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Revue de presse

L’éthique médicale à l’ère de l’improvisation

El Watan | Algérie | 09/04/2007

A l’occasion d’une rencontre typiquement circonstancielle sur le thème de l’éthique médicale, financée par l’argent de la solidarité nationale, le doyen de la Faculté de médecine d’Alger déclara à la journaliste d’El Watan (éd. du 31 mars 2007) ce qui suit : « Ce séminaire constitue un premier jalon pour amorcer le débat sur l’éthique médicale au stade de balbutiements en Algérie, afin d’élaborer un code de l’éthique médicale. En matière de prise en charge de certains maladies, telles que les maladies congénitales, il est aujourd’hui possible de diagnostiquer les malformations et mettre en application les règles permettant une interruption de grossesse. »

Sur le plan de la forme

Un colloque, qu’il soit national ou international, doit répondre à une problématique prédéfinie, préalablement annoncée et à laquelle toute la communauté scientifique intéressée est invitée à postuler, et c’est au comité en charge du volet scientifique de sélectionner les contributions orales ou écrites qui méritent d’être présentées, soit parce qu’elles sont originales soit parce qu’elles répondent tout simplement aux objectifs de la rencontre. Un colloque digne de ce nom est un aboutissement, un lieu où on expose les résultats de ses recherches et les réponses de ses questionnements. Un colloque ne se déroule jamais en huis clos et ne peut être préparé en quelques jours, à moins de servir d’alibi pour des justificatifs de bonne gestion budgétaire.

Prétendre que le séminaire de la Faculté de médecine d’Alger est le premier jalon pour amorcer le débat sur l’éthique médicale est non seulement faux, mais dénote chez l’auteur de cette déclaration une méconnaissance criante de la genèse et de l’évolution de ce débat qui a commencé il y a très longtemps. En ce qui concerne les séminaires, nous renvoyons le professeur Arada aux deux colloques internationaux organisés à l’Université d’Oran les 2, 3, 4 mai 2000 et en 2005, au Symposium de l’Institut des sciences islamiques (mai 2001) et, tout près de chez lui, au très fécond colloque international qu’avait organisé le regretté Abdelmadjid Méziane du Haut conseil islamique dont les actes, dans les deux langues, sont publiés au n° 2 (janvier 1999) de la revue de la même institution.

Au titre des publications, n’allons pas loin, le professeur Khiati Mostéfa, très présent dans la presse nationale, par ses écrits sur l’éthique médicale, a signé un Islam et bioéthique qui devrait être — en principe — le livre de chevet de tous les membres du Comité national d’éthique des sciences. Pourquoi donc aller chercher du côté d’Amiens des personnes qui viennent défoncer chez nous des portent déjà ouvertes. Le quotidien El Watan, qui le premier a inauguré ce débat il y a une quinzaine d’années (cf A propos de l’éthique El Watan 11 août 1994 (pseudonyme, Idriss El Anbri), ses archives peuvent témoigner au moins de l’antériorité de la réflexion éthique (cf Le détournement de la science médicale, EL Watan du samedi 19 août 1997), Commentaires sur le Conseil national algérien de l’éthique des sciences de la santé, El Watan du 16, 17 et 18 novembre 1996 (pseudonyme, Idriss El Anbri), Réflexions sur l’avant-projet d’ordonnance relatif au prélèvement d’organes, en deux parties, EL Watan du 7 novembre 1996. Passons sur l’affirmation hasardeuse de notre capacité ici en Algérie de prendre en charge les maladies congénitales et de diagnostiquer les malformations, mais retenons l’autre affirmation aussi intrépide qu’il est aujourd’hui possible de mettre en application les règles permettant une interruption de grossesse.

Sur le plan du fond

Que dit la loi algérienne sur l’IVG ? Il y a d’abord l’avortement qualifié comme délit. C’est le fait de provoquer une interruption volontaire de grossesse au-delà d’un certain temps ou sans respecter les conditions prévues par la loi. Quiconque, par aliments, breuvage, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen, a procuré ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée l’être, qu’elle y ait consenti ou non, est puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 500 à 10 000 DA. Si la mort en résulte, la peine est la réclusion à temps, de 10 à 20 ans.

Dans tous les cas, le coupable peut être, en outre, interdit de séjour, art. 304 du Code pénal. L’avortement n’est pas puni lorsqu’il constitue une mesure indispensable pour sauver la vie de la mère en danger et qu’il est ouvertement pratiqué par un médecin ou chirurgien, après avis donné par lui à l’autorité administrative, art. 308 Ibid. Il y a ensuite l’avortement thérapeutique. C’est un acte volontaire qui vise à mettre fin à une grossesse par opposition à une interruption spontanée, naturelle. Il suppose la destruction du fœtus in utero. Il est légal lorsqu’il est pratiqué comme mesure indispensable pour sauver la vie de la mère du danger, ou préserver son équilibre physiologique et mental gravement menacé.

