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Revue de presse

Prélèvement d’organes sur personnes décédées : ce qui bloque et pourquoi les algériens hésitent encore

El Watan | Algérie | 29/01/2017

Professeur à la faculté de médecine d’Alger, chef de service de néphrologie-transplantation au CHU Mustapha, Alger. Les prélèvements d’organes sur les personnes décédées, cette formidable victoire de la médecine du XXe siècle, tardent à se développer chez nous en Algérie. Ces dons d’une partie de soi après sa mort, gratuits et anonymes, pour sauver son prochain, demeurent encore « tabous » dans notre société.

Depuis plus d’un demi-siècle, près de cent pays dans le monde transplantent en routine des organes prélevés sur des personnes déclarées décédées. Ils remplacent ainsi les organes défaillants de leurs très nombreux citoyens en attente d’une greffe, ce qui les sauvera et leur permettra de vivre plus longtemps et bien mieux ! Notre pays doit également permettre à ses citoyens d’accéder à cette médecine et de bénéficier, eux aussi, d’organes de remplacement ...

Il est vrai qu’un travail colossal doit être fait, en Algérie, au regard de l’opinion publique générale, qui reste encore « frileuse » pour ne pas dire « hostile », afin d’emporter sa conviction, mais pas seulement, car même une partie de la communauté médicale et paramédicale demeure toujours réticente, force est de le reconnaître et de l’admettre.

Et pourtant, notre pays dispose de tous les atouts et des ressources humaines compétentes pour mettre en place un programme pérenne de prélèvements d’organes sur personnes décédées et nombreux sont les CHU d’Algérie à même de les réaliser.

Mais alors où est le problème ?

Puisque ni notre religion, l’islam, ni nos lois, ni nos autorités politiques ne s’opposent aux prélèvements sur personnes décédées, loin s’en faut, où est le problème ?

Des centaines de dialysés chroniques, des dizaines d’insuffisants hépatiques, vivant en sursis en Algérie, attendent, espèrent, une greffe rénal ou hépatique, qui mettra fin à leurs souffrances.

Mieux, des greffes rénales et hépatiques se font régulièrement à partir de donneurs vivants apparentés (DVA), alors même que ce sont les greffes les plus difficiles à réaliser, car en plus de l’obligation de moyens, il y a l’obligation de résultat. Aucun échec n’est toléré ici, ni pardonné...

Quand bien même le nombre de greffes réalisées annuellement à partir de DVA reste très insuffisant, la demande est dix fois supérieure à l’offre actuelle.

Pouvons-nous dire qu’aucun CHU d’Algérie ne dispose d’une organisation interne pour réaliser des prélèvements d’organes sur personnes décédées ?

Non, car au moins trois CHU se sont dotés d’une organisation humaine, matérielle et administrative pour ce faire : le CHU Ben Badis, à Constantine, le CHU Frantz Fanon, à Blida, et le CHU Mustapha, à Alger. Cette organisation interne a été mise en place au sein des trois CHU, elle est dénommée « Coordination hospitalière ». C’est la clé de voûte du système, elle est indispensable et incontournable pour la réussite d’un programme pérenne.

Ces trois CHU ont, à plusieurs reprises depuis 2002, entamé des procédures de prélèvements d’organes sur personnes décédées, conformément à la loi algérienne, dans le strict respect des familles et avec tous les moyens prévus par la réglementation en vigueur.
Pour les équipes de ces trois CHU, le constat est le même, le taux de refus des familles reste élevé, malgré tout. Les familles éprouvées hésitent encore beaucoup, quand elles ne s’opposent pas catégoriquement au prélèvement, et c’est le cas de figure le plus fréquent.

Alors quel est le Problème pour nos concitoyens ?

La mort précède le don, donc le prélèvement d’organes. Le respect de ce principe reste fondamental : le décès déclaré du donneur potentiel doit absolument précéder le prélèvement des organes. De fait, le problème réside dans la certitude absolue du décès de la personne pour toute sa famille angoissée : est-elle réelle ? Est-elle irréversible ?

