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El Watan | Algérie | 12/05/2019
Au moment où le Syndicat National Algérien des Pharmaciens d’Officine (SNAPO) faisait état de 244 « médicaments » en rupture de stock sur le marché (contre 652 présentations déclarées en rupture en France à mars 2019, dans au moins 5% des officines équipées du module DP-Ruptures déployé par l’Ordre national des pharmaciens), le Conseil de la concurrence a rendu public le 25 avril 2019 à Alger un rapport d’étude sectorielle sur la concurrentiabilité du marché des médicaments à usage humain en Algérie.
Ce rapport était attendu depuis 2015, date à laquelle l’étude a été initiée par le Conseil de la concurrence, conformément à ses missions consultatives. L’étude a bénéficié en 2018 du programme de l’Union Européenne (UE) d’appui à la mise en œuvre de l’Accord d’association Algérie-UE, à travers le concours de trois experts internationaux spécialisés dans le droit de la concurrence et l’analyse des marchés.
La coïncidence a aussi voulu que paraisse le même jour l’édition 2019 du rapport spécial 301 du représentant américain au commerce (USTR), qui pointe du doigt la mesure décidée par l’Algérie d’interdire l’importation de certains médicaments fabriqués localement, et interprétée comme un refus aux titulaires américains de droits de propriété intellectuelle d’un accès « juste » à son marché.
Dans ses conclusions, le rapport du Conseil de la concurrence, tout en rappelant l’importance du marché des médicaments en Algérie, le plus grand en Afrique, qui, de surcroît, profite d’une volonté politique de le développer en encourageant la production nationale (qui a couvert 55% des besoins en valeur en 2018), et alors même qu’il n’existe pas de définition dans la réglementation sectorielle de la « pénurie » de médicaments (définie par exemple en France, par décret du 28 septembre 2012, comme étant l’incapacité de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures), mettait un accent particulier sur le fonctionnement à flux tendu de la chaîne de distribution des médicaments tant sur le marché hospitalier géré par la pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) que sur le marché de ville approvisionné par les grossistes-répartiteurs.
En fait, le constat dressé tient de la multiplicité des acteurs de la chaîne de distribution des médicaments, avec parfois même un manque de visibilité sur leur nombre (634 inscriptions de grossistes au registre du commerce, alors que seulement 120 d´entre eux opèrent réellement dans la distribution en gros des médicaments), mais aussi des départements ministériels et organismes sous tutelle impliqués dans le contrôle a priori (prix, quantités, stocks, étiquetage, règle de tiers de vie…).
La complexité qui en résulte rend difficile pour le ministère de la Santé la mise en place d’un système d’informations robuste et en temps réel pour le suivi des quantités disponibles tout au long de la chaîne de distribution et à travers le territoire national. Par conséquent, l’impact attendu des décisions prises pour pallier les tensions sur l’approvisionnement (par exemple la signature d’avenants aux programmes d’importation) n’est pas toujours au rendez-vous, sachant la détection tardive de ces tensions lorsqu’elles ne sont pas récurrentes d’année en année.
A cela s’ajoute l’évolution continue des besoins en quantité et en qualité qui est le propre du marché des médicaments partout dans le monde (croissance démographique, évolution épidémiologique, changement des prescriptions, avènement de produits innovants…), ce qui revient à « prendre des décisions dans l’incertain » (problématique à laquelle les grandes écoles de management n’ont pu apporter que des solutions partielles) qui doivent être continuellement revues et corrigées en cours d’exercice pour s’adapter à chaque situation nouvelle qui viendrait à se présenter.
Les raisons de la rupture d’approvisionnement sont en effet multiples, par exemple, la mondialisation de la production (une seule usine pour le monde entier) et de la demande, la priorisation des ventes, en cas de disponibilité limitée, vers les pays aux prix les plus avantageux, ou bien dont les sanctions sont les plus sévères, une augmentation subite de la demande (nouvelles recommandations thérapeutiques, ou report des prescriptions d’un médicament sur un autre), et enfin les difficultés liées à la production comme une capacité de production insuffisante, une incapacité ou un retard dans la production, un manque de matières premières (responsable de 17% des ruptures en France, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament), ou un défaut de qualité des médicaments pouvant conduire à la suspension de la production.
A ce titre, la conférence de presse organisée au siège du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière en date du 2 mai 2019, sur la question de la « pénurie » des médicaments, en sus de reconnaître un état de fait, aura été l’occasion d’annoncer des mesures curatives phares, comme des réunions hebdomadaires avec la cellule de veille (installée le 10 janvier 2018) jusqu’à la fin de toutes les perturbations sur le marché, au même titre que la révision des échéances de dépôt des programmes annuels prévisionnels d’importation fixée au 31 juillet 2019 (au lieu d’octobre habituellement) pour l’exercice 2020, dans la perspective de leur libération avant le mois de novembre 2019 en vue de permettre un meilleur ordonnancement de la production et des expéditions vers l’Algérie, alors que pour l’exercice 2019, la finalisation de la libération (probablement celle des derniers programmes d’importation) a été annoncée via une dépêche de l’agence officielle en date du 2 avril 2019.
Les autres mesures préventives annoncées incluent l’obligation faite aux producteurs nationaux d’assurer la disponibilité dans un délai de 3 mois des médicaments essentiels (dont la liste reste à définir en Algérie) conformément à leurs engagements pris, faute de quoi il sera fait recours à des programmes d’importation d’appoint (envisageable même en cas d’interdiction totale à l’importation, car prévu à l’article 3 de l’arrêté du 9 juillet 2015), de même que des mesures coercitives seraient prises à l’encontre des producteurs défaillants au même titre que les « importateurs » qui n’honorent pas leurs engagements.
Par ailleurs, a été retenu le principe de la révision des prix « jugés très bas » de certains médicaments produits localement afin de dissuader les producteurs de les abandonner en raison de marges négatives (l’Union nationale des opérateurs de la pharmacie avait exposé le problème lors d’un événement organisé le 5 mars 2019, étayé par une étude comparative des prix pratiqués qui restaient les plus bas parmi les pays habituellement référencés par les autorités).
Enfin, une autre décision prise le même jour, soit le 2 mai 2019, mais cette fois-ci en réunion du gouvernement, a été l’adoption du projet de décret exécutif fixant les missions, l’organisation et le fonctionnement de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP) de laquelle il est attendu qu’elle joue son rôle dans la régulation et l’organisation du marché des produits pharmaceutiques, tout en empêchant toute « pénurie » de médicaments, notamment ceux destinés aux maladies chroniques.
Dans cette même rubrique, le Conseil de la concurrence recommandait, dans son rapport d’étude sectorielle sur la concurrentiabilité du marché des médicaments, la dotation de l’ANPP en ressources financières, humaines et matérielles nécessaires afin de lui permettre la régulation de l´activité pharmaceutique, ainsi que la clarification de ses missions pour éviter les chevauchements avec le ministère de la Santé.
Encore faudrait-il définir clairement le terme « régulation » dans ce contexte, car si l’on se réfère à l’article 3 de l’ordonnance 03-03, celle-ci consiste aussi « à renforcer et à garantir l’équilibre des forces du marché et le jeu de la libre concurrence ». A cet égard, il n’est pas prévu que ladite agence se substitue au Conseil de la concurrence, notamment lorsqu’il s’agit d’éliminer toutes les barrières non justifiées à l’accès au marché, ou alors d’instruire et de sanctionner les pratiques spéculatives dans la chaîne de distribution pouvant conduire à des situations de pénurie.
Par Yacine Sellam
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