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El Watan | Algérie | 23/03/2020
Le monde scientifique a engagé une compétition pour trouver un traitement et un vaccin afin d’endiguer la propagation du Covid-19. Depuis que la Chine a partagé la séquence génétique du virus, plusieurs pistes ont été défrichées avec plus ou moins de succès. Tour d’horizon des principales avancées scientifiques.
La chloroquinine, un antipaludéen jugé prometteur
L’une des pistes présumées sérieuses pour guérir le mal concerne la Chloroquinine (connue sous le nom de Nivaquine). Il s’agit d’un médicament antipaludéen utilisé depuis près de 70 ans sous forme de petits comprimés, recommandés lorsqu’on prévoit de se rendre dans une zone infestée par le paludisme.
Dans une vidéo postée sur Youtube, Didier Raoult, spécialiste renommé des maladies infectieuses et des maladies tropicales contagieuses, détaille les résultats de son étude.
«Au bout de 6 jours, ce que l’on a constaté, c’est qu’il y avait une différence très significative entre les gens qui étaient traités et ceux non traités, ce qui a été une relative surprise», affirme M. Raoult au sujet de sa découverte. Cela est d’autant plus encourageant que lorsque la charge de virus diminue, les patients se rétablissent.
Auparavant, une étude chinoise datant de février avait déjà évoqué une efficacité de la Chloroquine après un test sur plus de 100 patients.
Un article publié le 19 février dans la revue BioScience Trends par trois chercheurs chinois relate les résultats d’un essai clinique mené dans une dizaine d’hôpitaux chinois, à Wuhan (épicentre de l’épidémie), Pékin et Shanghai notamment, pour mesurer «l’efficacité de la Chloroquine sur le traitement de pneumonies associées au Covid-19».
L’une des particularités de cette piste thérapeutique, si elle venait à se confirmer, tient dans le fait que ce soit un médicament pas cher et accessible à tous.
Mercredi dernier, l’OMS a annoncé que la Chloroquine ferait désormais partie d’un programme d’essais cliniques international visant à développer un remède contre le Covid-19.
Les Etats-Unis ont également approuvé ce traitement ; le président Donald Trump estime que cet antipaludéen pourrait «changer la donne» dans la lutte contre la pandémie. Pour autant, les spécialistes préconisent à ne pas aller trop vite en besogne et d’attendre les tests définitifs.
Le remdesivir, un antiviral initialement prévu pour contrer Ebola
Autre molécule pouvant, selon les scientifiques venir à bout du mal : le Remdesivir. Il d’un antiviral injectable de l’américain Gilead, qui a déjà été testé sur Ebola sans toutefois prouver son efficacité.
Des données in vitro ont montré qu’il était capable de diminuer la réplication du virus SARS-CoV-2. En gros, il se modifie à l’intérieur du corps humain pour ressembler à l’un des quatre éléments constitutifs de l’ADN.
L’objectif est qu’il soit incorporé dans le virus quand celui-ci se réplique et ajoute à celui-ci des mutations non désirées qui pourraient le détruire.
C’est là une piste prise très au sérieux par l’Organisation mondiale de la santé. «Il n’y a, pour l’instant, qu’un seul médicament dont nous pensons qu’il pourrait avoir une réelle efficacité. Et c’est le Remdesivir», expliquait le 25 février un responsable de l’OMS.
Des projets de vaccin innovants testés aux états-Unis
Les Américains sont sur le pied de guerre. Le projet de vaccin le plus avancé à ce jour, le mRNA-1273, est développé par l’entreprise américaine Moderna à Seattle.
Le principe, tel qu’expliqué par ses créateurs, consiste en la non-injection de la totalité du virus mais simplement d’une substance appelée «messager ARN», qui suffirait à déclencher une réponse immunitaire du corps humain. D’ores et déjà , 45 patients participent à cet essai pendant environ 6 semaines, tous volontaires, âgés de 18 à 55 ans et en bonne santé.
Un autre vaccin devrait être expérimenté à partir d’avril par la société de biotechnologie américaine Inovio Pharmaceuticals. Il fonctionne sur un principe similaire à celui de son concurrent Moderna, si ce n’est qu’il utilise l’ADN plutôt que l’ARN, c’est-à -dire un maillon plus en amont de la chaîne.
Les deux entreprises espèrent que leurs méthodes novatrices permettront une élaboration plus rapide que pour les vaccins classiques, qui utilisent le virus tout entier. Le challenge est de taille, d’autant que les deux laboratoires n’ont jusqu’ici jamais produit un vaccin mis sur le marché.
L’antigrippal de Fujifilm
La société japonaise Fujifilm qui, ô surprise, ne fait pas que dans la photographie et la bureautique, a développé via son département pharmaceutique un médicament antigrippal, le Favipiravir (principe actif du médicament Avigan) qui pourrait se révéler efficace contre le Covid-19.
Mardi 17 mars, le ministère chinois des Sciences et Technologies a en effet affirmé que des essais cliniques avaient donné de très bons résultats.
