Le Dr Abdelhalim Chachou, président de l’Association des laboratoires d’analyses médicales, revient dans cet entretien sur cette activité médicale incontournable dans la prise en charge de plusieurs maladies. Il met l’accent sur les dysfonctionnements caractérisant l’exercice de cette spécialité mis au grand jour par cette pandémie. Il évoque la problématique des prix pratiqués dans les laboratoires et la polémique enclenchée à propos des baisses des coûts de la PCR, le test antigénique et les tests sérologiques.

Plus d’une vingtaine de laboratoires privés participent au diagnostic de la Covid-19 en effectuant la PCR, les tests sérologiques et le test antigénique. Est-ce que ces laboratoires ont tous les compétences requises pour ce type d’analyses ?

Il faut savoir que la biologie médicale est une spécialité soumise au concours du résidanat pour les médecins et pharmaciens.
Pour exercer la biologie médicale et ouvrir un laboratoire d’analyses de biologie médicale (LABM), il faut être titulaire d’un Diplôme d’études médicales spécialisées (DEMS) dans le département biologie.

Malheureusement, des médecins et des pharmaciens se sont vus octroyer des autorisations pour ouvrir des laboratoires, alors qu’ils ne sont pas diplômés en biologie médicale et réalisent des examens de biologie médicale.
Qui a autorisé tout cela ? En ce qui concerne les biologistes médicaux, ils sont parfaitement capables de réaliser les examens qui relèvent de leur domaine de compétence. J’ajouterais que nous les biologistes n’avons pas découvert la RT-PCR ou les techniques de biologie moléculaire avec la Covid-19.
Ces dernières se pratiquent depuis des années déjà pour, par exemple, mesurer les charges virales des hépatites B et C, de l’HIV, rechercher les papillomavirus oncogènes, rechercher les agents d’infections sexuellement transmises, etc.
Quant aux tests sérologiques et antigéniques, ce sont des examens de routine que nous pratiquons au même titre que les autres examens. Ce n’est pas nouveau pour nous.
Les prix pratiqués au sein de ces laboratoires privés, qui oscillent entre 12 000 et 18 000 DA pour la PCR et 3800 DA pour les tests antigéniques, sont jugés très élevés et des voix s’élèvent pour demander la baisse de ces prix. Qu’en pensez-vous ?

C’est la conséquence de l’absence d’une couverture sociale adéquate. Un principe fondamental : «La santé n’a pas de prix mais elle a un coût», mais on a occulté ce principe depuis plus de 30 années.
Depuis plus d’une quinzaine d’années, nous n’avons cessé de demander au ministère de la Santé et à celui de la Sécurité sociale de revoir totalement aussi bien la nomenclature des actes de biologie médicale que leur tarification dans leur globalité, malheureusement, on nous a toujours refusé d’ouvrir ce dossier qui, à notre sens, revêt une importance capitale.
C’est vrai que les examens biologiques que vous avez cités sont onéreux, d’ailleurs les autres aussi. Mais il faut savoir que les prix sont élevés dans tous les pays du monde, y compris dans les pays développés, mais la couverture sociale y est en revanche fonctionnelle.
Tout patient qui n’a pas une bonne couverture sociale va contester les prix des actes médicaux, et ce, même s’il vit dans un pays développé. Donc rendre responsable les praticiens libéraux de la cherté des examens biologiques est un raccourci vite trouvé, et un coupable trop facilement désigné.

Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que la nomenclature des actes de biologie médicale n’a pas été révisée depuis 1987, de même que la tarification des analyses, sachant que le dinar pesait beaucoup plus lourd à cette époque et dépassait le franc français au tarif officiel.

Je profite de cette occasion pour dénoncer la campagne médiatique lancée contre les médecins et les pharmaciens biologistes. Evaluer le prix d’un acte de biologie médicale par rapport uniquement au prix du réactif est un non-sens.
On ne fait pas dans l’achat/vente, mais on donne une expertise qui requière plusieurs moyens que les principes de l’art imposent sans compter l’investissement lourd que les biologistes médicaux consentent à faire pour acquérir sans arrêt des appareils de plus en plus sophistiqués et chers.

On n’évalue pas le travail d’un notaire sur le nombre de feuilles de papier qu’il utilise pour rédiger son acte !
Les deux conseils de l’Ordre des médecins et celui des pharmaciens auraient dû intervenir pour expliquer à l’opinion publique ce qu’est un acte médical et défendre l’honneur des praticiens biologistes libéraux qui a été traîné dans la boue.
Des aides financières de 3500 DA pour les frais des tests PCR et 1500 DA pour les frais du test rapide antigénique seront attribuées par le gouvernement aux malades.

Comment comptez-vous appliquer cette mesure qui entrera en vigueur dès le 1er janvier prochain ?

C’est une bonne chose que d’aider son prochain. Nous sommes tous des contribuables au Trésor public et je pense que nous sommes tous ravis de cette décision.
Concernant les modalités, c’est aux autorités de les fixer. A notre avis, nous pensons que les organismes sociaux seront mis à contribution, c’est du moins ce que dicte la logique. Attendons pour voir !

Les prix des analyses médicales de dépistage de la Covid-19 ont été plafonnés en vertu d’un accord avec des représentants de 11 laboratoires médicaux. Qu’en est -il ?

L’annonce a été faite par le ministre de la Santé lors d’une rencontre avec des biologistes et des radiologues (rencontre à laquelle nous n’avons pas été conviés officiellement).
Il s’agit d’un groupe de biologistes médicaux libéraux qui, dans le cadre d’une collaboration, ont noué un partenariat avantageux avec un fournisseur, et installé une plateforme de biologie moléculaire de grande cadence (jusqu’à 5000 tests/jour), ce qui lui permet de pratiquer des prix plus bas que la moyenne pratiquée par la majorité des biologistes.

La majorité des laboratoires de biologie médicale possèdent des plateformes de moindre cadence. Donc, les conditions ne sont pas semblables.
Néanmoins, parmi les biologistes médicaux qui font les examens de biologie moléculaire, il y en a certains qui pratiquent le prix coûtant qui tourne autour de 9500 DA. Quant aux prix des tests antigénique et sérologique, il y a déjà ceux qui pratiquent des tarifs plus bas que ceux annoncés.

Est-ce que vous avez une idée du nombre de cas de Covid-19 diagnostiqués par les laboratoires privés et sont-ils systématiquement déclarés ?

Pour le nombre de malades diagnostiqués dans les LABM libéraux, nous ne tenons pas de statistiques, ce n’est pas notre rôle. Ce sont les autorités sanitaires qui gèrent les statistiques. Au sujet de la déclaration, la Covid-19 est une maladie à déclaration obligatoire.

Le ministère de la Santé, par l’intermédiaire de sa direction générale de la prévention, a installé des interfaces numériques au niveau des laboratoires réalisant le diagnostic du SARS-CoV-2. Tous ces laboratoires sont tenus de déclarer toutes les RT-PCR réalisées à leur niveau qu’elles soient positives ou négatives. Il faut d’ailleurs saluer cette initiative.

Djamila Kourta