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Revue de presse

Pr Kamel Sanhadji. Président de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire : « Le déficit en information scientifique retarde le choix d’un vaccin »

El Watan | Algérie | 03/12/2020

Le président de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire, le Pr Kamel Sanhadji, revient dans cet entretien sur les aspects liés à la lutte contre le Sars CoV-2 à travers des moyens classiques de désinfection des espaces publics. le Pr Sanhadji met l’accent sur le rôle de l’institution qu’il dirige depuis quelques mois dans la prospection pour aider au choix du vaccin et aux conditions de son acquisition pour la population algérienne. Il s’agit d’« une procédure d’expertise scientifique et technique avec les laboratoires nationaux, pour aider à faire le choix d’un vaccin efficace sur le plan de la réponse du système immunitaire et pouvant être inoculé en toute sécurité », répond le Pr Sanhadji en procédant, par ailleurs, aux tests immunologiques de base du vaccin contre la Covid-19 a-t-il ajouté.

Vous êtes à la tête de l’Agence nationale de sécurité sanitaire depuis le mois de juin dernier, dont la création coïncide avec la Covid-19. Quelle approche avez-vous adoptée en cette période de crise sanitaire ?

La mise en place des structures de fonctionnement de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de création récente, est en cours. En parallèle et sans attendre, crise sanitaire Covid-19 oblige, nous avons mis en place des dispositifs immédiats, en matière de sécurité sanitaire, venant en soutien aux mesures prises par les pouvoirs publics.
On peut citer par exemple une action immédiate. Il s’agit d’une opération dans les quartiers permettant de limiter les éventuelles conséquences liées à la forte propagation actuelle du nouveau coronavirus (SRAS-CoV-2), en particulier dans les artères des grandes métropoles où la densité de la population est plus importante.

Elle est liée à la décontamination, en utilisant l’eau de mer (comme cela se faisait avant !), des surfaces environnantes fréquentées par le public. Brièvement, ce nettoyage permet d’éliminer les agents pathogènes ou d’en réduire sensiblement la charge sur les surfaces contaminées et constitue l’un des premiers dispositifs essentiels de tout processus de désinfection.

Le nettoyage à l’eau et au savon (ou au moyen d’un détergent neutre) conjugué à une certaine forme d’intervention mécanique (brossage ou récurage) permet de réduire la quantité de saletés, de détritus et d’autres matières organiques, telles que le sang, les sécrétions et les excrétions, voire de les éliminer.

L’opération de nettoyage devrait s’effectuer en allant progressivement des zones les moins souillées (les plus propres) vers les plus souillées (les plus sales), et des niveaux supérieurs vers les niveaux inférieurs afin que les détritus incrustés puissent tomber sur le sol et être systématiquement nettoyés en dernier de manière que rien ne soit négligé.
Ensuite, il serait judicieux qu’une dilution importante accompagnée d’un effet antiseptique soit exercée par l’opération suivante à l’aide d’eau de mer (grâce au sel marin) au moyen de camions équipés de citernes arroseuses.
A propos de cette opération, ce dispositif faisant appel à l’eau de mer est adapté aux métropoles du littoral national. L’Agence de sécurité sanitaire propose également des opérations de salubrité publique qui seront mises en place, en particulier concernant la lutte contre les nuisibles (rats, cafards, pigeons…).

D’autres actions d’ordre pratique ont été proposées, face au le récent rebond de la Covid-19, en particulier dans la mise en place de quelque 4 ou 5 grands centres de prise en charge dédiés aux patients Covid-19 à travers le territoire national dans le but de maîtriser la logistique, de limiter la propagation du virus et avec un personnel soignant affecté pendant une période donnée et ensuite le retirer et le remplacer par un nouveau personnel.

L’Algérie s’apprête à acquérir le vaccin contre la Covid-19 développé rapidement. Est- ce que l’agence a émis un avis ?

En effet, l’Agence nationale de sécurité sanitaire est impliquée dans le dispositif d’acquisition du futur vaccin ayant, à l’heure actuelle, le statut de candidat-vaccin.
L’institution est chargée de prospecter, selon une procédure d’expertise scientifique et technique avec les laboratoires nationaux, pour aider à faire le choix d’un vaccin efficace sur le plan de la réponse du système immunitaire et pouvant être inoculé en toute sécurité, d’une part en procédant aux tests immunologiques de base et, d’autre part, aux conditions de son acquisition, son acheminement, sa conservation, en utilisant tous les moyens logistiques pour que cette opération soit possible.
L’opération, dans sa totalité, est concertée et coordonnée avec les départements de la Santé, de l’Industrie pharmaceutique, de l’Intérieur, les moyens logistiques de la Défense nationale et Air Algérie.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire est partie prenante, avec le ministère chargé de la Santé et le ministère de l’Industrie pharmaceutique, dans l’expertise des candidats vaccins éligibles à leur enregistrement en Algérie, les rendant ainsi rapidement disponibles au bénéfice des citoyens algériens.

