous sur le terrain, un peu plus d’une année depuis le début de la campagne de vaccination en Algérie ?

Malheureusement, nous déplorons tous le faible taux de vaccination avec une disponibilité et la production de vaccins au niveau national. Cette situation n’empêche pas plusieurs équipes de recherche à réaliser des études sur les sujets vaccinés et ceux atteints de la Covid-19. À cet effet, nous avons réalisé au niveau du CHU Mustapha une étude d’observation sérologique post-vaccination (après la deuxième dose) chez le personnel hospitalier. Cette étude regroupe l’équipe d’immunologie et de médecine du travail avec l’approbation du comité d’éthique. Nous avons observé que près de 90% du personnel étudié avaient produit des anticorps contre la protéine Spike du virus. Ces anticorps protecteurs étaient détectables plusieurs mois après la deuxième dose. Notre étude, qui est toujours en cours, montre un très bon taux de séroconversion pour tous les vaccins utilisés.

Toutefois, des doses de rappel sont préconisées. Il y a la troisième, et on parle déjà d’une éventuelle quatrième…

Oui, effectivement, nous évaluons aussi la réponse en anticorps après la troisième dose. Comme l’ont dit certains experts, la Covid-19 pourrait devenir une infection virale saisonnière, comme la grippe. Nous l’espérons tous. Il faut rester vigilant, accentuer le rythme de vaccination, encourager les doses de rappel et respecter les gestes barrières.

Selon vous, que faut-il de plus pour endiguer la propagation de la Covid-19 en Algérie ?

Justement, cette pandémie a montré qu’il est très important de conjuguer toutes les forces et capacités de riposte en incluant tous les acteurs et institutions concernés dans la lutte contre ces risques sanitaires.
Ces secteurs regroupent la santé, la recherche, les collectivités locales, les services de sécurité, les transports, mais surtout l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS) qui, à mon avis, pourrait avoir un rôle prépondérant dans la coordination de dispositifs et de systèmes de veille sanitaire à travers le territoire national, jusqu’aux frontières.
Cela rejoint ses missions statutaires (décret présidentiel n°20-435 du 30 décembre 2020) qui lui permettent l’évaluation périodique et l’expertise des risques sanitaires, la réalisation des études de veille, de prospection et de recherche scientifique.

Avez-vous des propositions concrètes ?

Oui. Je propose la création d’un consortium, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays, à l’instar de la France, du Chili et de bien d’autres, qui pourrait regrouper les équipes de recherche de l’ANSS, des hôpitaux universitaires, de l’IPA, de l’INSP, des directions ministérielles centrales concernées, ainsi que d’autres acteurs.
Ce consortium pourrait effectuer des études (séroprévalence, contrôle d’efficacité vaccinale…) et rédiger des rapports qui seront très utiles dans le cadre de la gestion des pandémies et des crises sanitaires, afin de prendre les bonnes décisions au bon moment.

Entretien réalisé par : SALIM KOUDIL

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