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El Watan | Algérie | 17/11/2020
Dans sa lutte anti-Covid, l’Algérie, face au manque et au prix des tests PCR, a opté pour le recours aux tests antigéniques, moins coûteux et d’une très bonne sensibilité. L’OMS a récemment autorisé leur utilisation, tout en indiquant qu’ils complètent les tests RT-PCR mais ne les remplacent pas. Le Dr Mustapha Bensaâda nous en explique le procédé, la fiabilité et le taux de performance.
L’Algérie a recours aux tests antigènes dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est ce genre de tests et le procédé d’utilisation ?
Pour répondre à votre question, permettez-moi de faire un petit rappel sur une notion fondamentale en immunologie, à savoir la défense immunitaire. En effet, notre organisme est doté d’un système de défense contre les pathogènes les plus divers, et pour qu’il entre en alerte, ce système doit être au contact direct avec l’agent pathogène, viral ou/et bactérien. Dans le cas d’une primo-infection, l’organisme a besoin d’un temps de latence pour réagir, c’est la séroconversion, dans le cas de la Covid-19, nous connaissons actuellement la durée de cette phase, elle est de 5 à 7 jours après l’apparition des premiers symptômes de la maladie.
Comment se traduit alors la réponse de notre organisme ? Par la production d’anticorps ou immunoglobulines de type, IgA, IgG et IgM, pour ne parler que de celles les plus évoquées. Les IgG et IgM, par exemple, coexistent chez un patient, mais plus le temps passe, plus il y a réduction de leur taux pour laisser place à la mémoire immunitaire en prévision d’une éventuelle deuxième infection.
Selon les connaissances actuelles, les niveaux d’IgM et d’IgG dirigés contre le SARS-CoV-2 restent détectables plusieurs jours après la fin de la période de contagiosité et même plusieurs semaines après l’apparition des premiers symptômes et à des niveaux très hétérogènes. Je m’explique, le niveau des titres d’IgM et d’IgG ne sont pas en fonction de la durée de l’infection, mais dépendent des individus et de leurs états physiologiques. Un titre élevé n’est pas synonyme d’une infection récente, comme un titre bas ne peut être révélateur d’une ancienne infection.
Autre paradoxe, les cas les plus sévères présentent des titres d’IgG et d’IgM élevés en comparaison aux cas mineurs. Comme vous le voyez, il n’est pas aisé pour un profane d’apprécier la cinétique de cette réponse immunitaire.
Ce qui nous ramène à parler des tests dits sérologiques, qui se basent essentiellement sur la détection des IgM et IgG. Ces derniers ne peuvent prétendre détecter ces anticorps dans un délai inférieur au temps nécessaire à l’organisme pour les fabriquer (7 jours). Je vous rapporte les conclusions auxquelles sont arrivés des pays comme le Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Unis, la Chine et l’Australie, sans bien sûr réduire le point de vue de l’OMS, qui est encore plus strict sur ces tests sérologiques. L’ensemble de ces pays préconisent ces tests dans un but de dépistage et non de diagnostic !
La RT-qPCR est la norme pour le diagnostic précoce de l’infection. Et oui, le résultat du test sérologique pourrait trouver sa place à côté de celui du test RT-qPCR, en particulier dans deux cas précis : le tableau clinique évocateur de la Covid-19 malgré des résultats négatifs par RT-PCR, et les complications tardives pouvant être associées à la Covid-19, telles que le syndrome inflammatoire multisystémique.
Le citoyen doit aussi comprendre qu’il y a 2 types de tests sérologiques avec des performances hétérogènes. Les tests dits Elisa ou dosage immuno-enzymatique et les tests dits rapides (type tests de grossesse) et ils sont faits sur prélèvements sanguins. Une autre classe de tests qui a été développée récemment, ce sont les tests antigéniques. Ils présentent des différences avec les tests sérologiques : ils détectent directement le virus par le moyen de l’une de ces protéines, en particulier la nucléocapside, et non les anticorps produits par l’organisme en réponse à l’infection. Ces tests sont, comme le cas de la PCR, faits à partir d’un prélèvement nasopharyngé.
Quelles sont donc les performances des tests disponibles ?
Les tests sérologiques trouvent leur importance dans la surveillance épidémiologique, qui constitue leur première indication et non dans un but diagnostic. Ils gardent leur utilité clinique, notamment en deuxième intention pour le diagnostic tardif, à savoir au-delà de 10 jours après l’apparition des premiers signes de l’infection.
Les tests Elisa disponibles chez nous ont montré les valeurs de sensibilité et de spécificité les plus élevées ; les tests rapides, type tests de grossesse, sont généralement moins sensibles et moins précis et nécessiteraient des améliorations pour une utilisation fiable. Comme vous le constater, les tests sérologiques sont à utilité réduite dans la lutte contre la propagation de la Covid-19.
Reste donc à comparer les performances des tests antigéniques. D’après l’OMS, les tests antigéniques du SARS-CoV-2 doivent présenter une sensibilité au moins égale ou supérieure à 80% et une spécificité de 97% par rapport au test RT-PCR de référence (spécificité et sensibilité de 100%). Permettez-moi d’ouvrir une petite parenthèse pour expliquer ces taux.
La forte spécificité est nécessaire pour valider les produits, puisque le test ne doit pas confondre la détection du SARS-CoV-2 avec d’autres classes de virus saisonniers (rhinovirus, entérovirus, parainfluenza 3, coronavirus NL63). Pour sa sensibilité, qui déterminera la quantité minimale du virus détectable par ce procédé.