L’avortement est effectué par un médecin dans une structure spécialisée après un examen médical conjoint avec un médecin spécialiste. cf l’art 72 du Code de santé publique, cf. également l’art. 33 du Code de déontologie médicale. Dans les deux cas, il n’y a aucune trace d’IVG en cas de maladie congénitale diagnostiquée. Où sont donc ces règles à mettre en application ? L’Assemblée nationale aurait-elle adopté un amendement de l’article 72 du Code de santé publique sans que personne ne s’en aperçoive ? Comment laisser passer de tels propos sans réagir ? Et là encore, une autre remarque s’impose, le professeur Arada, auteur de la déclaration, l’avait-il fait en tant que président du Comité d’éthique ou à titre personnel ?

Si c’est au nom du Comité, nous n’avons pas eu connaissance d’un avis et encore moins de l’inscription de cette question à l’ordre du jour des travaux de l’institution des sages qui, rappelons-le, n’a siégé qu’à de rares occasions depuis sa réinstallation en janvier 20061. Même dans l’hypothèse — très faible — que cette déclaration puisse nourrir la réflexion des décideurs, il faut se rendre à l’évidence juridique qui consiste à dire que le Conseil d’éthique est incapable de prendre en charge la fixation des règles éthiques, car le procédé est non seulement non démocratique, mais, en plus, ses membres sont juridiquement incompétents pour édicter des règles engageant toute la société. Le rôle de cette instance professionnelle et corporatiste s’accommode mal avec le travail réflexif et multidisciplinaire qu’exige l’éthique clinique. Oser dire qu’on peut mettre en application les règles permettant l’IVG en cas de malformation… c’est faire violence au sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs. Dessaisir le Parlement du rôle régulateur et politique (car il s’agit aussi d’une question éminemment politique), équivaudrait à laisser des questions relatives à la vie et à la mort aux mains des seuls éthiciens.

Certes, on n’en est pas encore là, mais rien n’empêche qu’une législation voie le jour sous les effets d’annonce. Le ministre Guidoum, en son temps, avait fait endosser par le gouvernement un projet de loi du prélèvement sur cadavre en cas de non consentement déclaré du vivant de la personne morte. La formule algérienne qu’on a copiée des Français consacre malheureusement une idée fausse et dépassée qui fait de la conception de l’éthique, un prolongement naturel de la médecine et la biologie. Les « éthiciens » du Comité algérien seront-ils des « sages » et « directeurs de consciences » affrontant des questions délicates se situant aux frontières de la vie et de la mort, ou bien simplement des « juges » de déontologie ? Il n’y a pas une conscience éthique particulière des médecins, et les scientifiques n’ont pas dans le domaine moral une compétence singulière.

Le diagnostic prénatal, l’IVG, le devenir des embryons surnuméraires, les malformations… sont des questions sociétales, culturelles et politiques avant qu’elles soient des tableaux cliniques. Mettre en application les règles permettant une interruption de grossesse, cela signifie que les « sous-espèces humaines » malformées à l’état embryonnaire doivent être tout simplement éliminées. Et voilà que les Haeckel (zoologue), Jost (juriste), Ploetz (fondateur de la société pour l’hygiène des races, Florel (psychiatre), Charles Richet, Roger Bacon, Alexis Carrel… se réveillent sous le ciel d’Algérie. Sinon, comment justifier cette mort « miséricordieuse » qu’on offre à des êtres sans défense ? Selon l’affirmation de notre éminent professeur, la santé de l’enfant à naître légitime l’IGV. Ce qui consiste à dire qu’on est face à une euthanasie anténatale, ou, du moins, à une attitude eugéniste mise en action par les parents avec l’assistance du corps médical.

Médecine prédictine

Le diagnostic de la malformation comporte une entrée dans l’intimité d’une personne. Avec le diagnostic prénatal, c’est la souffrance et la mort différées que l’on cherche à éviter par des soins intensifs ou par l’avortement. Cette technique de la médecine prédictive soulève en effet plusieurs questions. La plus importante est sans doute celle relative à sa finalité. Faut-il la banaliser ou bien conviendrait-il de la réserver pour la seule finalité thérapeutique ? La détection de la trisomie 21 ne peut pas justifier une IGV. Personne n’a le droit de décider de la mort d’un mongolien. En revanche, la détection de maladies, telles que la myopathie de Duchene ou la mucoviscidose, peut être à l’origine de l’IVG de sujets qui mourraient au terme d’un véritable calvaire vers l’âge de vingt ou trente ans, selon les cas.

