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El Watan | Algérie | 02/03/2021
Le président de la Société algérienne des maladies infectieuses et président du SNPSSP, le Dr Mohamed Yousfi, revient dans cet entretien sur une année de l’épidémie et sur l’engagement sans faille des professionnels de la santé durant toute cette période, auxquels il rend hommage. Il appelle à une réforme profonde du système national de santé.
Une année après la détection des premiers cas de l’épidémie de Covid-19 au sein de votre service, à l’EPH de Boufarik qui est toujours un service Covid, que retenez-vous de cette expérience inédite ?
Il s’agit bien d’une année exceptionnelle pour toute l’humanité. Une expérience que nous n’avons jamais vécue, d’autant que cette épidémie mondiale a eu un grand impact sur la vie des personnes au niveau sanitaire, social et économique. Pour ce qui est de notre expérience, pour nous qui sommes sur le terrain, nous avons vécu effectivement une situation inédite. Les personnels de santé, qui sont au front depuis le début de l’épidémie, ont payé un lourd tribut en termes de décès, surtout dans la wilaya de Blida.
Une bataille est livrée contre l’inconnu avec des moyens humains limités, mais il fallait répondre à l’urgence. Des hommes et particulièrement des femmes à Boufarik et à Blida ont répondu présent pour lutter aux côtés des malades contre ce virus qui a emporté des milliers de vies depuis une année.
Je dois dire que ces femmes et ces hommes ont fait face, à travers le territoire national, avec beaucoup d’abnégation, et nombre d’entre eux ont été touchés, c’est-à-dire contaminés ou décédés, dont l’ambulancier de l’EPH de Boufarik, qui est parmi les premières victimes, non sans conséquences sanitaires désastreuses sur leur psychique et physique que nous n’avons pas encore évaluées. Des efforts que nous devons saluer avec beaucoup de reconnaissance.
Aujourd’hui, notre établissement, toujours Covid-19, enregistre un taux d’occupation avoisinant les 30%, mais avec une nette diminution de nouveaux cas de Covid-19. Je dois rappeler que les personnels de santé ont continué à travailler avec le même engagement.
Quels sont, d’après vous, les points faibles dans la gestion de cette épidémie ?
Il faut savoir le secteur de la santé, qui vit de sérieux problèmes de gestion, dispose des compétences qui ont fait leurs preuves avec beaucoup de professionnalisme, notamment en cette période de crise sanitaire. Il n’y a qu’à voir l’engagement des équipes médicales depuis une année, faisant face à l’épidémie de Covid-19. Maintenant, il y a lieu de préciser qu’on peut faire mieux, mais il faudrait qu’il y ait de l’écoute et une large concertation avec les spécialistes du terrain.
Nous saluons les mesures prises par les pouvoirs publics à travers la réactivation du plan national de lutte contre l’épidémie le 23 janvier 2020, instruisant toutes les DSP pour la mise en place des mesures de prévention. Malheureusement, sur le terrain la situation est tout autre, à tel point que les équipes médicales étaient livrées à elles-mêmes. Ce qui explique le manque de coordination et de concertation entre l’administration et les services médicaux, puis entre les établissements hospitaliers.
Ce manque de coordination a été justement constaté dans la gestion des lits d’hospitalisation, notamment dans les grandes villes, alors que le plan avait prévu 25 000 lits. Il y encore d’autres exemples d’incohérence et de faiblesse dans la gestion, tels que l’insuffisance des kits de test PCR, que nous avons pu avoir grâce aux dons, le manque d’oxygène à cause d’une mauvaise gestion, etc.
Beaucoup de choses ont pu être réalisées en termes de prise en charge des patients grâce à l’engagement ferme des équipes médicales et à tous les professionnels de santé. Cette expérience a dévoilé toutes les défaillances d’un système de santé fragilisé des années durant. A travers cette expérience, il est urgent de procéder à une profonde réforme du système de santé, en impliquant tous les acteurs du secteur. Comme il est urgent de mettre en application les dispositions de la loi sanitaire.
Ces équipes médicales fragilisées au plan physique et psychique, comme vous l’avez signalé, sont-elles prêtes aujourd’hui à faire face en cas d’une nouvelle flambée avec l’arrivée du variant anglais ?
Le personnel de santé est formé pour justement soigner et faire face en cas d’épidémie, et la preuve est là avec la Covid-19, où il s’est pleinement investi. Comme cela a été également le cas il y a trois ans, avec l’apparition de l’épidémie de choléra. Cela fait partie de notre travail.
Le problème réside plutôt dans le manque de moyens humains et matériels pour pouvoir y faire face. Ce sont les mêmes équipes qui ont fait, à un rythme inhumain une année durant, face à une épidémie avec des moyens très réduits, notamment la ressource humaine. Malgré cela, nous avons réussi à relever le défi et je suis témoin de cette situation, notamment à l’hôpital de Boufarik, où il y a eu le plus grand nombre de malades.
Les équipes ont travaillé sept jours sur sept au moment des pics, en mars et avril, lors de la première vague de juin et la deuxième de novembre, et elles continuent à travailler. Je rends hommage à tous et je salue leur engagement. Après cette accalmie qui a permis au corps médical de souffler un peu physiquement et psychiquement, je pense qu’il est possible de faire face en cas de nouvelle vague, sachant nous avons aujourd’hui les moyens de diagnostic et l’expérience en termes de prise en charge de l’infection.
Des cas du variant britannique ont été détectés par l’Institut Pasteur d’Algérie. Y a-t-il lieu de s’alarmer ?
Il faut savoir que les virus mutent, comme celui de la grippe saisonnière, par exemple. Ces mutations peuvent être sans gravité sur le virus alors que d’autres le sont. Les variants détectés sur le Sars-CoV-2 posent problème effectivement, tel que les variants sud-africain, britannique ou brésilien. Une étude britannique a révélé que le variant anglais est très contagieux et il est à 30% de plus de virulence.
Il est donc important d’être vigilant et renforcer la surveillance. Il s’agit d’un virus virulent et cela risque de faire flamber les contaminations, avec une forte pression sur les hôpitaux, alors que notre système de santé est déjà fragilisé. Pour le moment, il n’y a que les mesures barrières pour contenir les contaminations, d’autant que le variant pourrait être dominant, comme c’est le cas ailleurs dans le monde, face à un relâchement total de la population. Comme il est important de renforcer le diagnostic avec les tests PCR et antigéniques, en attendant les tests salivaires, tout en assurant leur prise en charge par la Sécurité sociale.
Il y a une centaine de laboratoires à travers le territoire qui effectuent ces examens, alors qu’au début de l’épidémie, il n’y avait que l’Institut Pasteur d’Algérie. Ce qui nous permettra d’avoir une meilleure idée sur l’activité du virus, en développant le séquençage ailleurs qu’à l’IPA. Les enquêtes épidémiologiques autour des cas confirmés constituent l’élément essentiel dans la limitation de la propagation de l’épidémie, d’autant que la situation est actuellement meilleure que celle de nos voisins et ailleurs dans le monde. Accélérer le processus de vaccination est une nécessité, car l’objectif est d’arriver à une immunité collective, d’où l’urgence pour l’acquisition des nouveaux lots de vaccins afin de pouvoir vacciner 70% de la population, voire plus, surtout avec l’arrivée des variants.
DJAMILA KOURTA
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