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El Watan | Algérie | 08/07/2021
Les taux de récidive des cancers pédiatriques augmentent de jour en jour avec une réduction de 20% des guérisons due à la rupture de stocks de médicaments, tel que l’Asparaginase. Seulement 42% des thérapies ciblées et immunothérapies sont disponibles en Algérie.
Après la grosse rupture nationale des stocks de médicaments, il y a trois mois, notamment le Méthotrexate haute dose, l’Aracytine indiqué pour la prise en charge des enfants cancéreux, l’Asparaginase, un produit de biotechnologie, qui commence à se faire rare. Ces médicaments sont indiqués dans le traitement des leucémies, tumeurs du cerveau, cancer des os et les lymphomes chez les enfants.
La situation est de plus en plus inquiétante pour ces enfants, dont certains décèdent faute de médicaments, avertissent les praticiens oncologues, qui ne cessent d’alerter l’autorité de santé et d’appréhender une aggravation de la situation dans les prochains jours, d’autant que de nombreux malades sont privés de leurs cures. Ils craignent le pire pour ces enfants dont les parents ne savent plus à quel saint se vouer.
« Le problème lié à ce produit a été évoqué en janvier dernier et nous avons signalé le risque de rupture puisque ce produit a été abandonné par le fournisseur. L’absence de ce médicament induit une diminution de guérison de 20% », indique le Pr Houda Boudiaf, chef de service oncologie pédiatrie au Chu Mustapha Pacha.
« Nous avons vécu le problème en septembre 2020, et voilà qu’il se pose encore pour un autre médicament primordial dans la prise en charge des leucémies. Les chances de guérison de nos malades sont considérablement réduites si ce produit vient à manquer, en plus des cas de récidive », a-t-elle déploré. Elle rappelle que ces produits sont vitaux pour ces enfants et « on ne peut pas s’en passer. Le plus grave est que nous n’avons pas un médicament de substitution en Algérie à l’Asparaginase. Je répète que j’ai déjà alerté sur ce sujet ».
Elle déplore que des malades sont encore sur des listes d’attente alors que leur vie est en danger et ce problème est vécu dans l’ensemble des services d’oncologie du territoire national. « Etant donné que des cas de récidive augmentent de jour en jour, il est évident que la demande de soins se fait de plus en plus importante. Nous avons besoin de toutes ces drogues pour soulager nos patients », a-t-elle ajouté.
Pour elle, la pandémie de Covid-19 a certes compliqué la situation sanitaire mais « la prise en charge des cancers doit être inscrite, aujourd’hui, comme une priorité au même titre que cette épidémie », a-t-elle lancé.
Interrogé à ce propos, la directrice de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), Fatima Ouakti, confirme cet état de fait. Elle signale que le fournisseur principal, qui a la décision d’enregistrement du médicament en Algérie, ne le fabrique plus.
« Certains laboratoires européens le commercialisent six fois son prix par rapport à celui que nous importons. Il faut des autorisations pour pouvoir l’importer à ce prix. Par ailleurs, nous avons pris contact avec d’autres laboratoires pour pouvoir justement avoir de nouvelles décisions d’enregistrement de ce produit et nous attendons le feu vert de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques », a- t-elle expliqué.
Cette problématique est directement liée à la contrainte budgétaire qui ne cesse de compliquer davantage la prise en charge du cancer en Algérie, qu’il soit pédiatrique ou de l’adulte, dont les incidences augmentent d’année en année avec plus de 45 000 nouveaux cas par an. La preuve en est que l’Algérie est classée parmi les derniers pays du Maghreb à avoir accès aux thérapeutiques innovantes. Elles restent encore inaccessibles pour les cancéreux algériens pour non-enregistrement. Cela fait trois ans que les oncologues réclament ces médicaments, qui ont fait leurs preuves dans le monde, pour leurs patients.
Une étude réalisée et présentée par le Dr Ahcene Zenhati, chercheur en économie de santé au Cread, lors du 4e sommet de l’onco-hématologie, organisé par les laboratoires Roche, a révélé que seulement 42% des thérapies ciblées et immunothérapies sont disponibles en Algérie, et parmi les 16 thérapeutiques innovantes dans la prise en charge du cancer du sein, seules 8 sont enregistrées en Algérie, dont 4 seulement sont disponibles.
« Sur les 19 molécules dédiées au cancer du poumon, seules 7 innovations thérapeutiques sont enregistrées en Algérie et seulement 3 sont disponibles », a-t-il indiqué tout en précisant que « les délais d’enregistrement des médicaments innovants en Algérie sont les plus longs de toute la région MENA (Moyen-Orient Afrique du Nord) ». Ce qu’il impute à la lenteur dans les délais d’enregistrement, la négociation des prix et les lourdes dispositions du code des marchés, notamment les appels d’offres.
« Ce qui réduit considérablement les chances de guérison pour les malades, puisque ces thérapeutiques permettent d’augmenter la survie et gagner en qualité de vie », a-t-il noté, tout en rappelant que ce sont des molécules coûteuses mais « les bénéfices engendrés sont importants et permettent de réduire certains coûts et améliorer la productivité en général ». il a précisé que dans le cas de l’Algérie, les pertes de production dues aux cancers sont estimées à 16 millions de dollars en 2018. Pour assurer une meilleure prise en charge du cancer en Algérie, ce chercheur a plaidé pour l’optimisation de l’utilisation du fonds cancer dédié à cet effet.
Ce spécialiste de l’économie de santé a également plaidé pour le déblocage du financement des thérapies innovantes, la promulgation d’une loi contribuant à la prise en charge des patients dans le secteur privé et d’encourager la population algérienne à recourir à des assurances complémentaires privées pouvant couvrir la prise en charge du cancer.
DJAMILA KOURTA
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