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Revue de presse

Cancer chez les enfants : L’hôpital Émir Abdelkader d’Oran face à la progression de la maladie

El Watan | Algérie | 10/11/2019

Sur les murs du hall d’entrée de l’aile réservée aux enfants cancéreux de l’hôpital Emir Abdelkader (aujourd’hui CAC de Misserghine, après une extension opérée en 2008), des dessins mais aussi des écriteaux incitant au sourire déclinés en arabe, en français et même en anglais. « La bonne humeur aide à la guérison », paraît-il. Les auteurs sont de jeunes artistes bénévoles qui ont voulu donner un peu de leur temps pour égayer l’atmosphère de cet hôpital, jadis unique en son genre en Algérie, mais c’était avant que la maladie ne progresse de manière remarquable.

Aujourd’hui, les chambres sont saturées et on est obligés d’accepter la promiscuité. Ce sont surtout les femmes qui restent au chevet de leurs enfants durant l’hospitalisation qui le ressentent le plus. Elles sont en général jeunes, résignées et espèrent toutes une guérison qui parfois tarde à venir. « Cela fait sept mois que mon enfant est traité ici », déclare une jeune maman de Relizane, debout devant le lit de son enfant.

Une autre dit venir de Tlemcen, et son enfant est là depuis un mois. En fonction de la nature du cancer, les durées des hospitalisations varient de 1 à 5 jours pour les tumeurs solides mais peuvent aller jusqu’à deux mois pour les leucémies, par exemple. Toutes font comme elles peuvent et dorment dans le même lit que leur enfant lorsqu’il est petit et parfois à même le sol faute d’espace pour accueillir les parents.

« Il n’est pas question et même je n’ai pas le droit de refuser un enfant malade qui sollicite notre établissement et c’est pour cela que face à l’ampleur de la demande, nous avons ajouté des lits, ce qui a surchargé les chambres mais notre souci, c’est de permettre aux enfants malades qui viennent de partout, notamment de l’Ouest, de bénéficier des soins », déclare Mohamed Abed, le directeur du centre.

D’une capacité de 60 lits, on est passés à 82 et cela s’est fait au détriment de la surface disponible dans les chambres, passant généralement de deux à trois lits et au détriment de l’espace qui aurait pu être dédié aux mamans accompagnatrices mais les responsables assument : « La priorité est aux malades qui sont reçus sur place, à leur venue, jamais renvoyés, car ce serait inhumain de ne pas les accueillir », insiste le même responsable, assurant en revanche que les traitements sont bien prodigués et c’est l’essentiel.

Les enfants sont pris en charge par le Pr Boumedane, spécialiste en oncologie pédiatrique, professeure et chef de service, et qui est là depuis 20 ans ainsi que par trois assistantes en pédiatrie, en plus des résidents qui séjournent dans le cadre de leur formation.

L’association d’aide aux enfants cancéreux, qui dispose d’un bureau sur place, apporte une aide précieuse aux enfants, mais aussi aux parents en prenant en charge, sur un plan médical, les frais des interventions externes à l’hôpital (analyses, scanners, etc.) et, sur un plan social, les animations périodiques et les loisirs offerts aux enfants pour rendre leur quotidien meilleur.

L’association dispose également au centre-ville d’Oran d’une dizaine de chambres d’hébergement dont bénéficient les parents d’enfants atteints de la maladie qui viennent de loin. « Pour un seul mois, nous avons réglé une facture de 1,29 million de dinars et c’est pour vous dire à quel point la maladie a progressé et les sollicitations des parents », indique Mohamed Bensekrane, président de l’association.

Il a lui-même travaillé dans cet hôpital durant une trentaine d’années avant de prendre sa retraite pour ensuite revenir indirectement apporter sa contribution par le biais de l’association, celle-ci étant célèbre pour avoir été fondée par plusieurs personnalités de la ville, dont l’homme de théâtre Abdelkader Alloula.

« Heureusement que nous avons encore de généreux donateurs », estime-t-on à l’association où on constate néanmoins que ces derniers temps les rentrées couvrent juste les dépenses.

