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Revue de presse

La double activité des médecins dans le système de santé algérien : la nécessité d’un dispositif réglementaire

Liberté-Algérie | Algérie | 25/11/2014

Les phénomènes de la multi-activité ou de la double activité sont largement observés dans le secteur de la santé des pays en développement, y compris dans les pays où cette pratique est prohibée. Lorsqu’elle est autorisée, les gouvernements mettent en place des dispositifs réglementaires pour permettre aux professionnels de santé d’exercer un autre emploi tout en régulant souvent la nature et la durée du “deuxième” emploi. La multi-activité peut alors être même considérée comme une solution possible pour les problèmes de financement des systèmes de santé dans certains pays en développement quand les ressources financières allouées au secteur de la santé sont insuffisantes pour permettre une rémunération satisfaisante des professionnels de santé.

Dans un premier temps, on présentera le cadre législatif de la double activité des médecins en Algérie. Dans un deuxième temps, on se penchera sur la nouvelle formulation de la double activité contenue dans le projet de la nouvelle loi sanitaire. Dans un troisième temps, on reviendra sur les enseignements de la littérature économique traitant la double activité et leur adéquation au contexte algérien.

1- Les dispositifs législatifs régissant la double activité en Algérie

En Algérie, la double activité des médecins du secteur public est régie par deux dispositifs législatifs. Le premier date de 1999 (décret exécutif n° 99-236 du 19 octobre 1999) et connu sous le nom de l’activité complémentaire, et le deuxième porte le nom de l’activité lucrative, institué en 2010 (circulaire n° 001 MSPRH/MIN du 31 mars 2010). L’activité complémentaire permet sous certaines conditions aux médecins spécialistes hospitalo-universitaires et de santé publique jouissant de cinq années d’ancienneté dans le secteur public d’exercer en parallèle dans le secteur privé (clinique privée, cabinet médical ou dans le secteur parapublic) à raison d’une journée par semaine. Suite aux dysfonctionnements observés sur le terrain, le décret de 1999 a connu des modifications notamment l’interdiction d’exercice de la double activité par les chefs de service et des chefs d’unité. “L’exercice de l’activité complémentaire est incompatible avec l’occupation de tout poste de chef de service ou de chef d’unité.” (Article 4 bis du décret exécutif n° 02-256 du 3 août 2002).

Différentes circulaires du ministère de la Santé ont explicitement mis en avant les manquements aux dispositions législatives. “…Dans les faits, force est de constater que l’impact de l’activité complémentaire est en contradiction avec les impératifs de service public et que cette situation a eu pour conséquence la réduction des activités, le détournement des moyens de production au profit du secteur libéral, la réduction de certains actes opératoires médico-techniques, l’orientation des malades vers les structures privées, les évacuations des malades opérés du secteur privé vers le secteur public pour la continuité de leurs soins et leur surveillance au détriment des activités planifiées des services publics de santé et au détriment du temps consacré à l’amélioration des prestations sanitaires et des plans de carrière scientifique.

A cela s’ajoutent même des problèmes de dépassements caractérisés par des activités à titre privé non déclarées avec perception de la prime de renonciation à cette activité.

Cette situation est antinomique des missions du secteur public et des droits des malades” (circulaire MSPRH du 3 mai 2003).

Suite à la pression des professeurs, chefs de service et chefs d’unités qui ont contesté le caractère discriminatoire de l’amendement du décret de 1999, qui les exclut du bénéfice de l’activité complémentaire, les pouvoirs publics ont mis en place un nouveau dispositif appelé “activité lucrative” qui autorise les praticiens hospitalo-universitaires et les praticiens spécialistes de santé publique, y compris ceux occupant les postes de chef de service et de chef d’unité à exercer dans les structures privées une activité lucrative les week-ends et les jours fériés. Les fonctions de chef de service et de chef d’unité n’ouvrent droit qu’à l’activité lucrative. Ce nouveau dispositif devrait éviter la perturbation du fonctionnement normal du service public selon les responsables du ministère de la Santé. Les médecins qui bénéficient de l'activité complémentaire sont aussi forcément éligibles à l’activité lucrative.

