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El Watan | Algérie | 29/04/2021
En 26 jours, 3808 nouvelles contaminations à la Covid-19 ont été enregistrées par le ministère de la Santé, alors que durant toujours la même période, le nombre de nouveaux décès a atteint 111 morts.
Ces chiffres restent en-deçà de la réalité, dans la mesure où les cas déclarés ne sont que ceux testés PCR, et ne prennent pas en compte tous les cas décédés chez eux, souvent enterrés en tant que non-Covid.
La situation inquiète sérieusement les professionnels de la santé. L’insignifiante campagne de vaccination et le non-respect des mesures barrières risquent de mener le pays vers une catastrophe sanitaire. Dans les hôpitaux de la capitale, les services de réanimation commencent à être saturés. Hier, 9h tapantes, et déjà, dans le service des urgences de l’hôpital de Beni Messous, plus d’une dizaine de personnes sont en attente de prise en charge.
Les malades Covid ne sont plus séparés des autres, comme c’était le cas avant. Dans la salle, assis sur les bancs, certains portent des masques, d’autres non, les malades passent par cet unique centre de tri, avant d’être orientés vers les services concernés. « L’état dans lequel arrivent les malades nous inquiète.
Un grand nombre d’entre eux viennent avec des complications et, souvent, ils passent directement au service de réanimation, qui est actuellement à la limite de la saturation. Si cette tendance persiste, nous allons vers une catastrophe sanitaire », explique Mohamed, infirmier.
Son collègue médecin intervient dans la discussion pour exprimer son inquiétude : « Les malades sont de plus en plus jeunes et ne souffrent d’aucune maladie chronique. Plus grave. Le nombre de contaminations dans le milieu médical a repris sa tendance haussière. Plusieurs de mes collègues ont eu un ou deux membres de leur famille contaminés par le virus. Beaucoup ont fait des formes graves. La situation est inquiétante. » Notre interlocuteur passe d’un malade à un autre, les sommant de porter leurs masques.
Au service de la morgue, Ali est déjà à son poste depuis 7h. « Nous avions une moyenne de 3 à 4 décès par semaine. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Quotidiennement, nous enregistrons une moyenne de 3 ou 4 morts, parfois de 4 ou 5. La courbe est de plus en plus ascendante. Avant-hier, nous avions eu trois morts. Aujourd’hui, nous avons enregistré deux autres décès. Nous craignons le pire. Les gens ont complètement oublié le virus. Ils ont abandonné toutes les mesures barrières. Le nombre de décès doit être plus important, parce qu’il ne comptabilise pas les personnes qui décèdent chez elles », déclare Ali, qui exerce à la morgue.
Le même constat est fait au CHU Mustapha. « Avec l’accalmie que nous avions observée durant des mois, nous avons atteint des moyennes de 4 ou 5 malades par jour. Ce qui nous a permis de ne garder qu’un seul service de réanimation pour la Covid et d’affecter les autres pour les pathologies lourdes.
Cependant, depuis quelques semaines, la tendance haussière s’est vite installée. Nous sommes passés rapidement à une moyenne de 15 à 20 malades hospitalisés par jour. Parmi eux, beaucoup sont arrivés avec des complications.
Il est important de relever que bon nombre de ces patients sont jeunes et ne souffrent pas de comorbidité. Ce qui veut dire qu’ils sont sains », déclare le professeur Rachid Belhadj, directeur des activités médicales du CHU Mustapha et chef du service de médecine légale. Il explique que la tendance qui inquiète est celle du taux d’occupation des lits de réanimation. « Nous sommes à 37 malades en réanimation avec 13 intubés. Les lits sont pratiquement tous occupés. Si cette tendance haussière persiste, nous serons obligés de réaffecter les services de réanimation redéployés durant l’accalmie, à la prise en charge de la Covid-19. »
Pour lui, même si les médecins ont de l’expérience dans la prise en charge de cette pandémie, il n’en demeure pas moins que la vaccination qui « n’a pas atteint la cadence espérée » durant la période d’accalmie aurait pu nous éviter cette vague dangereuse.
« Notre salut est donc dans le respect des mesures barrières. Il y a un relâchement flagrant dans la rue, dans les marchés, dans les espaces commerciaux, etc. Il faut que les citoyens sachent que notre survie dépend du port des masques et de la distanciation. Les gens sont revenus aux regroupements familiaux dans les cimetières et autres occasions. Certaines familles respectent les consignes en matière d’inhumation de leurs morts, mais beaucoup ne veulent rien savoir. Elles préfèrent prendre le corps pour l’enterrer en famille. Ce qui est très dangereux. De plus, il faut savoir que des malades Covid meurent chez eux et la famille ne révèle pas la vérité au médecin qui constate le décès. Le mort est enterré comme s’il s’agissait d’un arrêt cardiaque. De nombreux enterrements de cas Covid ont eu lieu dans les cimetières. Ceux-là échappent aux statistiques officielles », déclare le Pr Belhadj.
