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Revue de presse

Le Professeur Madjid Tabti, chef de service de pédopsychiatrie à l'EHS de psychiatrie de Cheraga : « Mieux occuper l’enfant pour réduire les tensions dues au confinement »

El Moudjahid | Algérie | 07/07/2020

Les enfants ont besoin de se ressourcer en prévision de la rentrée scolaire et n’acceptent pas de différer leur souci de détente et de se divertir.

Chef de service psychiatrie à l’hôpital de Cheraga et président du Comité scientifique de la fédération algérienne des associations de parents d’enfants autistes, le Pr. Tabti estime que les parents, tout en respectant les mesures de protection, doivent savoir trouver les bonnes astuces pour divertir leurs enfants. Les enfants ont besoin de se ressourcer en prévision de la rentrée scolaire et n’acceptent pas de différer leur souci de détente et de se divertir.

El Moudjahid : La recrudescence de l’épidémie du coronavirus avec l’avènement de la saison estivale pourrait-elle avoir un impact sur la psychologie de l’enfant et sa famille qui vivent depuis près de quatre mois au rythme du confinement ?

Pr Tabti : Effectivement, la Covid-19 a duré plus que ce qui a été estimé au début. Les gens sont fatigués, la tentative de déconfinement progressif a conduit à l’augmentation des cas de contamination quotidiens, on est coincé entre l’enclume de la crise sanitaire et le marteau de la crise économique. La saison estivale est connue pour être marquée par les sorties et voyages, les fêtes et les mariages.
La frustration est générée non seulement par les limites imposées par les mesures de sécurité réduisant les opportunités pour profiter de cette période, mais aussi par le stress de la rentrée prochaine qui nécessite une préparation, en particulier pour les candidats au baccalauréat.
Ce que l’on vient de citer constitue un cumul de facteurs de stress pour les familles et leurs enfants. Si les adultes arrivent généralement à différer leurs moments de détente et de plaisir, à sacrifier leurs vacances pour un avenir meilleur, ce n’est pas le cas des enfants qui, du fait de leur immaturité affective et cognitive, trouvent des difficultés à attendre et exigent la satisfaction immédiate de leurs désirs, du moins qu’ils ne soient pas trop différés, en fonction de l’âge. Ils peuvent alors manifester leur désarroi à travers des troubles du comportement, comme une instabilité, une tendance à l’irritabilité et aux bagarres, la désobéissance…
Heureusement, d’un autre côté, ils sont suggestibles et peuvent accepter des substituts à leurs sources de plaisir et de loisirs.

Comment les parents doivent-ils se comporter pour atténuer le stress vécu pas leurs enfants ?

Les parents, en fonction de leurs moyens et opportunités, doivent savoir trouver des astuces pour divertir leurs enfants en respectant les mesures de protection ; par exemple les emmener dans des endroits spacieux où ils peuvent jouer en respectant la distanciation, en montagne, les grands parcs. Une piscine en plastique peut se substituer à la baignade en mer. Ils ont besoin de se ressourcer pour reprendre leurs forces et affronter comme il se doit la prochaine rentrée.
Les parents sont devant la nécessité de suivre le cours de l’évolution de cette pandémie en adaptant leur vie et celle de leurs enfants à ses exigences, tout en évitant deux pièges dans leur vision de l’avenir et qui expriment deux extrémités. Le premier est d’être trop pessimiste, ce qui risque de conduire à un stress inhibant empêchant tout épanouissement, et le second d’être trop optimiste et d’imaginer une disparition rapide du virus et un retour à la normale, ce qui risque de conduire à la banalisation et au manque de préparation pour affronter l’avenir.

La peur de contracter l’épidémie pourrait-elle engendrer des obsessions, notamment chez les sujets jeunes ?

Ici, il faut distinguer deux situations. La première quand l’enfant souffre déjà d’un trouble obsessionnel compulsif ou présente une prédisposition de développer ce trouble. Dans ce cas, la peur de la contamination et les règles d’hygiène imposées pour la prévention peuvent conduire à l’apparition de ce trouble ou bien à son aggravation s’il existe déjà. L’enfant impose à lui-même et à sa famille un régime draconien de prévention avec des comportements invalidant l’évitement de toutes situations, même celles qui ne sont pas objectivement à risque. Le lavage des mains et du corps ainsi que des linges, des objets et des surfaces est répétitif des dizaines de fois par jour. Ces comportements créent une grande tension intrafamiliale et peuvent être source de violence si les parents ne sont pas assez contenants. Ces cas extrêmes, heureusement pas très fréquents, avec une prévalence moyenne de 1 à 3% en population générale, nécessitent une prise en charge psychothérapeutique spécialisée et souvent médicamenteuse. La deuxième situation c’est quand l’enfant est indemne de cette pathologie. Dans ce cas, il ne va pas présenter des obsessions ou des rituels de lavage anxiogènes et gênants. Il peut par contre se lasser de pratiquer un système de rituel imposé par les parents, il peut abandonner l’application de ces mesures ouvertement ou en cachette. Ces enfants nécessitent une surveillance et un accompagnement de la part des parents qui doivent aussi alléger au maximum ces mesures en consultant les spécialistes dans le domaine de la microbiologie et des maladies infectieuses pour demander des conseils.

Quel est l’impact sur l’état de santé des enfants atteints de pathologies mentales dont la prise en charge a été interrompu à cause du Coronavirus ?

Effectivement, c’est un grand problème pour cette frange de la société qui souffrait déjà avant la pandémie d’une prise en charge aléatoire, leurs difficultés se sont aggravées après l’apparition de la Covid-19 de plusieurs manières : d’abord avec la rechute et la régression de ces enfants atteints d’autisme et autres handicaps mentaux.
En effet, dans le domaine de la psychiatrie en général et de la pédopsychiatrie en particulier, il est maintenant bien évident scientifiquement que les situations stressantes constituent des facteurs de rechute et d’aggravation des troubles mentaux et l’on a vu que cette pandémie est une situation stressante par la peur de la contamination d’un côté et le confinement de l’autre. Une autre source de détresse de ces enfants et de leurs parents est la fermeture des centres de prise en charge. L’absence de ce traitement institutionnel a conduit à la régression de beaucoup d’enfants qui s’étaient améliorés auparavant. Les troubles du comportement apparus du fait de la pandémie sont difficiles à gérer à la maison. Les parents du fait de leurs préoccupations multiples en raison de la détresse économique et sanitaire ne peuvent pas assurer une psychopédagogie adéquate à la maison.

Comment, dès lors, aider les parents dans la prise en charge de leurs enfants ?

En tant que pédopsychiatre, chef de service psychiatrie et président du comité scientifique de la fédération algérienne des associations de parents d’enfants autistes, j’ai été sollicité par le cri de détresse de ces associations.
Nous avons proposé un plan avec une stratégie de respect des mesures de protection pour une éventuelle reprise, au moins pour des consultations externes individuelles pour ces enfants. Il reste aux pouvoirs publics à délivrer des autorisations avec les modalités qu’on a proposées qui assurent eu même temps la reprise et la protection des enfants et des professionnels qui travaillent dans ces centres de prise en charge. D’un autre côté, les associations et les responsables de ces centres doivent s’engager à respecter ces mesures qui doivent aussi faire l’objet d’un contrôle de l’Etat.

Entretien réalisé par Kamélia Hadjib

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