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El Watan | Algérie | 10/12/2006
Vous qui êtes spécialiste, croyez-vous que le SIDA représente une menace majeure pour l’Algérie ?
L’Algérie est exposée à un grand risque car elle est située sur un couloir d’immigration. D’un côté, on a des Européens qui s’intéressent à l’Algérie pour le tourisme, de l’autre, les Africains, qui, pour rejoindre l’Europe, empruntent l’Algérie, qui est un passage obligé. Sachant que ces personnes, clandestines, venues des régions subsahariennes, sont pauvres, en arrivant, dépourvues de moyens de subsistance, elles basculent donc dans la prostitution.
Que pensez-vous des derniers chiffres rendus par les autorités, concernant le nombre de malades en Algérie ?
Honnêtement, je ne m’intéresse pas aux chiffres, parce que tous, même ceux de l’OMS, ce n’est pas qu’ils sont faux, mais ne reflètent pas la réalité.
Pourquoi ne peut-il pas y avoir de statistiques fiables sur le nombre de malades ? Est-ce parce que le SIDA demeure un sujet tabou ?
Exact. Premièrement, c’est encore tabou et deuxièmement, combien de personnes ont le courage d’aller faire un dépistage ? Quand bien même le test peut être gratuit et anonyme, on n’a pas encore cette notion d’aller faire un dépistage pour se protéger. Quand on m’annonce 700 nouveaux cas en Algérie, cela ne me dit absolument rien, parce que le chiffre ne reflète pas la réalité. Moi qui vit en France, où on ne manque pas de moyens de prévention, de traitement, d’information, le nombre augmente d’une manière exponentielle. En Algérie, c’est encore plus terrible. Ce qui fausse le diagnostic et les chiffres, c’est qu’on pense qu’on est dans un pays de musulmans et que tout le monde est puritain alors que la prostitution, par exemple, existe (…).
Que pensez-vous de la manière avec laquelle se font les dépistages ?
L’Algérie a pris les précautions nécessaires, surtout en 2006. Ce qui devrait se faire est de diffuser des spots de sensibilisation tout au long de l’année via des émissions de variétés, très regardées par les familles, pour inciter les jeunes, surtout, à se faire dépister.
Comment expliquez-vous l’absence de campagne de sensibilisation et porter les gens à user du préservatif ?
Je ne voudrai pas qu’on m’étiquette de médecin venant de l’étranger incitant nos enfants à contracter des rapports sexuels illicites. Ce n’est ni mon genre ni mon but. Je dis, et j’en suis responsable, qu’une personne quand bien même elle peut être pratiquante, elle n’est pas à l’abri de la tentation du rapport illicite, sans protection avant ou après sa prière. Ce n’est pas moi qui dis qu’il ne faudrait pas contracter ce type de rapports. C’est Allah. Cela dit, on ne doit surtout pas mettre des policiers pour faire respecter l’interdiction : les choses ne feront que s’aggraver. Je suis plutôt pour informer et former… Autre chose, en Algérie, on joue encore aux machos, rejetant le tort et la responsabilité sur la femme. Cette même femme est toujours la bienvenue pour les rapports illicites. Où est le droit de la femme pour la protection ? Je dis aux uns et autres qu’il faut être responsable. Evitez les rapports illicites ! Evitez la prostitution, la fornication ! Il faut savoir que six personnes sont contaminées par seconde dans le monde. C’est énorme. Un million d’enfants sont décédés cette année à cause du SIDA. Donc, le seul moyen c’est la chaussette (le préservatif, ndlr). Toute personne qui veut avoir un rapport sexuel, (de n’importe quelle nature, sodomie, fellation) doit utiliser le préservatif. C’est le seul moyen de se protéger. Par contre, et je le dis officiellement, le préservatif certes, protège contre le virus du SIDA et d’autres bactéries mais il y a des virus qui sortent de la capote comme les papillomavirus 16 et 18, cent fois plus petits que le virus du SIDA. Quand je dis évitez les rapports illicites, je pense surtout aux drames que causent ceux qui vont chercher ce virus et contaminent leur femme. Et si celles-ci sont enceintes, le fœtus est contaminé à son tour. On a vu des familles complètes décimées par le SIDA.
Quelles sont actuellement les nouveautés en termes de recherche et des traitements ?
Le secret du virus c’est qu’il est ultramicroscopique. On ne le voit qu’avec un microscope électronique. Ensuite et à la différence de la bactérie, il pénètre dans la cellule, où il se nourrie, se divise et se multiplie. C’est ce qu’on appelle la multiplication et la réplication virale. Les antiviraux ne sont efficaces que si le virus n’est pas endormi. En plus, ces antiviraux nécessitent une forme très spéciale : la molécule doit être phosphorylée – je rentre un peu dans les détails – La phosphorylation de la molécule est nécessaire pour que le médicament soit efficace dans la cellule où le virus se multiplie. Il faut que les médicaments subissent trois phosphorylations. Vous voyez, c’est très complexe. Du coup, la recherche sur les virus se concentre sur leur structure. Des travaux de recherche étudient la fixation et l’attachement du virus à la cellule. Pourquoi et comment ? On essaie de savoir comment il pénètre, pourquoi il s’adapte, pourquoi il se multiplie et comment il sort et pourquoi il attaque ? Actuellement, les travaux de recherche sont à ce niveau.
Que pensez-vous des trithérapies appliquées en Algérie ?
Les trithérapies en Algérie sont les mêmes que celles appliquées dans le monde, puisque c’est défini par l’OMS. Les traitements sont donc efficaces.
Et chers également…
Même en France, vous croyez que tous les malades atteints du VIH bénéficient de ces traitements ? Non. Ce n’est pas vrai. Ce traitement est lourd et a beaucoup d’effets secondaires : sur le foie, les reins et sur la distribution des graisses dans le corps également. Il provoque l’hypodystrophie, des modifications cellulaires. Il y a ceux qui à cause du traitement développent un cancer et/ou une insuffisance rénale. Pour la femme enceinte et dans certains cas, on remarquera que le traitement est toxique pour le fœtus. Et il faudrait donc doser, cibler… Et comme les bactéries ont développé des résistances contre les antibiotiques, les virus du SIDA aussi. On sait que le virus opère des mutations et développe des souches résistantes aux traitements.
Vous revenez en Algérie, que vous avez quittée en 1987, rentrez-vous avec des projets ?
Mes projets sont actuellement associatifs. J’aide et je travaille. La fondation la Forem m’invite chaque année (…) Ce que je souhaite, c’est d’installer un laboratoire. On est sur le point de le faire. On a envoyé un container de matériels, avec tous les équipements, qui seront montés dans le Sud avec l’aide de la fondation de recherche médicale, le ministère de la Santé et le consulat d’Algérie. On n’a pas encore choisi la ville mais ça sera peut-être à Ouargla.
Aziri M.
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