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El Watan | Algérie | 09/04/2020
La contamination par le coronavirus connaît une courbe ascendante en Algérie, le nombre de décès aussi. Le pic dont il est question dans chaque épidémie n’est pas encore atteint. Peut-on le prévenir et qu’en sera-t-il de son intensité ?
Comme vous le savez, cette pandémie est sans précédent. Regardons ce qui se passe dans les autres pays où elle s’était déclarée plus tôt, cela peut nous renseigner sur son ampleur et sa progression. Dans tous ces pays, la courbe de contagiosité présente des allures similaires : une période de faible progression d’environ quatre semaines, puis une flambée.
Pour certains pays comme la Corée du Sud et la Chine, ce changement de situation ne s’était pas produit avec les mêmes délais de latence : courte pour la Chine plus lente pour la Corée du Sud. Les raisons sont certainement à chercher du côté des stratégies de dépistage adoptées par l’un ou l’autre des deux pays avec le temps de leur mise en place et les recommandations de confinement qui n’étaient pas les mêmes.
Pour cette pandémie, tous les modèles observés montrent ce pic, mais le plus important ce n’est pas le moment de sa survenue, qui est crucial, mais son amplitude : douce comme nous l’observons en Algérie, ou brutale comme c’est le cas en Iran, en Espagne et en Italie.
L’autre situation qui ressemble un peu à notre pays, est celle de l’Iran ; dans ce pays, la durée de latence a été plus courte et la flambée dure encore, puisque la décrue, normalement observée après ce pic, n’est pas encore confirmée (26 mars 2020).
Les modèles mathématiques dits compartimentaux sont nombreux et utilisés depuis des années pour apprécier cette échéance et donc de mieux s’y préparer. Pour y voir plus clair, il y a deux conditions de base à satisfaire :
Il faut savoir que ces modèles, ne vont pas nous permettre de juguler la pandémie, puisqu’elle est déjà là, ils nous aideront certainement à atténuer son amplitude. Alors que si les données sont communiquées avec délais et incertitudes, toute prévision serait biaisée et la pandémie aura toujours une longueur d’avance.
Certains pays fortement touchés par la pandémie s’orientent vers le dépistage massif pour freiner la contamination. L’Algérie serait loin de cette option, pour quelles raisons ?
La stratégie du dépistage massif n’a pas été une option de première intention, elle ne l’est devenue qu’après l’ampleur de la crise observée dans les pays ayant choisi le diagnostic ciblé.
Concernant la seconde partie de la question, je vous réponds en tant que citoyen puis en tant qu’universitaire. Le citoyen, qui analyse la gestion de la crise depuis son arrivée sur notre sol, ne comprend pas les raisons qui expliquent le retard pris par les autorités pour réagir. Les premiers cas ont été signalés en février et la réaction effective des autorités n’est venue qu’un mois plus tard, alors que les images venant de Chine et d’ailleurs étaient alarmantes.
C’est la même décision que lors des deux précédentes crises de 2012 avec le MERS et de 2009 avec le H1N1. Une réaction attentiste des autorités, comme si nous étions dans une forteresse close, comme si les pouvoirs publics n’avaient tiré aucune leçon des précédentes crises. L’universitaire vous dira que les raisons sont multiples et trop complexes pour être analysées à chaud, nous manquons de recul sur la crise elle-même.
Oui, l’Algérie est loin de cette option du dépistage massif, non par choix, mais par manque de moyens, et je ne parle pas de ceux financiers et humains. Le souci est qu’il y a pénurie mondiale de kits de diagnostic, de réactifs et de consommables.
Alors il n y a pas de miracle, nous devons chercher au plus vite des alternatives et des débouchées pour aller vers le dépistage non pas massif, mais au moins l’élargir davantage, cibler les clusters professionnels et familiaux des cas index, échantillonner quelquefois pour prévenir l’étendue du mal.
Vous savez, selon les résultats d’études publiées récemment, le test de diagnostic n’est pas utile qu’en période de pandémie, il est autant utile en sortie de confinement, donc il faut s’atteler à cette tâche et au plus vite. La recherche nationale est incontournable dans cette équation et il est temps de s’appuyer sur elle pour élargir nos horizons.
Le confinement total est préconisé comme première arme contre le Covid-19. L’Algérie en a instauré un partiellement. Ne risque-t-il pas d’être de moindre efficacité ?
Le confinement partiel est simplement une panacée, pour ne pas dire une absurdité. La réalité est que la maîtrise de la dissémination du virus échappe à l’ensemble du monde et ceux qui avaient opté pour l’immunisation naturelle, en laissant la population en libre circulation, le paient cher aujourd’hui, à l’exemple des Etats-Unis et du Royaume-Uni, en tête de peloton en nombre de morts.