Nous sommes à l’hôpital, des moyens de réanimation intensive sont déployés pour sauver la personne, les familles espèrent toujours, le miracle d’une guérison soudaine, ils implorent et prient en silence la miséricorde d’Allah le Tout- Puissant.
La majorité des familles ignorent tout du don d’organes, ils écoutent médusés nos explications sur la mort certaine de leur proche, l’incompréhension est « palpable » lorsque les mots sont prononcés : « Une opération chirurgicale pour prélever les reins et le foie, le corps vous sera rendu juste après pour l’inhumer, quelques heures seulement nous suffisent, des patients sont en attente d’une greffe, les organes prélevés seront greffés à d’autres. »

Cette personne, leur proche, est déclarée décédée, alors que son cœur bat encore, un mort dont le « cœur est toujours battant », l’entourage familial choqué ne comprend pas et refuse de l’admettre. « Pour ses parents, il est toujours vivant ! »

Pourtant, les équipes médicales et paramédicales sont respectueuses de nos principes religieux et des lois de notre pays, la personne est en mort encéphalique (mort cérébrale), les examens l’ont établi, leur parent est bel et bien décédé. « Certes, le cœur bat encore sous l’effet des drogues et des appareils de ventilation artificielle, mais il s’arrêtera de fonctionner très vite, malgré toutes les mesures médicales en cours. »

Voici en quelques lignes l’essentiel des contraintes observées par les professionnels, avec et face à la société civile de notre pays, en matière de prélèvements d’organes, dans un milieu hospitalier hautement spécialisé.

Beaucoup reste à faire dans le fond et dans la forme, dans ce domaine difficile des prélèvements d’organes sur personnes décédées. Dans le fond, les familles découvrent brutalement dans des moments pénibles, « dans l’horreur de la mort », ce principe de solidarité qu’est le don de soi après la mort, le don d’organes pour autrui. On leur demande, alors que rien ne les a préparés, de donner leur accord, pour réaliser des prélèvements sur un être cher. Dans la forme, la définition de la mort encéphalique reste très mal comprise par les proches, car dans l’imaginaire collectif, le décès, c’est avant tout l’arrêt cardiaque et respiratoire.

La sacralisation du corps dans nos coutumes, conjuguée à nos rites mortuaires, commandent et expliquent l’attitude très réservée, souvent négative, de nos concitoyens face à la démarche et à la demande de prélèvement d’organes faite par les équipes soignantes.

L’inhumation du corps doit se faire sans délai, c’est la tradition musulmane, la question pour les très rares familles consentantes, est comment l’accommoder avec les exigences du prélèvement ?

Les questions se bousculent alors au sein de la famille : « Nous ne connaissons pas la volonté du défunt, ce que vous nous demandez est vraiment légal, c’est sûr, la direction du CHU est-elle au courant, comment sera son corps après les prélèvements, pourquoi deux reins, un rein suffit, à qui vous donnerez ses organes, notre religion l’islam le permet-elle, il y a des lois qui vous autorisent, qui décide dans la famille, les imams sont-ils d’accord ? »

Le DÉBAT est entièrement SOCIÉTAL : Pendant, en Amont et en Aval du Don !

De l’avis de tous, les familles algériennes ne s’opposent pas définitivement au don, elles ne comprennent pas, elles ne sont pas préparées, elles disent ne pas être informées, le refus initial est une réaction angoissée devant l’inconnu. Plusieurs membres de ces familles nous le rapportent : « C’est trop brutal, nous expliquent-ils, comme pour les excuser, ils n’ont jamais entendu parler de prélèvements sur personnes décédées, ni au quartier, ni à l’école, ni à la mosquée, c’est tout nouveau pour eux. »
L’autre question lancinante est celle du donneur décédé mais dont le cœur bat toujours, elle soulève l’émoi et cristallise toutes les incompréhensions de la société civile algérienne, et pas seulement, même celles de nombreux soignants. Dans l’imaginaire collectif, la mort n’est certaine que lorsque l’activité cardiaque s’arrête définitivement. Nous devons en tenir compte et respecter cette notion de « mort cardiaque » obligatoire.

