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Pr Bouzeghoub Salima. Chef de département de virologie à l’Institut Pasteur d’Algérie et responsable du laboratoire de référence de l’infection VIH/sida : « Aucune étude scientifique n’affirme que la chaleur détruit le Sars-Cov-2 »

El Watan | Algérie | 07/05/2020

Pr Bouzeghoub Salima. Chef de département de virologie à l’Institut Pasteur d’Algérie et responsable du laboratoire de référence de l’infection VIH/sida
« Aucune étude scientifique n’affirme que la chaleur détruit le Sars-Cov-2 »

L’arrivée des chaleurs et de l’été pourrait affaiblir le virus Sars-Cov-2 ?

A l’heure actuelle, personne ne peut vous dire exactement si ce virus est sensible à la chaleur ou non. Il s’agit d’un nouveau virus qu’on ne connaît pas assez bien. On sait qu’il y a des virus avec une enveloppe fragile qui sont sensibles à une température élévée, soit à 60 degrés. Cela dépend donc des caractéristiques physico-chimiques du virus qui sont différentes des autres virus.
Pour le moment, il n’y a aucune étude scientifique qui affirme que le Sars-cov-2 est sensible à la chaleur et à l’humidité. Il est imprévisible et on ne peut pas tirer de conclusion.

Certains scientifiques avancent l’idée d’une évolution naturelle de l’épidémie du Covid-19 comme toutes les autres infections virales qui reculent dès le printemps. Partagez-vous cette hypothèse ?

L’épidémie connaît effectivement un recul, mais cela ne signifie pas que le virus ne circule plus. On peut dire, peut-être, qu’il y a une atténuation de la virulence de ce virus, puisque nous avons moins de cas graves et d’hospitalisation en réanimation. Il y a beaucoup d’hypothèses, mais ceci dit, la situation peut évoluer d’un moment à un autre.
Nous ignorons encore beaucoup de choses à propos de ce virus, il y a des mises à jour en continu avec de nouvelles informations et des études internationales sur son mécanisme de contamination et son action dans le corps humain. Ainsi, personne, à mon avis, ne peut prédire la fin de l’épidémie.

Le nombre de cas de Covid-19 positif a nettement augmenté ces derniers jours. Comment expliquez-vous cela ?

Au début de l’épidémie, le diagnostic du Covid-19 était exclusivement fait au niveau de l’Institut Pasteur d’Algérie à raison de 150 à 200 PCR/jour . Les cas prélevés ne sont que les personnes symptomatiques suspectées d’avoir contracté le Covid-19. Les sujets contacts asymptomatiques ne sont pas prélevés pour un test PCR, parce qu’ils risquent d’être négatifs, mais cela ne veut pas dire qu’ils sont indemnes de cette maladie qu’ils peuvent développer plus tard.

Avec l’ouverture des annexes de l’IPA et certains laboratoires dans les structures de santé à travers 11 wilayas du pays, entre autres, Constantine, Oran, Tizi Ouzou, Béjaïa, Chlef, Ouargla, Tlemcen, le nombre de tests a augmenté de manière significative.

Actuellement, l’IPA arrive à réaliser 400 tests par jour. Je pense que l’explication que l’on peut donner à cette augmentation du nombre de cas est que si cette tendance se maintient encore dans les prochains jours avec un nombre supplémentaire de cas, il est clair que cette situation sera imputé au relâchement observé au début du mois de Ramadhan.

Certains spécialistes supposent que les populations des pays d’Afrique sont moins infectées par le Covid-19 du fait qu’elles ont été en contact avec de nombreux autres virus. Peut-on dire qu’elles sont immunisées ?

Je dois vous rappeler qu’il s’agit d’un nouveau virus et il semble qu’il n’y a pas d’immunité croisée avec les autres virus, que ce soit de la famille des coronavirus ou des autres virus respiratoires. Il y a aussi le fait que le dépistage n’est pas important. Par contre, ces populations ne font pas plus de grippe saisonnière que les autres pays sur d’autres continents. Le profil épidémiologique dans ces pays d’Afrique tend plutôt vers des maladies tropicales.

Est-ce que les personnes infectées par le Covid-19 développent une immunité totale après leur guérison ?

La question reste encore posée pour les virologues. Nous n’avons pas encore de réponse définitive à ce sujet et des études sont toujours en cours pour savoir s’ils peuvent être protecteurs ou non.

On parle beaucoup de tests rapides pour déterminer justement cette immunité. Est-ce que ces tests sont fiables ?

Je travaille depuis 2003 sur la base d’un algorithme qui inclut le test rapide dans le diagnostic du VIH/sida. Chose que nous maîtrisons assez bien, puisqu’il s’agit d’une maladie chronique qui ne nécessiste pas une intervention en urgence, comme c’est le cas du Covid-19 qui est une infection aiguë et compliquée. Le diagnostic doit être précoce et on ne peut pas attendre afin d’anticiper pour la prise en charge.

Pour utiliser ces tests rapides pour le Covid-19, il y a lieu, bien sûr, de s’assurer de leur fiabilité et de leur qualité. Il faut qu’ils y aient une sensibilité pour détecter les anticorps. Pour le moment, il n’y a pas encore de test rapide validé à cet effet. Ces tests ne peuvent être utilisés pour le diagnostic qu’à un certain stade de la maladie, c’est-à-dire au bout du 7e jour chez des cas symptomatiques.

Qu’en est-il des tests sérologiques en laboratoire pour savoir si des personnes étaient en contact avec le virus ou non ?

Ces tests ont également leur place. Ils sont préconisés dans le cadre des études séro épidémiologiques. L’idéal est de faire ce genre d’études pour connaître le profil et la prévalence de cette infection.

Djamila Kourta

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