Même dans ce cas de figure, comment légitimer la décision de fin de vie, à supposer que les tests soient fiables à cent pour cent ? Et puis, quels sont les mécanismes de mise en œuvre de la décision d’avortement ? Diagnostiquer pour éliminer afin d’atteindre « le meilleur des mondes », comme semble le suggérer le docteur Arada, c’est refuser la vie à Beethoven, El Maâri, Taha Hussein, Saïd Mekkaoui et à tous les autres porteurs de gènes mutés. C’est aussi oublier, comme le précise un illustre juriste (Rivero), que Mozart, Pascal et Rimbaud ont produit leur œuvre avant l’âge de quarante ans, alors même que l’examen de leurs gènes aurait conduit à leur refuser le droit à l’existence. Au fond, dans le cas de maladies détectées in utero, comment savoir si le handicap physique ou mental constitue un obstacle infranchissable au bonheur global de l’enfant malformé et de ses parents. L’expérience nous enseigne tous les jours que le handicapé n’est pas condamné à vivre malheureux.

Au contraire, il peut être aussi heureux sur terre que les « normaux », avec sa propre sensibilité et sa propre façon de vivre. Dans le cas d’une IVG suite à un conseil prénatal, la victime éliminée ne peut se plaindre ni contre la nature, en raison des vices et tares qu’elle lui a attribués, ni contre la décision prise par les parents et les médecins. Si les effets de l’arrêt Perruche de la cour de cassation française sont loin de chez nous, retenons en ce qui nous concerne ces réflexions internes, parfois clandestines, qui ont conduit à isoler quelques interrogations complexes, abstraites et dérangeantes sur des sujets intensifiés dans la grande presse, tels que la prise en charge juridico-morale des avortements des jeunes femmes violées par les terroristes ou le devenir des embryons surnuméraires résultant de la pratique de l’insémination artificielle initiée pour la première fois en Algérie2. Deux petites remarques pour terminer. La première est d’ordre épistémologique.

Lorsque le professeur Arada déclare que le souci de l’institution qu’il représente est d’arriver à faire connaître aux étudiants en médecine les règles qui régissent l’exercice des professions médicales, il quitte le registre de l’éthique et s’inscrit dans un autre qui n’est pas le sien. Le domaine auquel il fait allusion est justement celui de la déontologie, dont les gardiens à la posture de Ahl el kahf somnolent en attendant qu’on leur explique ce qu’ils doivent faire. Là encore, la déclaration démontre la confusion des rôles, le chevauchement des compétences et la non maîtrise des concepts. Les colonnes d’El Watan ne sont pas le lieu le mieux indiqué pour expliquer les contours sémantiques de ce que sont la déontologie, la morale, l’éthique, la bioéthique.

Un petit effort de lecture ne fait pas de mal. La deuxième remarque est d’ordre méthodologique. L’éthique, comme la déontologie, ne sont pas des matières qu’on enseigne. Et si les étudiants, tout comme les médecins en activité ne s’y intéressent guère, c’est parce qu’on leur a inculqué, dès les premières années de faculté, qu’il y a des domaines nobles de la médecine et d’autres qui ne le sont pas. La médecine dite sociale, la santé publique, la psychologie, la médecine légale, l’épidémiologie… disciplines basées sur le raisonnement, sont sacrifiées au profit de spécialités mercantiles, dites techniques, celles du scalpel, et de l’imagerie médicale. La dimension morale de l’art de guérir, son histoire et ses enjeux éthiques n’intéressent qu’une minorité.

Notes de renvoi

1) Notons que, pendant le premier mandat, le comité ne s’est jamais réuni au complet. Démissions de fait, décès, manque de crédit et d’imagination... ont fini par l’annihiler. Cette carence a eu des effets dommageables, ne serait-ce que pour ces chercheurs algériens privés de chance d’obtenir des subventions européennes pour leurs projets de recherche, faute de validation éthique.

2) Cf. Abd Al Hafidh Oussoukine, à propos d’un « code de bonne conduite en matière d’insémination artificielle, Le Quotidien d’Oran, 31 août 2005.
L’auteur est Membre de l’Institut international de recherche en bioéthique, membre de l’Association internationale Sciences, éthique et droit, auteur de L’éthique biomédicale 1re éd. Dar El Gharb, 2000, 2e éd. « Traité de droit médical » éd. du Laboratoire de droit et des nouvelles technologies de l’Université d’Oran, L’Abécédaire du droit de la santé et de la déontologie médicale, concepteur du numéro spécial du Journal international de bioéthique consacré à l’Algérie : Regards sur la santé en Algérie, n°3-4 septembre 2002, vol. 13. (France)

Hafidh Oussoukine

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