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El Watan | Algérie | 12/05/2013
La santé mentale des Algériens n’est décidément pas au beau fixe. Et il aura fallu attendre que les indicateurs soient passés au rouge pour que le ministère de la Santé et de la Réforme hospitalière décide, enfin, de mettre en place une sous-direction pour la promotion de la santé mentale dans notre pays. Même si elle est jugée quelque peu tardive, l’initiative a été saluée par les professionnels de la psychiatrie. «La création récente de cette structure, qui a nécessité de profondes réflexions, va aider les praticiens et les pouvoirs publics à concentrer leurs efforts sur des problèmes de santé mentale prioritaires et à coordonner l’action des différents partenaires et intervenants», a indiqué le professeur Mohamed Boudef, président du Comité pédagogique national de psychiatrie, ajoutant : «Le défi que nous devons maintenant relever consiste à traduire cette initiative en actions concrètes, en vue d’améliorer nos performances et d’obtenir de meilleurs résultats sanitaires pour les populations qui en ont le plus besoin.»
Cette structure est à pied d’œuvre pour la mise en place des mécanismes adaptés en vue d’une meilleure prise en charge des différents phénomènes qui rongent la santé mentale dans notre pays : la schizophrénie, le suicide et la toxicomanie. C’est surtout autour de ce dernier fléau que les efforts doivent être axés, de l’avis du chef de service psychiatrie de l’Etablissement hospitalier spécialisé (EHS) Errazi de Annaba. Car représentant des proportions inquiétantes, la toxicomanie est en passe de se transformer en véritable catastrophe sanitaire.
Aussi, si rien n’est fait pour l’endiguer, la polytoxicomanie, notamment lorsque le consommateur absorbe à la fois alcool, kif et psychotropes, ce sont la santé publique et la sécurité du pays qui sont de fait sérieusement menacées, prévient notre interlocuteur. «La manière dont est en train d’évoluer la polytoxicomanie dans notre pays est à prendre très au sérieux. A cela s’ajoute l’apparition de drogues dures, comme la cocaïne et l’héroïne, qui sont de plus en plus fréquentes dans nos statistiques», tient à souligner le professeur Boudef.
Une situation grave
Deux autres facteurs peuvent, selon lui, témoigner de la gravité de la situation actuelle : «Depuis ces trois dernières années, nous avons pu constater une tendance à la féminisation de la toxicomanie. La tendance du rajeunissement des consommateurs (12 à 18 ans) se confirme aussi. Il s’agit de deux caractéristiques nouvelles de la toxicomanie dans notre pays. D’où l’urgence de mettre en place les mécanismes destinés à détecter les phénomènes émergents et à comprendre les contextes», insistera t-il.
Pour lui, bien que les pouvoirs publics aient adopté une approche équilibrée et globale en réponse au problème de la drogue, néanmoins il reste beaucoup à faire en termes de prévention de la consommation et de traitement de la toxicomanie. Deux impératifs cruciaux pour toute politique antidrogue. Le psychiatre souligne également que l’Etat doit replacer la santé mentale et particulièrement chez les plus vulnérables, au cœur de son action. Car même si la couverture géographique est relativement homogène, elle ne permet pas, en revanche, un accès de proximité satisfaisant.
En effet, malgré leur nombre : trois centres de cure pour toxicomanes (Blida, Oran, Constantine n’étant pas encore opérationnel) destinés à la prise en charge ambulatoire des toxicomanes, une vingtaine de centres intermédiaires de soins pour toxicomanes (CIST), et 53 autres centres en projet, les structures publiques de santé ne répondent que partiellement à la demande en soins et ne permettent pas une prise en charge hiérarchisée, déplore le fondateur du CIST de Annaba, le premier du genre en Algérie.
«L’instabilité dans les structures de santé ne permet pas d’évaluer, à leur juste proportion, les différentes pratiques de la toxicomanie et de leur prise en charge. Il y a tellement de changement dans les instances dirigeantes que les programmes initiés dans ce sens ne sont jamais menés à leur terme», regrette notre interlocuteur. Selon lui, la volonté politique d’endiguer le phénomène existe certes, mais il reste que la prise en charge d’un toxicomane est complexe et difficile à évaluer.
Un engagement dans la durée
Pourquoi ? «Parce qu’elle nécessite un engagement sans limites du professionnel, une connaissance parfaite du fonctionnement psychique du toxicomane et une maîtrise des psychothérapies.» «Les stratégies de lutte antidrogue ne se limitent pas seulement à une histoire de menottes, c’est avant tout de santé qu’ il est question», rétorquera-t-il. Existe-t-il une cause majeure à la propagation de ce fléau dans notre pays ? «Outre le mal-être et la malvie, la décennie noire ne pouvait que laisser de graves séquelles dans la structuration de la société qui demeure difficilement maîtrisable, et ce, malgré les efforts déployés par l’Etat pour circonscrire le phénomène. N’oublions pas que les crimes terroristes, particulièrement sauvages, ont concerné des individus, des collectivités, des localités entières avec des conséquences immédiates et particulièrement lourdes. La barbarie et la sauvagerie de certains actes ont eu des répercussions psychiques sur les populations et sur les personnels de santé qui n’y étaient pas préparés», explique le psychiatre-expert auprès des tribunaux.
Aussi, ajoute-t-il, l’effet de banalisation est un facteur de résistance à toutes les tentatives de sensibilisation menées par les différentes institutions de lutte. «L’absence de sérieux et de méthodes efficientes dans l’évaluation du phénomène ne peut pas aider à combattre ce fléau, et on peut considérer que la présence de la toxicomanie est un indice de dysfonctionnement profond de la société sur le plan politique, éthique et moral.» C’est pourquoi, conclura-t-il, le débat autour de la question doit être clair, engagé, transparent et courageux. Le plus grand ennemi de la lutte contre ce fléau est la démagogie.
Naima Benouaret
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