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El Watan | Algérie | 19/03/2020
Contacté par El Watan, le Dr Yahia Mekki, virologue au CHU de Lyon, a bien voulu répondre à nos questions malgré la charge de travail au sein de son laboratoire de dépistage des cas de coronavirus. Il insiste dans cet entretien sur l'importance du respect des mesures de protection et surtout au niveau individuel.
– L'épidémie du Covid-19 se propage à une vitesse vertigineuse. Comment expliquez-vous cette propagation rapide ?
Il faut savoir qu'il s'agit d'une pandémie grave du XXIe siècle, et ce nouveau coronavirus est le troisième virus corona depuis les années 2000. Actuellement, la Chine enregistre de moins en moins de cas confirmés et moins de 100 morts par jour. Le confinement général a donné les premiers résultats, mais il faut retenir que tant que l'homme circule, c'est-à-dire en voyageant, le virus circule avec lui.
Ce virus a voyagé dans tous les continents et l'Europe est aujourd'hui dans une situation chaotique, particulièrement l'Italie. La vitesse de la contamination s'explique par le fait que ce virus touche pour la première fois l'humain et les personnes infectées n'ont pas d'anticorps pour se défendre. Tout sujet, qu'il soit jeune, moins jeune ou âgé, est susceptible d'être infecté.
Le terrain favori de ce dernier sont les cellules du nasopharynx et surtout les cellules pulmonaires et ce sont ces cellules-là qui jouent le rôle du nettoyage au niveau des poumons et des bronches. Lorsque le virus pénètre par la bouche ou le nez, il arrive à se multiplier dans ces cellules pour les détruire.
A ce moment-là, les poumons perdent leur fonction physiologique, c'est ainsi que le virus prend le dessus et un poumon tout rosé fonctionnel devient en 24 heures comme du papier blanc et c'est ce qu'on voit à la radiologie. Il est important de rappeler que la contamination se fait par voie respiratoire à travers les postillons. Une personne atteinte peut en contaminer 3 à 5.
– L'Algérie pourrait-elle arriver au stade que connaît actuellement la France ?
Nous pouvons être confrontés au même scénario que celui de la France et de l'Italie, surtout si les mesures de protection qui ont été recommandées par les différents ministères ne sont pas respectées, à savoir le confinement, l'arrêter des transports en commun, la suspension des voyages ainsi que toutes les manifestations.
Dans le cas contraire, nous serons confrontés à un réel cataclysme. Si le peuple algérien n'écoute pas les recommandations des scientifiques, nous y arriverons. Il faut faire comprendre aux citoyens que ce n'est pas de la rigolade.
La chaîne de contamination se poursuit tant que les personnes circulent encore et se rencontrent, surtout que si le climat est froid.
Si le virus trouve un terrain mi-froid mi-chaud, c'est-à-dire un climat doux, vers une phase plus chaude, un climat meilleur, il peut s'éteindre lentement. Mais rien n'est sûr, le virus est nouveau, il est là et tant qu'il y a des êtres humaines qui ont un contact rapproché, le virus continuera à contaminer des personnes.
– Pensez-vous que les mesures prises par l'Algérie sont suffisantes et arrivent au bon moment ?
Oui. Ces mesures sont prises au bon moment. C'est d'ailleurs ce qu'a fait la France lorsque l'on a vu ce qui se passait en Italie. La France a compris finalement que c'est plus grave que juste une petite grippe. Oui, c'est très suffisant, mais ces mesures doivent être appliquées sur le terrain pour pouvoir freiner la contamination. D'ailleurs lors de mon intervention à Alger le mois dernier, au cours d'une journée de sensibilisation au coronavirus organisée par Hallouz Ahmed à l'APN, j'ai insisté sur l'aspect lié à la prévention et surtout les mesures de protection qui doivent être prises rapidement pour endiguer cette épidémie.
– Parmi les cas testés positifs, l'Algérie a enregistré six décès, dont trois ont une moyenne d'âge de 50 ans. Comment expliquez-vous cela ?
Le virus fait parfois une attaque tellement fulgurante en ciblant le poumon et par défaillance, le patient fait une insuffisance cardiaque sévère et il décède. La situation est plus souvent retrouvée chez les sujets fragiles (diabétiques, insuffisants rénaux, maladies chroniques, hyper-tendus, etc.). Parfois, ces patients-là ne meurent pas du coronavirus mais plutôt par une surcharge bactérienne.
– Vous avez souligné plus haut que lorsque le climat est moins froid, le virus peut s'éteindre. Peut-on dire qu'il ne lui reste que quelques semaines ?
De part notre expérience, la surveillance des virus respiratoires commence à partir du mois d'octobre, tout en effectuant des tests, notamment pour la grippe saisonnière. Mais je dois vous dire qu'aucun scientifique ne peut expliquer la saisonnalité d'un virus. Pour le virus de la grippe saisonnière que nous connaissons bien par exemple, le pic a été atteint cet hiver et le nombre de cas commence à diminuer. C'est pourquoi j'insiste sur le respect des mesures de prévention, notamment le lavage des mains, car ce virus contamine et tue. Personne n'ignore que, pour le moment, il n'existe pas de vaccin ni de traitement contre ce nouveau coronavirus et le seul moyen pour nous de se prémunir est de rester chez soi. Le pic est peut-être attendu vers le 31 mars jusqu'au 10 avril et puis la situation va se stabiliser et la courbe va décliner pour n'enregistre que quelques cas.
J'appelle tous les Algériens à rester chez eux pour cette période, une quinzaine de jours, et espérons que cette pandémie s'éteindra.
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