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Revue de presse

La psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent en Algérie : une naissance contrariée

El Watan | Algérie | 03/03/2015

La santé mentale de l’enfant et de l’adolescent est une des grandes préoccupations actuelles des Etats et des populations à travers le monde. Les parents, les associations professionnelles ou sociales, qui s’occupent des enfants, les organismes internationaux (OMS, Unicef...) ne cessent d’adresser des recommandations aux Etats dans ce sens. Cela implique des actions dans des champs aussi différents que la famille, les structures éducatives (crèches, écoles), la protection sociale, le travail, le sport, la justice, la sécurité, la santé.

La pédopsychiatrie est la discipline médicale qui s’occupe du traitement et de la prévention des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent. Elle joue actuellement un rôle déterminant dans la direction des actions de promotion de la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent. Elle se pratique en équipes multi-professionnelles (pédopsychiatres, psychologues, infirmiers, rééducateurs, éducateurs, instituteurs, assistantes sociales, orthophonistes, psychomotriciens...). Elle a constitué le produit d’une fructueuse convergence de la psychiatrie sociale adulte, la psychanalyse, la psychologie médicale et développementale, l’enseignement pour handicapés mentaux, la pédiatrie, la criminologie, les thérapies familiales, la génétique. Actuellement, les connaissances théoriques et empiriques dans la discipline sont considérables et nécessitent plusieurs années d’apprentissage pour leur mise en pratique.

Sa constitution en tant que discipline autonome par rapport à la psychiatrie adulte a été un long processus qui a fini par s’imposer à l’échelle internationale. Cette évolution s’est faite à la fois sous l’influence du progrès des sciences médicales et psychologiques mais également et surtout de la conception qu’ont les sociétés des enfants et de l’intérêt à leur accorder. Nous pouvons, sans nous tromper, affirmer que les plus grands progrès dans la santé mentale des enfants et des adolescents sont liés aux avancées démocratiques dans les sociétés. Les sociétés médiévales et du capitalisme naissant avaient considéré l’enfant pour ce qu’il pouvait apporter lui-même en tant que force de travail. Ce sont les révolutions dans ces systèmes qui avaient mis en exergue la question des besoins et droits des enfants (famille, nourriture, éducation, santé, scolarisation, protection, loisirs et culture, etc.).

La scolarité obligatoire des enfants jusqu’à l’âge de 16 ans en Europe a ouvert la voie à des progrès considérables en psychologie cognitive (formation et développement de l’intelligence). Des psychologues du début du XXe siècle, comme Alfred Binet et Henri Wallon en France, Arnold Gesell aux USA, Jean Piaget en Suisse et Lev Vigotsky en ex-URSS, nous ont permis de comprendre le fonctionnement intellectuel original de l’enfant et de son développement.

Par d’autres voies, la psychanalyse, dont l’objet d’étude est la formation et le fonctionnement de la psyché humaine du point de vue des émotions et des significations, a mis en évidence toute la richesse et l’originalité de la vie psychique chez l’enfant. Sigmund Freud et plus tard ses disciples ont mis en évidence que l’enfance était la période-clé dans la constitution du psychisme et qu’il fallait étudier l’enfance pour comprendre l’adulte. Sigmund Freud a repris pour illustrer cela un ver d’un poète anglais du XVIIIe siècle, William Wordsworth : « L’enfant est le père de l’homme ». Les poètes ont toujours précédé les scientifiques comme en témoigne le merveilleux poème de Gibran Khalil Gibran sur les enfants.

Peu à peu, la pratique médicale et psychologique sortait du point de vue quantitatif adultomorphe, « l’enfant est un adulte dont l’esprit n’est pas encore suffisamment rempli » ou « l’enfant est une page blanche, sur laquelle tout doit être inscrit par les adultes ». Mais si pour des raisons multiples (souffrance neurologique périnatale, carence affective et/ou sociale, autisme et schizophrénie infantiles), il n’est pas suffisamment rempli par l’action « éducative des adultes », il aura un manque et fera l’objet de ce que les Anglo-saxons nomment la « défectologie ».