Les premiers laboratoires, qui affirment avoir eu des résultats concluants, utilisent des techniques très variées et innovantes jamais développées jusque-là. Est-ce que ces vaccins à ARN messager (ARNm) ou à ADN pourraient présenter des dangers sur la santé humaine ?

Nous ne connaissons pas, à l’heure actuelle, l’ensemble des résultats scientifiques publiés dans les grandes revues pour être portés à la connaissance de toute la communauté scientifique.
C’est ce déficit en information scientifique fondamentale et complète qui grève notre avis définitif par rapport au choix ferme d’un vaccin.

Actuellement, l’information disponible est celle des firmes pharmaceutiques productrices des candidats-vaccins qui rapportent leurs propres résultats. Il n’est donc pas aisé de porter notre appréciation objective scientifiquement parlant. Nous souhaitons disposer de ces données dans les plus brefs délais.

Quant aux dangers supposés des vaccins à ARN messager, leur utilisation dans le règne animal (peste porcine) a été concluante, mais, en effet, n’ont pas été utilisés dans des pathologies humaines.
Cependant, ces résultats suggèrent leur utilisation chez l’homme. Leur limite est en fait liée à la fragilité de leur utilisation à grande échelle ou une logistique nécessitant une température assez basse (entre -70°C et -80°C) pour garder leur stabilité.

Les vaccins à ADN ont également montré leurs effets positifs à l’échelle expérimentale. Mais il est plus prudent de ne pas les utiliser actuellement, car les données scientifiques ne présentent pas un recul suffisant pour observer l’effet de leur intégration dans l’ADN de la cellule après leur inoculation (ce serait presque de la thérapie génique !), ce qui n’est pas le cas par rapport aux vaccins à ARN, car ces derniers ne s’intègrent pas dans le génome humain, mais restent dans la périphérie (cytoplasme) et ensuite, ils se dégradent facilement.

Les conditions de transport et de stockage de ces vaccins exigent des températures très basses, voire à moins de 70 degrés Celsius pour le vaccin de Pfizer. Est-ce que l’Algérie dispose des moyens nécessaires pour assurer la sécurité de ces vaccins ?

Les pouvoirs publics, dans leur ensemble, sont prêts à mettre tous les moyens, même dans le cas où l’on s’achemine vers des vaccins nécessitant des conditions logistiques lourdes, entre autres des températures basses.

Pour cela, deux équipes (scientifique et logistique) sont d’ores et déjà à pied d’œuvre pour organiser une telle opération aux fins de réussir la mise à disposition de ce vaccin permettant la protection et la sécurité sanitaire de la population.

Des spécialistes s’interrogent déjà sur la durée réduite de l’immunité conférée par ces vaccins et sur le risque de ne pas éradiquer cette maladie. Qu’en pensez-vous ?

D’une façon générale, on se réfère à la réponse immunitaire des infections classiques : on est contaminé, on s’immunise par élimination du virus par le système de défenses immunitaires et on garde la « mémoire » (l’empreinte) du virus pour réagir facilement en cas de réinfection.
Il se pourrait que ce virus SRAS-CoV-2, induisant la maladie Covid-19, ait un profil particulier. Néanmoins, la plupart des études faites sur la Covid-19 se réfèrent à la réponse immunitaire exercée par les anticorps (IgM et IgG) qui semble montrer une présence de 3 ou 4 mois.

La recherche de ces anticorps est facile à effectuer dans ces études menées dans l’urgence. Il n’y a pas que les anticorps qui font une immunité. La réponse immunitaire cellulaire exercée par les lymphocytes T est primordiale.
C’est cette immunité exercée par les lymphocytes T qui est importante, car c’est elle qui garde la « mémoire de l’agent infectieux et qui protège dans le temps ».

Il y a eu peu d’études concernant cette immunité cellulaire. Justement, c’est sur cette immunité cellulaire qui garde la mémoire qu’est basée la vaccination avec le jeu du rappel. Le peu d’études de ce volet concernant la Covid-19 ont toutes montré son efficacité dans les guérisons observées dans cette maladie.

Les stratégies de vaccination adoptées par les différents pays placent les personnes âgées comme les premières cibles de cette vaccination avant les professionnels de la santé. Etes- vous d’accord ?

Tout à fait d’accord. C’est simple, le profil de la pathologie Covid-19 est en défaveur des personnes âgées qui semblent être les plus vulnérables.

On sait que le système immunitaire s’affaiblit avec l’âge (on le voit à travers les cancers qui sont plus fréquents chez les personnes âgées et que ce phénomène est scientifiquement démontré).

De plus, c’est cette même frange de la population qui montre le plus de comorbidité (maladies diverses associées). Aussi, les professionnels de santé sont les premiers à être confrontés aux malades atteints de Covid-19.
Ils constituent une cible de choix pour le virus SRAS-CoV-2. Néanmoins, même si cette priorité s’entend bien, les citoyens dans leur ensemble ont le droit d’être protégés. Il s’agit d’une question d’organisation dans le calendrier vaccinal.

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