La prévalence du tabac en Algérie semble se stabiliser, voire diminuer, mais cela ne démontre pas, selon les spécialistes, une réduction du tabagisme, en l’occurrence chez les jeunes. Les résultats préliminaires de l’étude Step Wise, une enquête nationale réalisée en 2017 par le ministère de la Santé, en collaboration avec l’OMS, a donné une prévalence de 16,56% de la population âgée de 18 à 69 ans dont 32% des fumeurs sont les hommes et 0,5% des femmes.

« Ce dernier taux représente le tabagisme avoué », a noté le Dr Touami, de l’INSP, qui a fait une rétrospective des différentes études réalisées sur le tabagisme en Algérie lors d’une journée d’information et de sensibilisation organisée par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, en collaboration avec l’Institut national de la santé publique (INSP), à la veille de la Journée mondiale sans tabac, au profit des journalistes.

Toutes les études scientifiques menées jusque-là ont montré que le tabagisme est à l’origine de 25 maladies mortelles. Les spécialistes ont insisté sur le caractère dangereux de ce fléau sur la santé. « Un fumeur a 25 fois plus de risques de faire dans sa vie un cancer du poumon qu’un non-fumeur. Le tabagisme a également des méfaits sur l’activité cardiaque. Le tabac est responsable de 50% des infarctus du myocarde », signale le Pr Mohamed Taïb Cheniter, spécialiste en cardiologie au CHU Mustapha Pacha, tout en insistant sur l’importance de la lutte contre le tabagisme en incitant à ne pas commencer à fumer. Et de préciser que « le tabagisme est à l’origine de 25 maladies graves détruisant tous les organes du corps, notamment le cœur ».

Dans le cas où, a-t-il expliqué, le fumeur est hypertendu, diabétique ou souffre de cholestérol et d’obésité, les risques d’infarctus du myocarde sont encore plus importants, relevant qu’une seule cigarette par jour a de très graves conséquences sur la santé de l’homme.

« Dans le cas de ce cumul, les risques respectifs de chaque facteur ne s’additionnent pas, ils se multiplient. Le tabac est un facteur multiplicateur dans les maladies cardiaques », a-t-il ajouté, en rappelant que des études internationales ont montré que l’arrêt du tabac a un impact sur la survenue de l’infarctus du myocarde. Pour sa part, le chef du service de gynécologie au CHU d’Oran, le Pr. Abdelkader Chafaï, a mis en exergue les dangers du tabagisme sur la reproduction, non seulement parce qu’il provoque le cancer de l’appareil génital (sein et col de l’utérus), mais il contribue aussi aux fausses couches, à la déformation du fœtus et aux troubles du cycle mensuel.

De son côté, le Pr Houria Houichet, membre du comité pour la stratégie nationale de lutte contre le tabagisme, a rappelé la convention-cadre pour la lutte contre ce fléau qui est la seule convention des Nations unies adoptée par 181 pays, dont l’Algérie, en 2006. Elle a ajouté, à ce propos, qu’en dépit de l’adoption de cette convention par plusieurs pays, 15% de la population mondiale fument toujours dans les espaces publics.

Elle a, par ailleurs, déploré le fait que l’Algérie n’ait pas bénéficié d’appui pour le protocole d’élimination du commerce illicite des produits du tabac. La chef de service des maladies respiratoires au CHU Lamine Debaghine, le Pr Aziza Fissah, a mis en garde contre les composants dangereux de la cigarette, au nombre de 6000 substances, dont la nicotine et le goudron. Concernant l’affluence sur la chicha durant ces dernières années, notamment avec la prolifération des clubs destinés aux femmes dans les grandes villes, la spécialiste a averti contre la consommation de ce genre de tabac qui contient des substances toxiques, à l’instar du charbon, outre qu’il contribue à la transmission des maladies à travers son utilisation collective.

Le directeur des maladies chroniques au ministère de la Santé, le Pr Youcef Terfani, a fait savoir que « l’Algérie prépare l’adoption de la clause de la convention-cadre de lutte antitabac, relative au protocole de lutte contre le trafic de tabac », en cours d’élaboration au niveau des ministères des Affaires étrangères et du Commerce. Après avoir rappelé le thème choisi par le ministère pour cette année concernant la lutte contre le tabac, « La chicha, le tabac qui détruit le cœur », le responsable a évoqué les réalisations nationales accomplies pour accompagner la mise en œuvre de la convention onusienne, dont le Programme national de lutte contre les facteurs de risque des maladies chroniques comme le tabac (2015-2019), la Stratégie nationale de lutte antitabac, le Plan national de lutte contre le cancer, outre l’ouverture de 53 centres de sevrage.

Djamila Kourta