Pendant longtemps, les hôpitaux psychiatriques et les services de pédiatrie avaient leurs unités dites de défectologie où se retrouvaient tous les cas ayant perdu leur autonomie ou ne l’ayant pas acquise. C’est le point de vue en négatif à la fois de la pathologie, « le manque de fonctions », mais aussi de la conception de l’enfant : « L’enfant est un adulte inachevé ». Les premières consultations de psychiatrie spécialement dédiées à l’enfant voient le jour dès le début du XXe siècle aux Etats-Unis (guidance infantile) ainsi qu’en d’Europe.

En 1937, se tient à Paris le premier congrès de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent sous la direction de Georges Heuyer et de Léo Kanner. Mais les plus grands progrès dans la recherche et la mise en place des systèmes de soins pour l’enfance et l’adolescence allaient être faits après la Seconde Guerre mondiale. Cette guerre fut une hécatombe pour les pays d’Europe. Des millions d’enfants furent tués, blessés, traumatisés, déplacés et séparés de leurs familles. Une deuxième révolution culturelle et politique s’en est suivie à travers le monde, en particulier sur les droits de l’homme et de l’enfant. Anna Freud (fille de Sigmund Freud et une des fondatrices de la psychopathologie de l’enfant) s’est occupée à soigner des enfants victimes de la guerre à Londres et à élaborer les bases de la psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent.

De nombreux pédiatres, psychiatres et psychanalystes, qui se sont également intéressés aux effets dévastateurs des carences de soin et de la maltraitance sur le développement des enfants, ont considérablement enrichi notre connaissance de la psychopathologie mais aussi du développement typique. Parmi ceux à qui nous devons le plus, nous citerons René Spitz, Donald Winnicott et John Bowlby. Ils ont contribué à la connaissance des interactions précoces entre les parents et les enfants et leur impact sur le développement psychique. Ils ont par leurs travaux contribué à la transformation du fonctionnement des institutions d’accueil et d’éducation (crèches, pouponnières).

L’apparition et le développement des thérapies familiales systémiques ont enrichi la spécialité d’un point de vue théorique et thérapeutique. La dimension familiale fait partie intégrante de la pratique en pédopsychiatrie, que ce soit à l’étape diagnostique ou de la prise en charge. Les progrès considérables en neurobiologie et en génétique ont changé nos pratiques, notamment dans le domaine de l’autisme et des pathologies neuro-développementales. La question de l’autisme a constitué un facteur déterminant dans l’individualisation de la pédopsychiatrie en tant que discipline en raison de la nécessité de structures et de méthodes de soins originales très différentes de celles de l’adulte mais aussi par la poussée formidable qu’il a permis dans la recherche.

Des sous-spécialités se créent en réponse aux progrès de la recherche et aux besoins exprimés dans la société (psychiatrie du nourrisson et du nouveau-né, psychiatrie de l’adolescent, troubles du développement, pédopsychiatrie médicolégale, pédopsychiatrie de liaison). Partout en Europe, se mettent en place les structures de soins, de consultation, d’hospitalisation, d’éducation spécialisées et de rééducation destinées à l’enfant et à l’adolescent, ainsi que les systèmes de formation nécessaires pour former le personnel de ces structures.

Les années soixante-dix et quatre-vingt ont vu la majorité des pays d’Europe (à l’Est et à l’Ouest), les USA, certains pays d’Asie et d’Amérique latine, mettre en place des dispositifs de formation spécifique. La psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent n’est plus une simple option de la psychiatrie adulte. Le volume des connaissances spécifiques, l’originalité des méthodes d’investigation et de traitement par rapport à la psychiatrie adulte ont conduit nombre de pays à opter pour cinq années de formation avec un an ou deux de psychiatrie générale.

Que les postulants viennent de la psychiatrie adulte, de la pédiatrie ou même de la médecine générale, ils sont tous astreints à faire deux à quatre ans de formation spécifique en pédopsychiatrie pour prétendre exercer dans le domaine. Deux choses sont définitivement consacrées à travers le monde et recommandées par l’OMS depuis plus de vingt ans :

  • Le dispositif de santé mentale (structures, personnel, budgets, moyens et méthodes d’intervention) est distinct de celui de l’adulte ;
  • L’intervention en santé mentale de l’enfant et de l’adolescent nécessite une formation spécifique.