La même crainte est exprimée par le professeur Rebaihi du CHU de Rouiba. Elle évoque une courbe ascendante du nombre de malades hospitalisés durant ces deux dernières semaines, avec des formes plus ou moins graves.
« Avant, nous avions atteint un taux de 3 ou 4 malades par semaine. Nous avions même pensé à reprendre nos activités gelées depuis le début de la pandémie. Cependant, depuis deux semaines, le flux a subitement flambé. Actuellement, nous avons plus d’une trentaine de malades hospitalisés. Nos deux unités ont atteint le taux de saturation. Nous croisons les doigts. Jusqu’à maintenant, le protocole médical que nous adoptons donne de bons résultats. Ce n’est que cette semaine que nous avons enregistré un premier décès Covid. Durant des mois, la situation était très calme », déclare le Pr Rebaihi.
Au cimetière El Alia, à Alger, les cortèges funèbres reviennent. Quelques tombes encore ouvertes et d’autres, fraîchement fermées, sont visibles à perte de vue dans ce carré situé non loin du cimetière chinois et dédié, par les autorités, à l’inhumation des personnes mortes à la suite d’une contamination à la Covid-19.
A vue d’œil, il est déjà saturé. Des femmes se recueillent sur la tombe d’un de leurs proches, enterré, il y a deux jours. « C’est mon fils. Il a à peine 54 ans et n’a jamais été malade. Il a laissé trois enfants et une veuve inconsolable. En quatre jours seulement, le virus l’a emporté. On pensait qu’il avait mal digéré. Il souffrait de douleur à l’estomac. On pensait tous que c’était passager. Je n’arrive pas à croire qu’il est parti. Il n’avait ni fièvre, ni toux ni maux de tête », lance en pleurs une femme âgée, qui avait du mal à se retenir.
Djamel, un maçon qui exerce au cimetière, tente de la réconforter, mais en vain. Un peu plus loin, une autre famille se recueille sur une tombe. « C’est ma mère qu’on a enterrée, il y a une semaine. Nous ne savons même pas comment elle a eu cette satanée maladie. Elle ne sortait pas beaucoup à cause du jeûne et ne souffrait pas de maladies. Nous sommes abattues. Elle est restée à peine deux jours à l’hôpital de Bab El Oued. Nous pensions qu’elle allait se remettre de ses douleurs abdominales, malheureusement, elle en est morte. Je ne sais plus quoi faire avec mes frères et sœurs », déclare Aïcha, un peu plus de la vingtaine.
Djamel, le maçon, qui suit de loin la discussion finit par nous rejoindre. « Le nombre de morts est en train de grimper. Chaque jour, nous avons une moyenne de 5 à 10 morts à enterrer et souvent, sans aucun respect des mesures barrières. Les gens viennent de plus en plus aux enterrements, alors qu’avant les policiers n’autorisaient que 4 ou 5 des plus proches et en les obligeant à porter les tenues de protection », nous dit-il, avant de préciser : «Il y a une semaine, un deuxième carré a été ouvert juste à côté du cimetière des Chinois.» Il nous mène vers l’endroit.
Des nouvelles tombes sont déjà là, surmontées de plaques sur lesquelles on peut lire l’identité du mort, mais aussi la date de son décès, qui remonte toutes à la deuxième semaine du mois d’avril en cours.
« Depuis quelques jours, le nombre de morts a augmenté. Nous recevions 4 ou 5 décès par jour, mais depuis deux semaines, ce chiffre a triplé, au point où il y a eu l’ouverture d’un autre espace. Ce qui nous inquiète, c’est l’absence totale des mesures barrières. Avant, les enterrements se faisaient avec à peine 4 ou 5 personnes escortées par des policiers. Ce n’est plus le cas. Il n’y a presque aucune différence entre les enterrements Covid et les autres », souligne Djamel.
« Je vois revenir ces cortèges funèbres interminables auxquels nous avions assisté durant la même période, l’année passée. Rappelez-vous c’était juste après la fin du Ramadhan. Nous enterrions jusqu’à 40 morts quotidiennement », dit-il.
Djamel n’est pas le seul à craindre le pire. Les responsabilités incombent d’abord aux autorités, restées passives devant le non-respect des mesures barrières et de la distanciation sociale, des consignes sanitaires en matière de prise en charge des dépouilles mortelles des cas Covid-19, mais aussi en étant incapables de vacciner massivement la population.
SALIMA TLEMCANI
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