Ces dispositifs législatifs connaîtront une modification si la nouvelle loi sanitaire est adoptée. Cette dernière stipule que l’activité complémentaire est exercée au sein de l’établissement public sur la base d’un contrat entre l’établissement et l’équipe soignante concernée.
Elle est assurée par les professionnels de santé ayant la qualité de fonctionnaire et exerçant leurs activités au sein de l’établissement concerné. Comme elle peut être exercée par des professionnels de santé ayant le statut contractuel, les professionnels de nationalité étrangère et les professionnels installés à titre privé sur la base d’un contrat définissant les obligations des deux parties.

2- La nouvelle mouture de la double activité est calquée sur le modèle français

La nouvelle formule de la double activité s’inspire du modèle français dénommé “l’activité libérale dans les établissements publics de santé”. Il s’agit de la faculté offerte, dans un cadre défini par la loi, à certains médecins de statut hospitalier, de délivrer des soins dans les conditions de la médecine de ville au sein des établissements publics de santé dans lesquels ils exercent. L’activité privée à l’hôpital ne doit pas dépasser 20% de son activité globale.

Ce dispositif, qui permet l’exercice d’une activité privée au sein d’un établissement public par des agents publics, constitue une singularité dans le paysage public français et ne connaît pas d’équivalent dans d’autres contextes. Le médecin est soumis à un régime d’autorisation administrative et acquitte à l’établissement public de santé une redevance pour service rendu. Un système complexe de contrôle a été institué pour lequel plusieurs catégories d’institutions sont compétentes : les commissions de l’activité libérale, les agences régionales de santé et l’Union des caisses d’assurances maladies qui négocie les conventions avec les médecins d’exercice libéral ainsi que l’ordre des médecins pour les questions de déontologie. Un tel morcellement du contrôle rend naturellement difficile l’appréhension et le suivi de cette activité.

Sur le principe, l’existence au sein d’une entité publique et dans un même lieu d’une activité libérale, qui est, par nature, distincte de l’activité publique de l’établissement, et dont les règles et le niveau des tarifs et honoraires sont si profondément différents de celles en vigueur à l’hôpital, soulève des questions d’éthique, en particulier celles des risques d’atteinte à l’égalité d’accès de chacun à des soins de qualité.

L’activité libérale peut créer un clivage entre une médecine de riches et une médecine de pauvres.

En ce qui concerne les modalités selon lesquelles s’exerce cette activité, les débats aussi ont été incessants : entre, d’une part, les tenants de la liberté absolue, inhérente à une activité privée libérale fondée sur la compétence et l’expertise des praticiens et qui répond à une demande des patients, et, d’autre part, les tenants de l’encadrement strict d’une activité, exorbitante du droit commun, exercée au sein de l’hôpital, utilisant des deniers publics et s’adressant à des personnes en situation de faiblesse du fait de leur état de santé.

3- Les enseignements de la théorie économique sur la double activité et leur adéquation au contexte algérien

Les études et recherches sur la double activité des médecins montrent que les incitations financières du secteur privé des soins rendraient les médecins du secteur public plus attentifs à leurs patients dans le secteur privé et les conduiraient à développer plus d'efforts qu’à l’hôpital. Les analyses économiques prédisent que l'engagement dans le privé réduirait la quantité de travail disponible à l’hôpital, les médecins échangeront les heures de travail à l'hôpital par des heures de travail mieux rémunérées dans la pratique privée (même si les deux emplois ne sont pas parfaitement substituables).

Dans le contexte algérien, les médecins publics ont un salaire prédéfini et un temps de travail a priori réglementaire et fixe pour leur emploi public ; lorsqu’ils ont une double activité, le temps qu’ils peuvent consacrer à leur emploi privé est limité par une borne maximale.

On ne pourrait donc pas utiliser la notion de substituabilité pour analyser un arbitrage entre les heures consacrées à ces deux emplois puisque le temps de travail public est fixe.

Le praticien qui cherche à maximiser son revenu va utiliser complètement les possibilités offertes par l’activité lucrative et/ou complémentaire.

Si substituabilité il y a, elle est souterraine, correspondant à une activité privée au-delà des durées autorisées et au détriment de la durée obligatoire publique, ce que permet le contrôle très faible du temps de travail à l’hôpital public.

