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Le jeune indépendant | Algérie | 22/11/2020
Les compléments alimentaires ne sont pas considérés comme des médicaments mais ils peuvent faire courir aux personnes des risques de surdosage ou d’interaction médicamenteuse en cas de prise inappropriée.
En tant que chef de service du laboratoire de toxicologie du CHU de Tizi Ouzou, chef de département adjoint de pharmacie de la faculté de médecine de Tizi Ouzou et président de la commission nationale antidopage, le Pr Mekacher Lamine Redouane incite les Algériens à suivre l’exemple de nos ancêtres et suivre un régime alimentaire équilibré.
Le Jeune Indépendant : Qu’est-ce qui différencie un complément alimentaire d’un médicament ?
Mekacher Lamine Redouane : Un complément alimentaire, comme son nom l’indique, sert à compléter un régime alimentaire normal. Il peut être utilisé pour corriger des déficiences nutritionnelles ou maintenir un apport approprié de certains nutriments. Le principe d’effet physiologique caractérisant ces compléments alimentaires est à opposer aux médicaments qui ont une action pharmacologique. En effet, le complément alimentaire entretient des fonctions physiologiques normales par un effet nutritionnel, contrairement à un médicament qui corrige des dysfonctions physiologiques, c’est-à-dire des pathologies, et qui est ainsi à effet pharmacologique ou thérapeutique. En résumé, les compléments alimentaires, au sens réglementaire du terme, ne sont donc pas des médicaments. Ils ne nécessitent pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM).
Comment expliquer l’engouement des Algériens pour les compléments alimentaires, notamment en ces temps de Covid-19 ?
Il s’agit d’une fausse idée. En effet, en ces temps de Covid-19, seul le segment « immunité », notamment les vitamines et sels minéraux, a vu ses ventes augmenter. Le marché des vitamines ne s’est jamais aussi bien porté. En ces temps de psychose, la consommation de ces produits se démocratise et les consommateurs en redemandent. Cependant, les autres catégories de compléments alimentaires (sommeil, digestion, minceur, beauté …), à l’instar des autres secteurs (mode, produits cosmétiques…), ont été affectées par la crise. Cela n’aura échappé à personne : la crise sanitaire actuelle a des conséquences sur tous les secteurs. Toutes les activités y sont confrontées. Au regard de cette période, l’impact nous semble plus conjoncturel que structurel. Cette crise, aussi inédite soit-elle, ne remet pas en cause la poursuite de la croissance du marché des compléments alimentaires, qui a connu une croissance significative depuis maintenant 10 ans.
Des spots publicitaires envahissent nos écrans et présentent des allégations de santé concernant certains produits. Qu’en pensez-vous ?
Ce fléau prend de plus en plus d’ampleur sur les réseaux sociaux où les influenceurs et influenceuses, la plupart d’entre eux sponsorisés par le fabricant, encouragent les jeunes à se tourner vers ces produits qui sont en général des produits de beauté et amincissants pour les filles et des anabolisants pour les garçons. Il faut savoir faire la part des choses et ne pas tomber dans le piège. A mon sens, comme pour les médicaments, la promotion de produits portant des allégations de santé doit être destinée au professionnel de la santé et non au grand public. Aujourd’hui, la publicité pour les compléments alimentaires n’est pas soumise à la réglementation applicable aux médicaments en vente libre.
Se tourner vers les compléments alimentaires pour s’assurer d’un bon apport en nutriments, est-ce là la bonne solution ?