A la fin de la semaine dernière, plus de 3 milliards de personnes étaient confinées à des degrés divers sur cette planète, donc le confinement est de mise. L’Iran qui a adopté pour le confinement partiel, compte à ce jour 30 000 cas avérés et 2250 décès (données du 29 mars).
Autre exemple instructif, à Prato, à une vingtaine de kilomètres au nord de Florence (Italie), une communauté chinoise de 100 000 habitants environ s’est imposée un confinement total dès l’apparition de la pandémie en Italie, car elle connaissait les ravages faits par cette infection dans son pays d’origine.
Conséquence : aucun cas positif n’y est déploré alors qu’elle est au cœur de la pandémie. A défaut de grands moyens de lutte contre un incendie, le minimum serait de le priver de combustible.
Nous n’avons pas le luxe de continuer à laisser les gens circuler de la sorte ; un couvre-feu de 19h à 7h du n’est pas la solution. Les gens circulent majoritairement en dehors de ce créneau horaire et, comme chacun le sait, la propagation du virus est favorisée par la proximité sociale et non comme une poussière dans l’air qui ne s’active qu’à la tombée de la nuit. C’est aux pouvoirs publics de prendre cette décision, je suis sûr qu’elle n’est pas facile, mais elle serait salutaire.
Bien sûr, il ne faut pas le faire sans un plan d’action précis car la population à des besoins vitaux, mais là aussi, une concertation avec la communauté universitaire (chercheurs en sciences sociales, humaines, médicales, psychologues, épidémiologistes, mathématiciens) et autres personnes du monde associatif sont nécessaires pour, premièrement, estimer la durée de ce confinement, mais surtout son suivi avec des moyens scientifiques à l’instar de ce qui se fait partout.
La lutte contre cette pandémie devrait être celle de toute la communauté scientifique. Quels en sont les procédés ? Avons-nous les moyens d’une telle stratégie ?
En premier lieu, la réponse à cette question est d’ordre épidémiologie ; avec des données fiables, vous aurez des prédictions réalistes. Seul le diagnostic permet cette fiabilité.
L’institut Pasteur a réalisé 3000 tests environ en 20 jours (données de la presse nationale), avec une moyenne de 150 tests/jour. Si nous restons sur les données épidémiologiques actuelles et selon les autorités nationales, au 29 mars 2020, il y a eu 511 cas avérés et 31 décès avec un ratio de létalité autour de 6%, ce qui est loin des données OMS de 3%.
Nos statistiques sont éloquentes, les pertes humaines sont élevées par rapport aux nombre de cas diagnostiqués positifs. Le faible nombre de cas par rapport à la population générale et le manque d’information sur la prise en charge – du moins savoir comment le choix des diagnostiqués est opéré – font que les résultats que nous observons semblent biaisés.
Deux explications possibles : le diagnostic par RT-PCR est restreint aux patients à forte suspicion d’infection donc tardif, qui explique le taux de létalité ; soit qu’il est trop permissif puisque 80% des diagnostiqués sont négatifs et, dans les deux cas, il est mal orienté.
La crainte est que ces données sous-estiment la situation. Donc pour sortir de ce piège, il faut multiplier les tests de diagnostic et les diversifier. Les multiplier par l’implication de la communauté universitaire et hospitalo-universitaire et les diversifier en ayant recours à d’autres analyses médicales, scanner, bilan biologique… Comment ? Il faut réfléchir à une stratégie et la mettre en place rapidement.
Comment la réduction des distances entre le point de prélèvement et le centre de diagnostic serait un apport dans la lutte contre le Covid-19 ?
L’installation de structure ad hoc dans la lutte contre le Covid-19 est essentielle pour plusieurs raisons. D’un point de vue organisationnel, elle réduit la perte d’un échantillon, le risque d’accident, le nombre de personnels exposés au virus et assure en parallèle la discrétion ; le ballet des ambulances est un facteur anxiogène pour les citoyens au voisinage des centres de diagnostic.
D’un point de vue sanitaire, cela permettrait le traitement des prélèvements sans délais supplémentaires, la réactivité entre le moment de l’obtention d’un résultat et de sa validation pour initier le traitement, et dans le cas de la dégradation d’un prélèvement y remédier rapidement puisque le laboratoire est dans l’enceinte du même hôpital.
Aussi, un transport lointain dans des conditions de température inadaptée risquerait d’abimer l’échantillon et, donc, le risque d’un faux négatif, avec les conséquences qui s’ensuivent, d’un point de vue sanitaire et financier.
Toutes ces précautions sont dans une seule optique : rendre un résultat fiable et protéger au maximum la santé du personnel soignant qui, comme vous le savez, est très exposé.
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