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El Moudjahid | Algérie | 06/12/2006
Toutes les conditions sont réunies pour continuer cette expérience à un rythme régulier. D’ailleurs il est temps de pratiquer ce genre de chirurgie. Avant on comptait deux centres spécialisés en la matière. C’est vraiment peu face au nombre de malades et à la demande existante en la matière. Il est vrai qu’on ne peut pas autoriser tout le monde à faire de la transplantation d’organes, car il y a des conditions à remplir telles que la nécessité d’avoir un cahier de charges bien défini par le ministère de tutelle.
Mais il faut s’y lancer tout en tenant compte des recommandations du
comité national de néphrologie, qui insiste sur la nécessité
d’avoir le cahier de charges qui doit tracer les critères de cette
chirurgie qui se résument en la nécessité d’avoir
une équipe pluridisciplinaire compétente, composée de néphrologues,
d’un chirurgien, d’un réanimateur, d’un biologiste
immunologue, etc.
Il ne s’agit pas de donner des autorisations de greffe d’organes
à n’importe qui. Mais il faut encourager les équipes qui
pratiquent ce genre d’opérations. C’est une technique qui
n’est pas très compliquée mais qui demande une certaine
expérience dans le domaine.
L’expérience algérienne, en la matière, remonte à 1986, à partir de donneurs vivants. Comment peut-on l’évaluer ?
La première greffe rénale a été réalisée
le 16 juin 1986 au CHU Mustapha. Le receveur étant un jeune patient qui
a reçu le rein de sa mère, il a vécu plusieurs années
avec le rein transplanté.
En 1987, une équipe médicochirurgicale constantinoise a réalisé
avec succès une greffe rénale apparentée qui a été
suivie par d’autres.
En décembre 2002 on a réalisé la première transplantation rénale à partir de rein de cadavre, toujours à Constantine Depuis 1986 seulement 280 greffes ont été effectuées en Algérie. En tant que néphrologue qui parle aussi à la place des malades dialysés qui ont des donneurs vivants, je dirai que ce chiffre est en deçà de la demande de transplantation rénale. Cette dernière est estimée par les néphrologues à 100 greffes par an. Alors que les deux centres existants font environ 20 greffes par an. Il existe un déficit de 80 interventions chirurgicales de greffes rénales par an.
Comment combler ce déficit ?
Il faut qu’il y ait une certaine ouverture en la matière, afin de laisser les chirurgiens qui veulent faire de la greffe, et qui en sont capables, travailler. Il faut augmenter le nombre des centres de greffe au niveau du territoire national et ce, en suivant les normes internationales tracées par l’OMS.
Les insuffisants rénaux dialysés ont malheureusement une chance sur mille d’être greffés et quand ils leur arrive de trouver un donneur vivant apparenté, le délai d’attente est supérieur à six mois. Ce qui n’est pas normal. Comme je l’ai déjà expliqué à plusieurs occasions, quand un couple attend plus de six mois, il y a une démotivation de la part du donneur. Il ne veut plus donner son organe, car il a d’autres préoccupations.
Le nombre de greffes réalisées dans notre pays reste insuffisant, face à une demande de plus en plus croissante. Quelles sont les contraintes qui freinent le développement de la transplantation rénale en Algérie ?
Il y a tout d’abord l’environnement médical peu incitatif. Les compétences existent mais il y a un nombre insuffisant de centres greffeurs. Certains médecins estiment que la greffe rénale est une tâche insurmontable, ce qui entraîne une démotivation certaine. Je ne comprends pas pourquoi on en fait toute une histoire, dans d’autres pays on procède à ce genre d’intervention comme si on opérait une appendicite.
D’autre part, le transfert des patients pour soins à l’étranger,
a démobilisé les équipes médicales.
Parmi les contraintes aussi on cite la lourde morbidité et mortalité
en dialyse à cause du nombre élevé de patients et des réductions
du temps de dialyse. On ne soigne que 25% des insuffisants rénaux chroniques.
Il y a 75% des patients qui décèdent et qui auraient pu être
greffés.
Les possibilités de prélèvement sur cadavre, malgré des dispositions législatives très favorables restent très aléatoires. Pourquoi ?
Pour ce qui est du prélèvement sur cadavre, je pense que sur le plan religieux c’est réglé. On sait tous que le pays qui greffe le plus dans le Monde arabe, c’est bien l’Arabie Saoudite. Il y a une Fatwa sur ce sujet, les religieux sont d’accord pour le prélèvement à partir de cadavre. Car la mort cérébrale a été acceptée comme définition de la mort clinique. C’est ce qu’il faut expliquer aux gens.
D’autre part, la transplantation rénale, ou d’organe d’une
manière générale, est le sommet d’une pyramide. C’est-à-dire
on ne peut pas procéder à cette opération si on reçoit
mal le malade ou le blessé.
Quand l’Algérien se rend compte qu’on a tout fait pour sauver
son parent suite à un accident et que malheureusement la mort existe,
je ne crois pas qu’il refusera de donner l’organe du concerné
quand on le lui demandera afin de sauver une autre vie humaine.
Mais si jamais il y a une défaillance quelconque au niveau du système de santé, automatiquement les gens sont plus sceptiques en ce système.
Est-ce que les moyens existants peuvent aider à la réussite de ce genre d’opérations ?
C’est vrai qu’on a un petit retard dans le programme national
de greffe rénale, comme il y a un déficit en matière de
chirurgiens en transplantation. Mais je dois préciser que les moyens
existent, il faut savoir les exploiter et les prendre en charge.
Le ministère de la Santé est en train d’envoyer des chirurgiens
pour une formation à l’étranger, comme il fait appel à
des équipes étrangères ainsi qu’à des Algériens
qui ont démontré leur compétence à l’échelle
mondiale.
Ces équipes nous donnent un coup de main pour former les équipes
algériennes, pour redynamiser et pour développer cette transplantation
d’organes en Algérie. Je profite de l’occasion pour les remercier.
Sur le plan matériel, je crois qu’il faut un petit investissement
pour démarrer la transplantation. Le prix de cette dernière, il
faut le préciser est égal pour la première fois à
d’une année d’hémodialyse. Il se situe entre 80 et
100 millions de centimes. Mais par la suite ce prix diminuera de moitié,
car l’utilisation du médicament se réduira de plus en plus.
Plus on avance dans le temps et plus le coût diminue.
Il n’y a aucune discussion dans ce domaine, la transplantation est la
meilleure solution sur tous les plans.
Pour ce qui est des moyens matériels, il y a des médicaments spécifiques,
qui sont disponibles en Algérie.
Je crois que le problème n’est pas lié au matériel,
c’est une question de volonté. La volonté politique existe
reste que les équipes médicales se mobilisent. Les malades sont
là. Ils attendent.
Propos recueillis par Sarah Sofi
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