Bien sûr que non. Nos ancêtres ont survécu sans compléments alimentaire. Il faut suivre leur exemple en adoptant un régime alimentaire équilibré et en consommant davantage de fruits, de légumes, différentes viandes et poissons. On ne le répétera jamais assez, les compléments alimentaires ne font que compléter un régime alimentaire normal. Ce sont les fruits et les légumes colorés et crus qui contiennent le plus de vitamine C : poivron rouge, orange, citron, pamplemousse, cantaloup, framboise, fraise, brocoli, tomate, etc. Le zinc se trouve en quantité intéressante dans les huîtres, le germe de blé, le foie, les viandes, les crustacés et les graines de sésame. Cependant, en ces temps de Covid-19, et pour une indication thérapeutique ou préventive, la supplémentation en vitamines et sels minéraux peut être prescrite par les médecins. A mon sens, il faut interdire l’importation des compléments alimentaires en Algérie quand on sait que beaucoup de ces produits sont importés en monnaies étrangères qui pourraient profiter aux industriels pharmaceutiques implantés en Algérie.
Vitamines, magnésium, zinc… Comment utiliser judicieusement ces substances réputées bénéfiques ?
Je conseille, encore une fois, un régime alimentaire bien équilibré et une bonne hygiène de sommeil. Concernant la supplémentation, ces produits doivent être pris en cure pendant des périodes données, généralement pendant 10 jours. Le fer empêchant l’absorption du zinc, il est déconseillé de suivre une complémentation en fer simultanée à celle du zinc. Il est aussi préférable de prendre son traitement de zinc hors des repas pour éviter que le fer du repas interfère sur la prise de zinc.
Quels effets secondaires peuvent survenir en cas de surdosage d’un complément ?
Les effets secondaires diffèrent selon la composition du produit. Prenons pour exemple la vitamine C et le zinc, puisque ce sont les deux compléments alimentaires les plus consommés en ce moment. De fortes doses de vitamine C (plus de 2 000 mg par jour) peuvent occasionner de légers troubles digestifs, incluant diarrhée, nausées, crampes d’estomac, ballonnements et gêne abdominale générale. De même pour un excès de zinc, qui peut provoquer un dérèglement du système immunitaire, une augmentation du stress oxydatif ainsi que des troubles génitaux urinaires sérieux.
Les compléments alimentaires sont soumis à une autorisation de mise sur le marché comme les médicaments. Quelles garanties peut-on alors avoir sur leur conformité et leur sécurité ?
Justement, ces produits sont considérés comme des denrées alimentaires. Ils ne sont pas soumis à une autorisation de mise sur le marché comme les médicaments, et de ce fait, ils sont soumis à la réglementation des denrées alimentaires. En effet, ces produits échappent au contrôle rigoureux des médicaments qui se fait au niveau du Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques relevant du ministère de la Santé. L’efficacité et la toxicité ne sont pas contrôlées par les autorités sanitaires.
En termes d’étiquetage, que doit-on trouver sur un complément alimentaire ?
L’étiquetage des compléments alimentaires ne peut revendiquer des indications thérapeutiques. Toutefois, des “allégations de santé” peuvent être mentionnées dans le respect de l’arrêté interministériel du 19 octobre 2017 fixant les modalités applicables en matière d’étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires. Contrairement aux compléments alimentaires, les médicaments se distinguent par la mise à disposition systématique d’une notice, rédigée selon un schéma standard commun à tous les médicaments. La notice comporte notamment les mises en garde, les effets indésirables éventuels et les précautions d’usage. Les compléments alimentaires ne sont pas tenus de répondre aux mêmes normes de qualité que les médicaments.
La réglementation algérienne est-elle suffisante pour sécuriser le consommateur ?
Depuis peu de temps, dans certains pays, les compléments alimentaires bénéficient d’un cadre réglementaire à part entière. Cependant, cette réglementation n’est pas harmonisée à l’échelle mondiale. En Algérie, depuis quelques années, on parle de la conception et la rédaction d’un projet de loi régissant la commercialisation des compléments alimentaires. Ce projet limiterait les opérateurs autorisés à commercialiser cette catégorie de produits. Aujourd’hui, avec l’avènement d’une Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS) et l’installation de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP), les prérogatives inhérentes au contrôle de la sécurité sanitaire des compléments alimentaires passeront-elles du ministère du Commerce au ministère de la Santé ? L’important, c’est la sécurité de nos concitoyens.
Entretien réalisé par Lynda Louifi
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