Si on suppose alors un médecin maximisant son revenu, le temps de travail privé optimum pourrait être celui jugé acceptable pour ne pas déroger à une norme de comportement professionnel, ou sans risque de sanction administrative, et pourrait être d’autant plus fort que le différentiel de rémunération entre les deux emplois est élevé. Une double activité en partie souterraine pourrait alors se traduire par un effet d’éviction entre prises en charge publique et privée.

Qu’elle se concrétise ou pas par une augmentation importante des revenus, la double activité resterait motivée par des objectifs pécuniaires. Compte tenu de cette motivation financière, le différentiel de revenu existant entre les deux secteurs en Algérie stimule à coup sûr l'attractivité du secteur privé. C’est à la fois la faiblesse perçue des salaires publics et la possibilité d’optimiser sa rémunération privée via le paiement à l’acte qui rend financièrement attractive la double activité.La force de cette motivation ne doit pas pour autant minorer les motivations à conserver une double activité, et donc à conserver une activité publique. Ces motivations relève d’autres registres que du strict financier : stabilité de l’emploi, du revenu, droit à une retraite, prestige et appartenance professionnelle.

En Algérie, l’administration sanitaire accorde implicitement aux médecins, l’usage de leur pouvoir discrétionnaire pour l’admission des patients sur les listes d’attente.

Dans ces circonstances, la possibilité d’offrir le même service dans le secteur privé créerait des incitations perverses dans la gestion des files d’attente : prendre en charge un nombre réduit de patients à l’hôpital afin d’augmenter globalement la demande de soins dans le secteur privé, ou choisir, en manipulant la file d’attente, les patients ou les pathologies incités à se tourner vers le secteur privé. Les médecins s’assureraient ainsi un bassin de patients disposés à payer pour des services privés. L’activité publique est alors complémentaire, nécessaire, à l’activité privée qu’elle alimente. La stratégie de discrimination par les prix entre les patients riches et pauvres au niveau de l'hôpital public dans le sens où les patients riches vont être drainés vers le secteur privé et les pauvres seront pris en charge à l'hôpital n'est pas pertinente dans le contexte algérien. En Algérie, les patients doivent faire face à deux barrières à l’entrée : un capital relationnel pour être admis à l’hôpital et un capital financier pour une prise en charge dans le secteur privé.

Conclusion

L’ouverture du secteur privé aux médecins du secteur public a renforcé son attractivité et a pu modifier les comportements des médecins dans leurs stratégies d’offre de travail en lien avec des motivations essentiellement financières.

La sensibilité des médecins aux incitations financières pourrait être très forte ; la rémunération à l'acte prévalant dans le secteur privé permet aux médecins d’élaborer des stratégies de recherche d'activité pour augmenter leurs revenus. On peut craindre que l'éthique et la déontologie médicales aient reculé pour laisser place à des stratégies purement utilitaristes.

La double activité a été instituée à une période où le budget de l’Etat ne permettait pas de rémunérer correctement les médecins. Les faibles salaires dans le secteur public comparativement au secteur privé était la raison majeure qui a laissé les médecins exercer dans le secteur privé, la double activité était tout à fait justifiée. Aujourd’hui, la donne a changé.
Le semblant d'encadrement de l'activité des médecins, s’avère insuffisant pour contrebalancer les motivations et incitations du ressort des comportements individuels des médecins.

Avant de mettre en place toute réforme de la double activité, il est impératif d’évaluer les dispositifs mis en place jusqu’à maintenant afin de mieux choisir des politiques de régulation adéquates. La nouvelle mouture de la double activité telle que présentée dans le projet de loi sanitaire est-elle la plus pertinente ?

Pas du tout. Nous voyons mal comment un dispositif expérimenté dans un pays comme la France (Etat fort) rencontre des difficultés dans sa mise en œuvre peut être importé en Algérie de façon mimétique sans aucune réflexion de fond sur sa faisabilité et son opérationnalité.

Dr Ahcène ZEHNATI *
ahcene.zehnati@gmail.com
(*) Economiste de la santé, chercheur au CREAD et à l'université de Bourgogne.

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