Ceci a été compris et adopté par de nombreux pays. Nos voisins tunisiens l’ont adopté depuis près de 10 ans avec une discipline universitaire autonome de 5 ans avec une année de tronc commun en psychiatrie générale. Près de quarante pédopsychiatres exercent actuellement avec une qualification de haut niveau. Le Maroc est sur la même voie depuis quatre ans.

Quelques pays, y compris en Europe, continuent de considérer le cursus de formation en pédopsychiatrie comme venant après le cycle de psychiatrie générale. Mais cela a abouti à un retard dans le développement de la discipline qui s’exprime à la fois dans les effectifs, les programmes de formation et de recherche.

Ce constat se reflète dans la recommandation de l’Union européenne des médecins spécialistes (UEMS) qui recommande un internat de cinq ans, avec une séparation entre les filières de pédopsychiatrie et de psychiatrie.

Qu’en est-il de cette discipline en Algérie ?

A l’indépendance, le nombre de psychiatres en Algérie était presque nul. Les psychiatres pieds-noirs, dont la plupart appartenaient à l’école coloniale d’Alger, étaient tous partis. Et pourtant, quelques années auparavant, l’hôpital psychiatrique de Blida a été bouleversé par Frantz Fanon qui a eu une carrière très brève mais lumineuse, fondatrice et à l’avant-garde dans plusieurs domaines, comme la psychiatrie sociale, la psychothérapie institutionnelle, le psycho-traumatisme, etc.

Les premiers psychiatres formateurs, d’après l’indépendance, étaient des psychiatres d’adultes, ayant reçu une formation classique en Europe. La pédopsychiatrie n’entrait pas dans le champ de leurs préoccupations. Dans la société, la conception qui prévalait à l’époque était que l’enfant n’avait pas achevé le développement de ses capacités mentales. S’il avait un problème mental ou cérébral, cela ne pouvait aboutir qu’à un handicap.

C’est ainsi que l’enseignement en psychiatrie de l’adulte aboutissait à la conviction des psychiatres que la pédopsychiatrie était une discipline désespérée où il n’y avait pas grand-chose à faire. Discipline orpheline, la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent s’était retrouvée de fait l’affaire de la protection sociale qui avait mis en place des structures de prise en charge du handicap mental dès 1984, et surtout des psychologues qui héritaient de problèmes dont les psychiatres ne voulaient pas. Il faudra rendre hommage à ces psychologues et éducateurs qui s’étaient consacrés dès les années quatre-vingt à la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent.

Certains pédiatres, dont le regretté Belkhenchir, avaient dans leur pratique une considération particulière pour la dimension psychique.
Il faudra cependant reconnaître que plusieurs psychiatres se sont dès le début des années soixante- dix intéressés à l’enfant. Ces psychiatres avant-gardistes avaient essayé d’implanter et de développer la pédopsychiatrie. Nous citerons parmi eux H. Salhi, F. Kacimi, M. Boucebci, L. Benhabib.

Pour différentes raisons, aucune de ces expériences n’avait pu être menée à bout. Pour certains, la progression universitaire leur avait imposé de quitter des services non reconnus en tant que tel par l’université. Pour d’autres, c’est l’isolement et le manque de soutien matériel et humain pour mener à bien leur mission qui ont eu raison d’eux.
Il a fallu attendre les années 1990 pour que de nouvelles expériences voient le jour avec la création de service de pédopsychiatrie (Blida, Chéraga, Constantine, Annaba) et s’inscrire dans la durée.

La pratique pédopsychiatrique dans ces services a pu évoluer d’un trait pendant plus de vingt ans. Les médecins de ces services ont organisé les activités de santé publique, animé des activités scientifiques et de recherche, formé le personnel infirmier, les étudiants de graduation et de post-graduation à la pratique en pédopsychiatrie, mis en place des programmes spécifiques, comme la prise en charge de l’autisme, et du psycho-traumatisme. Tout cela, ils l’avaient fait d’abord en se formant eux-mêmes.