Ces derniers proviennent de deux études cliniques : la première a été menée sur 80 patients dans un hôpital à Shenzhen (sud de la Chine), et la seconde dans un hôpital de Wuhan auprès de 120 patients. Ces deux études ont démontré que le Favipiravir réduisait le temps de guérison des patients, selon les autorités chinoises.
L’UE espère un vaccin «avant l’automne»
La polémique avait égratigné les relations américano-allemandes et choqué la communauté internationale. L’imminence d’un aboutissement d’un vaccin contre le coronavirus développé par le laboratoire allemand CureVac a suscité les convoitises du président américain, Donald Trump, accusé par Berlin de vouloir s’en emparer moyennant des avances financières.
La société affirme être «à quelques mois» de pouvoir présenter un projet pour validation clinique. «Ils travaillent sur une technologie prometteuse pour développer un vaccin contre le coronavirus», a déclaré, Ursula von der Leyen, cheffe de l’Exécutif européen dans un message vidéo sur Twitter.
«L’Union européenne leur fournit jusqu’à 80 millions d’euros. J’espère qu’avec ce soutien nous pourrons avoir un vaccin sur le marché avant l’automne», a poursuivi l’Allemande, peu avant un sommet des 27 par vidéoconférence sur le coronavirus.
La Russie annonce tester un vaccin sur des animaux
La Fédération de Russie n’est pas en reste dans cette compétition scientifique internationale. Moscou a annoncé avoir commencé à tester sur des animaux un vaccin contre le nouveau coronavirus et espère avoir de premiers spécimens prometteurs en juin.
«Nous commençons déjà des tests sur des animaux de laboratoire (…) afin d’évaluer l’efficacité et la sécurité» du vaccin, a déclaré lundi dernier Ilnaz Imametdinov, un responsable du Centre d’Etat de recherche en virologie et biotechnologie Vektor, à la chaîne de télévision publique Rossia 1.
Au total, une dizaine de types du vaccin ont été créés à ce jour dans ce centre basé à Novossibirsk (Sibérie occidentale), qui a également élaboré des tests visant à détecter le nouveau coronavirus, selon la chaîne. «Dès juin, nous envisageons de présenter un ou deux types dont les tests auront donné les meilleurs résultats», a précisé M. Imametdinov.
L’université d’Etat de Moscou a développé un prototype de vaccin contre le nouveau coronavirus (Covid-19) en se basant sur une technologie moderne et unique, qui pourrait être prêt d’ici trois mois, a annoncé une biologiste virologue à l’université.
Elle a toutefois attiré l’attention sur le fait qu’il ne s’agira pas du vaccin mais d’un prototype : «La différence est fondamentale. Oui, un prototype de vaccin, un échantillon, qui passera les tests conformément aux règlements, pourra être créé dans les trois mois.»
Evoquant les délais, elle explique qu’ils dépendent non seulement des scientifiques, mais aussi du financement et de la participation d’autres organisations qui rejoindront le travail. En outre, détaille-t-elle, il existe une règle de tests précliniques et cliniques, ajoutant que si nécessaire, la période pourrait être révisée par les organismes compétents.
Des spécialistes mettent en garde contre un vaccin élaboré dans l’urgence
Et si la course contre la montre était contre-productive et que le remède s’avérait plus nocif que le mal ? Des voix s’élèvent au sein même de la communauté scientifique pour mettre en garde contre le fait de brûler les étapes ou de se passer des habituels essais sur les animaux au risque d’aggraver la maladie qu’il est censé prévenir.
Peter Hotez, doyen de l’école nationale de médecine tropicale du Baylor College of Medicine et qui a travaillé sur l’épidémie de Sras en 2003, a ainsi constaté que certains animaux vaccinés développaient des symptômes encore plus graves lorsqu’ils étaient exposés au virus en raison d’un affaiblissement du système immunitaire.
C’est ce que l’on appelle une «facilitation de l’infection par des anticorps» (Antibody-dependant enhancement ou ADE en anglais).
Si vaccin il y a, sera-t-il accessible à tous ?
Si l’espoir d’un vaccin se concrétise, il faudra sans doute mener la bataille de l’accessibilité à tous. Le fait est que le virus n’épargne personne, ni les puissants ni les populations vulnérables, ni les pays riches ni ceux en voie de développement.
Qu’en sera-t-il du vaccin lorsque celui-ci sera enfin développé ? La question mérite d’être posée au regard de la récente polémique ayant opposé Berlin à Washington qui voulait réserver le vaccin aux seules populations américaines.
Quelques voix se montrent néanmoins rassurantes. «Nous ferons en sorte, même s’il est produit ailleurs dans le monde, que le vaccin soit accessible à tous ceux qui en ont besoin partout dans le monde», a assuré Paul Stoffels, vice-président du comité exécutif de Johnson & Johnson.
«C’est une promesse que l’industrie fait ensemble», a-t-il ajouté au cours d’une visioconférence organisée par la Fédération internationale des fabricants pharmaceutiques (IFPMA).
Amel Blidi
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