De nombreux pays ont été confrontés, par le passé, à cette problématique de la définition communément admise, par leur société, du décès réel et constant qui est lié avant tout à un arrêt cardiaque. En 1995, les pays qui pratiquaient des prélèvements d’organes sur personnes en arrêt cardiaque, se sont réunis à Maastricht, aux Pays-Bas, pour expliquer leur choix, exposer leurs résultats, décrire l’attitude de la société civile et enfin pour y élaborer une première classification des donneurs décédés après arrêt cardiaque, ce sera celle de 1995 qui a été révisée en 2013, avec toujours les quatre classes ou catégories de donneurs à cœur arrêté, internationalement admises. Nous y reviendrons plus loin.

Le regard de notre société sur le devenir du corps après la mort, donc sur le rite mortuaire, reste central. Il impose une attention toute particulière de la part des équipes soignantes. La vie est sacrée, car don d’Allah, le corps qui en est le dépositaire doit être traité avec toute la dignité et tout le respect qu’il mérite aux yeux de la famille. Les prélèvements d’organes ne sont pas interdits par notre religion, l’islam, ils n’attentent pas à sa sacralité, seulement tout doit être fait pour respecter son apparence physique et ne pas altérer son image auprès de ses proches. Les prélèvements d’organes, « médecine transgressive s’il en est, doivent être empreints de précautions multiples et de gestes d’humilité ».

Le Donneur Décédé après Arrêt Cardiaque

Les premiers prélèvements d’organes, réalisés dans le monde à des fins de transplantation, ont été faits sur des donneurs décédés après arrêt cardiaque (DDAC), faut-il le rappeler, c’était entre 1950 et 1980. La reconnaissance internationale de la mort encéphalique, à partir de 1970, a beaucoup changé les choses, peu à peu, de nombreux pays ont choisi de ne réaliser des prélèvements que sur des donneurs décédés en état de mort encéphalique (DDEME), situation particulière où le donneur décédé l’est à cœur qui bat.

Plusieurs pays, dont les USA, le Royaume- Uni et les Pays-Bas, ont poursuivi, à ce jour, les prélèvements sur DDAC, très largement admis par leurs concitoyens, car correspondant plus à leur sensibilité et à leur conscience.

« Ces prélèvements sur DDAC seront peut-être mieux admis par la société algérienne et par une partie des soignants, dès lors qu’ils feront l’objet d’un consensus national et seront inscrits dans nos lois. » Depuis 2007, clairement, la pratique des prélèvements sur DDAC s’est étendue à des pays leaders en transplantations. Certains de ces pays ont adopté toutes les classes (au nombre de quatre) c’est-à-dire, les 4 catégories de DDAC de Maastricht, d’autres en ont adopté seulement deux ou trois catégories.
Les classes II et IV de Maastricht (respectivement arrêt cardiaque malgré une réanimation intensive et arrêt cardiaque chez un sujet en mort encéphalique) semblent à nos yeux les deux catégories à privilégier dans notre contexte cultuel et culturel, en Algérie.

Conclusion

L’exigence éthique doit encadrer tous nos gestes médicaux et guider toutes nos décisions thérapeutiques, surtout dans ce domaine très sensible et si particulier, celui des activités de transplantation d’organes. Face à la détresse et à l’attente de milliers d’insuffisants rénaux, des solutions éthiques doivent être recherchées pour abréger leurs souffrances et leur permettre d’accéder à une greffe rénale.

On doit ajouter, qu’en terme de justice distributive, les activités de transplantation rénale s’inscrivent directement dans cette éthique et vont permettre de réduire considérablement les coûts actuels exorbitants de la dialyse chronique en Algérie, donc les coûts de santé. « Le dialysé est le malade chronique le plus "cher" de notre pays. In fine, tout faire pour "soigner l’homme par l’homme" et pas seulement avec la "machine". »

Farid Haddoum

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