La guerre qui avait été livrée à la population par le terrorisme dans les années quatre-vingt-dix a eu des conséquences désastreuses sur le plan social et familial. Les conséquences de ces années et des traumatismes subis va conduire dans les années 2000 à des transformations considérables dans la société par un relâchement du lien social et familial, l’envahissement de tous les espaces sociaux par une violence interhumaine ambiante, dont l’impact sur la santé mentale des enfants n’est pas encore estimé à sa juste valeur.

Soumise également aux autres facteurs de risque (abus de substances, déscolarisation, faibles performances du système de santé, conflits familiaux), la population infanto-juvénile se retrouve lourdement exposée et fragilisée.

Les conséquences sont que de nombreuses pathologies liées à ces facteurs de risque (traumatismes, violences, délinquances, dépressions et troubles anxieux, abus de substances, pathologies familiales) sont venues s’ajouter aux troubles développementaux (autisme, déficit intellectuel, troubles de l’apprentissage). Les familles par le biais des médias sont informées que des solutions aux problèmes de santé de leurs enfants existent. La conséquence est que ces premiers services ont été rapidement submergés par une demande sans cesse croissante.

C’est ainsi qu’en 2006, le ministère de la Santé, en partenariat avec l’OMS, avait décidé de lancer un programme de création de services de pédopsychiatrie et d’une première formation académique en pédopsychiatrie pour les médecins qui travailleront dans ces services. La formation a été dirigée par des équipes de pédopsychiatres français dont les professeurs Mazet, Schmidt et Aussilloux.

L’aboutissement de toutes ces réalisations associées au poids des besoins a conduit à la formulation logique d’un projet de création de la spécialité de pédopsychiatrie. Projet concrétisé en juin 2013, cinquante ans après l’indépendance de l’Algérie.

De façon tout à fait incompréhensible, des psychiatres d’adultes qui n’avaient jamais auparavant manifesté d’intérêt pour la pédopsychiatrie se sont opposés à ce projet en déposant une pétition au niveau du ministère de l’Enseignement supérieur. Ils ne veulent pas que la pédopsychiatrie soit consacrée comme discipline autonome.

Pour concrétiser cela, ils ont demandé que les postes de chefferie de service de pédopsychiatrie soient ouverts à des psychiatres d’adultes sans expérience ni formation dans le domaine de l’enfant. Ils demandent également à faire partie du comité pédagogique d’une spécialité qu’ils ne connaissent pas.

Ils ont également voulu empêcher la séparation des deux spécialités lors du concours de maîtrise de décembre 2014 en dépit de la recommandation de la conférence des doyens qui est d’avoir au moins deux années d’expérience dans la discipline pour postuler au poste. Si les autorités chargées de la santé et de l’enseignement permettent cela, elles porteront la responsabilité des conséquences inévitables dans la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent, à savoir

  • Des services de pédopsychiatrie vont être vidés de leurs médecins formés et expérimentés pendant des années pour être envoyés chez les adultes et que des psychiatres d’adultes qui n’ont pas de formation et qui n’ont même pas le projet de faire de la pédopsychiatrie vont se retrouver en pédopsychiatrie ;
  • La formation des résidents en pédopsychiatrie perdra de sa consistance ;
  • Les chaînes de la transmission seront interrompues ;
  • Un projet national porté par des générations de professionnels sera démantelé.

Les enfants et les familles payeront lourdement le retard qui en découlera dans la prise en charge des problèmes de santé mentale de l’enfant et de l’adolescent en Algérie.

Il est vrai que la pédopsychiatrie se trouve actuellement dans une phase de transition. A ce titre, elle doit bénéficier d’un soutien particulier de la part des pouvoirs publics afin de préserver toutes les ressources et toutes les compétences accumulées.

C’est pour cela que nous appelons les ministres de la Santé et de l’Enseignement supérieur pour qu’ils mettent fin à ce désordre et rétablissent les conditions du développement de la pédopsychiatrie pour faire face aux besoins énormes et urgents des enfants et adolescents de notre pays en santé mentale.

Nassima Metahri et Idriss Terranti

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