Au moins 10% de la population algérienne sont diabétiques, affirme le Pr Mustapha Khiati, président de la FOREM (Fondation nationale pour la Promotion de la Santé et le Développement Recherche). Il a indiqué, hier mercredi, à la radio chaîne 3, à la veille de la Journée mondiale de la santé consacrée cette année au diabète, que l'Algérie compte plus de quatre millions de diabétiques, et ce chiffre pourrait même doubler dans les trois prochaines années. Selon lui, le chiffre de 4,5 millions de diabétiques était prévu en 2007 par une étude prospective du ministère de la Santé pour être atteint en 2025.

« Ce chiffre va augmenter dans les prochaines années », a-t-il ajouté. « La prévalence en Algérie est actuellement de 12,38% de la population, donc on est en deca, alors qu'en 1993, il y avait 1 million de diabétiques, et le nombre est monté à 2,5 millions en 2007. Et donc 13 ans plus tard, il ne peut que doubler pour être à 4,5 millions, voire 5 millions d'habitants », estime le Pr Khiati, selon lequel « plus d'un tiers des Algériens ne sont pas au courant qu'ils sont diabétiques, et donc il faut mettre en place un plan national de dépistage et un programme de traitement pour éviter les complications ». Selon le professeur, « un diabétique sur trois ignore qu'il est diabétique », « le dépistage est loin des normes internationales, et donc il faut mettre en place un programme national cohérent de dépistage des diabétiques ». Pour lui, il faut d'abord mettre en place des dépistages pour les personnes ayant des parents diabétiques et celles qui présentent les risques de diabète, le diabète de type 1, qui touche les adultes.

Et puis, il y a le nombre inquiétant d'enfants diabétiques qui seraient près de 100.000. « On assiste à une surconsommation de sucres de différentes sources, ce qui fait apparaître des types de diabète qui touchent les enfants. Aujourd'hui, on note des diabètes de type 2 chez des enfants de 15 ans, car ils ont surconsommé des boissons gazeuses ». Certains jus et sodas vendus dans le commerce « sont de véritables confitures liquides », a-t-il affirmé, relevant que le dosage de sucre dans ces boissons est de 16 gr/l, et il y a des boissons qui dépassent « les 18 gr par litre. « Il faut diminuer la concentration du sucre à 8 gr par litre comme cela se fait ailleurs dans le monde », a préconisé le président de la FOREM, et « il faut prendre des mesures à la source », car le diabète a été déclaré comme une pandémie par l'OMS qui a demandé aux gouvernements de prendre des mesures pour réduire les sucres dans les jus et boissons.

En Algérie, un arrêté, qui date de 1970 pour la réduction du taux de sucre dans les boissons n'a jamais été appliqué par le ministère du Commerce, jusqu'à aujourd'hui, relève-t-il. Les facteurs de risques sont, explique le Pr Khiati, « le vieillissement de la population, les mutations sociales avec des changements importants en matière nutritionnelle avec des produits importés, et le stress qui joue un rôle important, en plus de l'absence d'activité physique ». Et puis, « la prise en charge sanitaire est importante. Avec plus de 4 millions de diabétiques, on devrait consacrer un département à part au dépistage, car il y a un problème de réduction du diabète en intervenant sur les facteurs de risque, et de prise en charge qui passe par plusieurs protocoles », préconise-t-il.

Les complications les plus courantes du diabète touchent l'oeil, avec beaucoup de cas de cécité en cas de mauvaise prise en charge, le cœur avec 75% des diabétiques qui meurent de crise cardiaque, le rein avec 30 à 40% des diabétiques ayant des atteintes rénales, 50% des diabétiques sont dialysés, et 20% sont amputés pour le pied diabétique et dont 50% meurent après cette amputation, rappelle le président de la FOREM. Dès lors, « il faut un plan d'urgence face au nombre de diabétiques, avec le dépistage et la sensibilisation, l'éducation sanitaire, la prise en charge des diabétiques ». Il n'y a que 100 médecins formés pour traiter le diabète, le reste étant des généralistes. D'autre part, 30% des médicaments importés concernent le diabète et « ces chiffres vont augmenter si on ne prend pas de mesures urgentes, car il faut considérer le diabète comme un défi majeur », estime le Pr Khiati qui appelle à la mise en place « d'un protocole de suivi réel de ces malades ».

Yazid Alilat