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Revue de presse

Le calvaire de la greffe rénale : Alors que 3 000 cas sont diagnostiqués chaque année. Seulement 200 greffes de rein en 20 ans !

Liberté-Algérie | Algérie | 05/12/2006

1% des patients ont la chance de recevoir un organe dans les cinq premières années d’hémodialyse. L’Algérie compte 10 000 dialysés. 1 500 à 2 000 sont à l’article de la mort. Ils sont en attente d’un rein en urgence. L’unité de greffe rénale élit domicile dans une partie du service de dermatologie du centre hospitalo-universitaire Mustapha-Pacha. Dissimulée dans une des ailes du second étage, elle est délimitée par deux portes. Sur l’une, un petit avis est collé, confirmant son emplacement.

Quelques personnes y sont en attente. La deuxième entrée ouvre directement sur le bureau du maître des lieux, le professeur Hocine Chaouch. Son antre est à l’image de l’unité, exiguë, mais abonde d’espoir et de générosité. “Nous aurions aimé avoir un bâtiment comme le Sheraton ou le Hilton, mais en attendant, nous continuons à travailler avec les moyens du bord”, plaisante l’éminent chirurgien. Tous les jours, il fait le va-et-vient entre le service de chirurgie thoracique, dont il est le chef, et l’unité. Sur décision du ministre de la Santé, le Pr Chaouch est désigné coordonnateur des équipes médico-chirurgicales de transplantation. Sans doute, cette notification est une reconnaissance de ses compétences et de sa persévérance.

Car, s’il est un domaine de la médecine où les pouvoirs publics pèchent encore par désinvolture, la greffe rénale est sans conteste l’un des parents les plus pauvres du système algérien de santé. “Nous sommes au stade de sauver des malades”, admet le praticien, conscient que le chemin est encore long avant “la démocratisation” de la transplantation. Son unité fait office de prototype. Il n’existe aucune autre dans le reste des établissements hospitaliers du pays. Depuis l’annonce par Amar Tou, ministre de la Santé de la Population et de la Réforme hospitalière en octobre 2006 de la généralisation de la greffe à travers tous les CHU du territoire national, l’équipe du Pr Chaouch est devenue itinérante. Les autres personnels n’étant pas encore tout à fait rodés, elle se propose de les aider et de les appuyer.

Le 26 novembre dernier, une première opération de transplantation a eu lieu à l’hôpital Parnet. Dans peu de temps, une expérience sera tentée au CHU de Tizi Ouzou. Les centres de Bab El-Oued, Béni-Messous et Annaba se préparent aussi à accomplir leurs premières greffes. Mais, on est encore loin du compte. “Pour satisfaire les besoins, il faut greffer 600 personnes par an”, note le Pr Chaouch. Cette année, un peu plus d’une quarantaine de transplantations a été réalisée. Un record ! L’essentiel des interventions, en moyenne une par semaine, se déroule au CHU Mustapha-Pacha. Dans une des salles de réanimation de l’unité de greffe, le dernier récepteur de rein est allongé sur son lit. Dans une autre, un jeune homme ayant subi une intervention depuis quelque temps déjà est revenu pour un contrôle.

“Les rejets concernent uniquement 5% des cas”, assure le professeur. Si les issues des interventions lui inspirent des inquiétudes ordinaires, leur insuffisance le préoccupe davantage. Cette rareté est responsable de la mort de nombreux patients, environ 10% par an de la totalité des insuffisants rénaux. L’IRCT (insuffisance rénale chronique terminale) est diagnostiquée annuellement chez plus de 3 000 sujets. Entre 1 200 et 1 500 malades font l’objet d’une prise en charge thérapeutique, soit médicale ou de substitution. L’hémodialyse, la dialyse péritonéale sont les thérapies les plus fréquentes et les plus handicapantes. De l’hémodialyse par exemple, découle une dépendance à la machine. Or 90% des insuffisants rénaux y sont astreints (10 000 actuellement). Dans tout le pays, il existe une dizaine de centres. Les subsides consentis par l’État à la prévention et à la prise en charge de l’IRCT, 2,5% du budget de la santé, sont à ce titre aléatoires.

Les moyens sont si dérisoires qu’en ce qui la concerne, la greffe est un luxe. Le Dr Tahar Rayane, ancien président de la Société algérienne de néphrologie et directeur adjoint de l’hôpital Parnet actuellement, tient à ce propos une comptabilité assez alarmante. Depuis le 16 juin 1986, date à laquelle la première greffe a été réalisée par le Pr Chaouch, 10 transplantations par an ont été exécutées 1% des patients ont la chance d’être greffés dans les cinq premières années d’hémodialyse. Si l’absence de donneurs paraît être le plus gros problème, il est loin d’être le seul. En 1981, quand il travaillait dans l’illustre hôpital parisien de La Pitié-Salpetrière, le Pr Chaouch avait opéré avec succès 30 malades. Plein de projets et de promesses, il est revenu au bercail avec l’intention de vulgariser cette pratique et de la rendre accessible.

Mais il a vite déchanté. Évoquant une bataille de leadership, il affirme que la greffe rénale est demeurée au point mort entre 1980 et 1990. “Depuis 1990, nous intervenons par épisode”, confie-t-il. Son confrère de l’hôpital Parnet confirme l’existence de monopole naguère. En dépit de la décentralisation de la greffe aujourd’hui, il regrette l’absence de continuité dans l’exécution des programmes. Mais tous deux croient déceler une certaine prise de conscience des autorités. La création de l’unité de greffe en 2003 illustre en partie cet éveil. “Auparavant, il y avait un problème d’organisation. Ça ne marchait pas très bien”, observe par ailleurs le Pr Chaouch. Outre la multiplication des unités de transplantation, la mise en place d’équipes chirurgicales harmonieuses constitue son énième revendication. Son équipe multidisciplinaire est formée par 6 chirurgiens et 2 néphrologues.

Un exploit ! Selon le Pr Rayane, le peu d’attrait qu’ont les médecins pour la transplantation s’explique par le manque de motivation, en matière de primes, notamment. De même, il se plaint de l’inexistence d’un enseignement spécialisé. L’unité du CHU Mustapha-Pacha étant trop petite, les interventions se déroulent pour l’instant dans le service de réanimation polyvalente.
À Parnet, le bloc de chirurgie pédiatrique a abrité l’unique opération. Sur un autre registre, les praticiens déplorent l’indisponibilité quelquefois des consommables, dont les produits ummino-supresseurs.

La liste des carences peut se décliner indéfiniment. L’idéal consisterait dans la création d’un établissement de transplantation d’organes qui puisse sérier tous les besoins et coordonner le travail des différentes équipes. Un conseil national de néphrologie existe bien. Mais de l’aveu du Pr Rayane qui en fait partie, cette instance consultative n’a aucun poids. Résultat des comptes, la Caisse nationale des assurances maladies croule toujours sous le nombre effarant des demandes de transfert à l’étranger. Jusque-là, 300 greffes ont été réalisées en France et en Jordanie. Une opération dans un hôpital de l’Hexagone coûte 15 millions de dinars. Ici, elle revient à 2 millions. De quoi donner à réfléchir aux autorités sanitaires qui gagneraient peut-être à investir les devises dans la consolidation de la chirurgie de la greffe intra-muros. Le premier placement consiste assurément dans la mise à la disposition des malades du Pr Chaouch d’un service propre. Pas en sous-location en dermato !

S. L.

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