A son ouverture, il y a une trentaine d’années, cet EHS pédiatrique ne réservait, dit-on, qu’une dizaine de lits pour les enfants atteints de cancer et ils n’étaient pas tous remplis.

Aujourd’hui, les choses ont changé, y compris le climat social. Mardi dernier, lors de notre visite, l’atmosphère était toujours un peu tendue pour deux raisons.

La première concerne un mouvement de protestation déclenché par des infirmiers qui refusent de préparer les cures de chimiothérapie, arguant que, vu leur statut, cette tâche ne leur incombe pas.

A cette revendication principale, ils ont adjoint une série de demandes relatives aux conditions de travail, dont des heures non payées, l’inexistence d’une chambre de garde, de vestiaires, de congé lié au risque d’intoxication, etc. La direction s’étonne du fait que ce mouvement a été déclenché de manière subite.

« Nous ne forçons personne à faire ce travail, mais les protestataires l’ont fait depuis des années et ils sont donc en quelque sorte formés pour cette tâche et s’ils ne veulent plus s’en acquitter qu’ils nous donnent un délai, le temps de trouver une solution sachant en plus qu’en Algérie ce sont les infirmiers qui préparent les cures. »

L’argument avancé, consistant à se référer à ce qui se fait en France, est réfuté en disant que là on a affaire à des préparateurs en chimiothérapie et non à des préparateurs en pharmacie.

« On peut exiger de meilleures conditions de travail, des moyens de protection, etc., mais pas refuser de prendre en charge un malade et quel malade », répond la direction, qui estime à une douzaine sur 57 le nombre de protestataires qui refusent de préparer les cures et c’est également pour signifier qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, car les traitements sont prodigués aux enfants par le reste du personnel qui, tout en revendiquant un statut particulier et des conditions de travail meilleures, continue à s’acquitter de sa tâche. Une série de réunions a été organisée pour tenter de convaincre et résoudre le problème.

On se base notamment sur un arrêté datant de 2015 qui fixe les modalités de promotion au grade de paramédical spécialisé en santé public après formation complémentaire et concours pour devenir par exemple, pour ce qui est de notre cas, « infirmier spécialisé en cancérologie mais, précise-t-on, après 5 ans d’exercice. »

La deuxième raison qui plombe l’atmosphère concerne un malentendu ayant soulevé une tempête sur les réseaux sociaux et qui a failli entraîner la démission de la cheffe de service. Le Pr Boumedane s’est ravisée, mais elle a été bouleversée par cette histoire d’un hôpital qu’on accuse « à tort » de rejeter un enfant malade.

C’est le cas soulevé d’un adolescent de 15 ans et à moitié originaire de Tiaret traité pour une leucémie pour laquelle il a été en rémission. « L’enfant était dans une ambulance en partance pour l’EHU, c’est-à-dire le meilleur établissement en Algérie et on parle de rejet », s’insurge cette spécialiste en oncologie pédiatrique, qui n’en revient toujours pas.

En plus, insiste-t-elle, c’est le ministre de la Santé en visite à Oran qui a lui-même ordonné l’évacuation vers cet établissement performant. « En réalité, explique-t-elle, le dossier de l’enfant pris en charge à l’hôpital était déjà transmis au service hématologie de l’EHU (lié par un contrat de coopération) pour une intervention et on n’attendait que la réponse des professeurs qui le gèrent pour fixer un rendez-vous. » Lors de la visite, l’enfant, indique-t-elle, était avec sa tante.

Le lendemain, jour de l’évacuation, un ordre transmis à l’hôpital par le directeur de la santé, c’est la mère qui, ajoute-t-elle, était avec son fils à l’intérieur de l’ambulance où les images ont été prises.

« Nous avons pris l’habitude de ne pas tenir compte des propos tenus parfois par des enfants qui se trouvent dans un état psychologique particulier à cause de la maladie, mais de là à dire que nous en avons rejeté un, alors qu’il était dans notre ambulance, avec nos médecins en partance pour un meilleur établissement, c’est incompréhensible ! » Il y avait peut-être quelque part un manque de communication.

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