Compte tenu de leur rapidité d’utilisation, les tests antigéniques devraient pouvoir être utilisés sous forme de test rapide d’orientation diagnostic, contrairement aux tests sérologiques. Comme ces tests s’adressent principalement à des sujets symptomatiques, réduire le délai de prise en charge serait un avantage indéniable, aussi précieux que les tests PCR, et ainsi éviter la dissémination du virus.
Peuvent-ils être utilisés pour diagnostiquer une infection au SARS-CoV-2 quand les RT-PCR ne sont pas disponibles ?
Il y a, avant de répondre à votre question, quelques remarques à faire : les tests antigéniques ne sont pas recommandés chez les cas asymptomatiques, même s’ils sont tolérés chez les cas contacts d’un cas confirmé. Aussi, leur sensibilité baisse au-delà du 4e jour après apparition des symptômes, entre autres, mais il y a un avantage majeur, celui du délai réduit pour obtenir un résultat, qui est de 30 minutes en moyenne. Les contraintes de manipulation des échantillons sont les mêmes que pour le PCR.
Le même constat a été fait quand les tests PCR ont démarré dans notre pays, il y avait des délais de rendus de résultats raisonnables et, au fil du temps et de l’accroissement du nombre de cas, ils se sont dramatiquement rallongés. Nonobstant, dans la lutte contre cette pandémie, les tests antigéniques restent pertinents à condition d’une utilisation dans un environnement médicalisé, jamais en libre-service ou, comme c’est le cas actuellement chez nous, en laboratoires de ville. Pour deux raisons majeures : le suivi des cas positifs et l’analyse épidémiologique.
Outre la multiplication des points de diagnostic, il faudrait les préconiser dans un délai maximum de 5 jours après l’apparition des premiers symptômes, au-delà il y a perte de sensibilité du test. Et surtout acquérir des tests de sensibilité au moins égale à 80% et une spécificité proche de 99%.
Ne faudrait-il pas mieux investir dans les tests PCR au vu de l’évolution de la courbe de l’épidémie ?
La réponse n’est pas facile à donner, moi-même je suis dans un centre de diagnostic Covid-19 par la RT-qPCR, nous venons de passer une période d’accalmie (juillet-août-septembre) et nous avons raté une réelle opportunité pour nous renforcer en nouveaux laboratoires de diagnostic.
Des tentatives louables avaient été lancées par les instances universitaires pour créer de nouveaux pôles de diagnostic, mais pour des raisons que j’ignore, tout a été stoppé, comme si nous ne croyions pas à l’avènement de cette deuxième vague. Mais nous pouvons toujours réagir à bon escient, nous avons maintenant plus d’expérience dans la gestion des structures de diagnostic, plus de connaissances sur le virus et moins de réticence chez les compétences universitaires et hospitalières à s’engager pour ouvrir de nouvelles structures de diagnostic.
Ne serait-il pas plus judicieux d’opter pour le dépistage massif ?
Il ne faut pas penser que ces nouveaux tests vont à eux seuls résoudre le problème de manque de tests de diagnostic de la Covid-19. La pandémie est encore là et la pression sur ces nouveaux tests se fera bientôt elle aussi sentir.
Il est certain que recourir à ces tests antigéniques pourrait réduire la pression sur les centres pratiquant la PCR, mais ils ne seront d’aucune utilité si le seul but de les introduire est de ne réduire les délais des résultats que pour les cas symptomatiques. Un apport essentiel des tests antigéniques serait de permettre aux laboratoires de diagnostic PCR de traiter un peu plus de cas asymptomatiques, qui sont sources de la dissémination du virus, ce qui va laisser place au dépistage massif par le procédé de test d’échantillons groupés.
Ce que j’avais proposé dans vos colonnes au mois de mars 2020 a été préconisé par la FDA (Food and Drug Administration) et plusieurs autres institutions internationales quelques mois plus tard. Il y a un mal algérien qui, malheureusement, ne peut être dépassé, même en temps de crise.
Mais restons optimistes, la vague est de retour, espérons qu’elle ne soit pas plus virulente que la précédente. Nous pourrons facilement réintroduire le procédé du dépistage massif par les tests d’échantillons groupés, il a donné la preuve de son utilité économique et épidémiologique.
Mais ce qui me préoccupe avec l’arrivée de ces nouveaux tests est plus grave et je voudrai le soulever. Avec l’arrivée de ces nouveaux tests, une personne positive dans un laboratoire public sera certainement déclarée et prise en charge.
Mais si les tests sont faits dans une structure privée, comme c’est le cas aujourd’hui, quel est le devenir du patient ? La question de la contagiosité est déjà taboue pour une certaine frange de la population, n’y a-t-il pas là un risque d’affaiblir les efforts de lutte ? Souvent, il nous arrive de trouver des difficultés à lire un résultat de PCR, malgré l’expérience acquise depuis le début de la crise, que dire de la lecture des résultats de ces nouveaux tests ?
Qui va les lire et les valider ? Depuis quelque temps, je reçois des demandes d’amis et d’inconnus qui m’envoient les résultats de leurs tests, sérologiques ou antigéniques, tous n’arrivent pas à les interpréter et leur donner un sens. Toutes ces questions doivent trouver des réponses rapidement par le législateur, sinon les efforts pour arriver à bout de cette pandémie ne seront que vains.
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