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El Watan | Algérie | 13/01/2011 | Lire l'article original
Néanmoins, le médicament représentant un enjeu stratégique pour la politique sanitaire du pays, l’Etat a tenté de mettre en place des mécanismes de régulation qui devaient garantir une mission de service public et assurer :
La concurrence, consacrée par la loi, devait assurer une régulation du marché. Cependant, la réalité est tout autre : actuellement, il existe de fait une situation de monopole qui ne dit pas son nom et qui se traduit sur le terrain par diverses pratiques : rétention des produits pharmaceutiques, vente concomitante, vente des produits selon le classement par chiffre d’affaires et les affinités personnelles… En effet, une concurrence ne peut s’exercer que si le produit est disponible en quantité suffisante, mais dès lors que la demande est supérieure à l’offre, non seulement nous ne pouvons plus parler de concurrence mais en lieu et place se développent des pratiques non éthiques.
II. Constats
A l’heure actuelle, nous sommes très loin des objectifs visés par la politique du médicament, car la chaîne de distribution du médicament est dans une situation de dérèglement totale qui pénalise les patients, et, à travers eux, tout le système de santé publique. Des dysfonctionnements dont la conséquence est un système de santé publique qui n’arrive pas à assurer son rôle malgré tous les moyens consentis. De même, les marges sont devenues obsolètes du fait de l’évolution des prix. De plus, le décret relatif aux conventions a prévu de compenser les baisses du chiffre d’affaires dues au tarif de référence, mais pour le moment, cette disposition est restée lettre morte.
Le constat est que sur les deux volets qui constituent la pharmacie : la mission de service public (assurer le médicament et le conseil) et l’activité commerciale, c’est l’aspect commercial qui a pris le dessus dans les deux premiers maillons (importation/fabrication et distribution) sur les trois que constitue la chaîne du médicament. Facteur aggravant, la présence d’une chaîne de pharmacies, qui ne dit pas son nom et n’obéit à aucune norme en vigueur (l’absence du pharmacien en est l’exemple le plus significatif), pousse les pharmacies à privilégier l’aspect commercial.
Les pharmacies sont constamment tirées vers les «entreprises» pharmaceutiques, qui, par leur présence et leurs pratiques dévalorisent l’image du pharmacien, assimilé à un vendeur de médicaments (commerçant) et, plus lourd de conséquences, font de la concurrence déloyale qui entraîne certains pharmaciens vers des pratiques non éthiques pour assurer leur survie.
1. Importation/Fabrication
Le désengagement de l’Etat du secteur de l’importation sans la mise en place d’un système de régulation fiable a eu des conséquences qui ont pesé sur la situation actuelle :
Credoc réduit les possibilités de négociation des importateurs, mobilise une énorme masse financière qui provient du secteur de la distribution ainsi que du recours aux banques dont la conséquence est un alourdissement des charges (augmentation du prix de revient) ; une augmentation qui se répercute sur le prix des médicaments, ce qui induit des frais supplémentaires pour les caisses d’assurance maladie et les malades ;
2. Distribution
La totalité des problèmes rencontrés par les laboratoires se répercutent sur les distributeurs, notamment la vente concomitante. Cette pratique de la vente concomitante est elle-même accentuée par le nombre important de produits présents chez les distributeurs, ce qui a conduit ces derniers à : - la rétention des médicaments afin de faciliter la vente et imposer des médicaments rossignols avec les produits retenus ;
3. Les officines pharmaceutiques
Aujourd’hui, il est demandé au pharmacien de rester éthique et d’assurer une mission de service public dont il ne détient ni les tenants ni les aboutissants ; alors que lui-même subit les aléas des deux premiers maillons de la chaîne du médicament dont les pratiques sont contraires à l’éthique, à l’exemple de la vente concomitante. Le pharmacien est le seul maillon de la chaîne à ne pas pratiquer la vente concomitante ; et par conséquent, il se retrouve avec d’énormes quantités de médicaments périmés, ce qui constitue une perte sèche de son chiffre d’affaires à laquelle il faut rajouter les frais d’em magasinage et de destruction. A ces éléments viennent s’ajouter les pratiques délictueuses des agences étatiques qui continuent à fonctionner sans pharmaciens et en violation des lois en vigueur qui régissent l’exercice pharmaceutique. Dans ce contexte, il est absurde de demander aux pharmaciens d’être présents dans leur officine, alors qu’à l’heure actuelle, il est toléré que ces agences officient sans pharmacien. Les agences Endimed justifient leur existence par le fait qu’elles assurent une mission de service public. Mais en réalité, la couverture pharmaceutique aujourd’hui dans notre pays a atteint un niveau suffisant permettant non seulement d’assurer un service public mais aussi de le faire dans le respect des règles d’éthique et déontologiques, base du métier de pharmacien. Par conséquent, le système de santé algérien n’a nullement besoin que ces agences, qui nuisent à la profession, perdurent, car leur raison d’être est révolue depuis longtemps.
Les pharmacies rurales et à faible chiffre d’affaires ne sont pas ou très peu desservies en médicaments sous tension ce qui conduit à des situations de concurrence déloyale.
4. Les marges :
La situation financière du pharmacien est aggravée par la réduction drastique des marges auxquelles il pouvait prétendre. En effet, actuellement, le principe de la marge la plus élevée pour le médicament le moins cher n’est plus une ressource pour le pharmacien car la liste de médicaments qui constituent ce palier de marge s’est appauvrie considérablement au profit des paliers les moins rémunérateurs.
C’est la raison pour laquelle le pharmacien est dans l’obligation de vendre les médicaments les plus onéreux pour essayer de combler le déficit de ses recettes et faire face aux dépenses de plus en plus conséquentes. Des dépenses supplémentaires provoquées par l’augmentation des charges de travail induisant des masses salariales de plus en plus importantes. A tous ces éléments s’ajoutent les perturbations du marché pharmaceutique qui obligent les pharmaciens à augmenter leurs stocks pour essayer d’assurer une disponibilité des médicaments pour leurs clients.
5. Le tarif de référence :
Le tarif de référence, tel qu’il a été institué, est une avancée importante pour notre économie, par ailleurs, il peut représenter un outil d’orientation et de régulation du système de santé à travers les mesures d’accompagnement proposées dans le décret qui favorise les médicaments produits localement et les médicaments génériques.
III. Les solutions
Le retour à la concurrence en impliquant le pharmacien d’officine dans la distribution par l’introduction d’amendements qui permettent la création des regroupements de pharmaciens en groupement, centrales d’achats, GIE, GIC… Les groupements, qui sont des centrales de services, contribueront à la stabilité du marché par : l’utilisation des statistiques fournies par leurs membres afin de disposer de prévisions réelles qui permettent d’équilibrer les stocks selon les besoins ;
IV. Conclusion
Les dysfonctionnements actuels de la chaîne de distribution du médicament mettent en péril l’efficience du système de santé publique, c’est pourquoi, il est essentiel de réintroduire la notion de service public à tous les niveaux de la chaîne du médicament et d’œuvrer à rétablir la primauté du volet médical sur le volet commercial en permettant une concurrence loyale et éthique entre tous les intervenants du secteur. Pour répondre à ces enjeux, il est nécessaire de mettre en place :
- des relations directes pharmaciens-laboratoires, en sus des relations déjà existantes laboratoires-distributeurs-pharmaciens, qui permettront de mettre fin à la situation actuelle de «monopole» qui pénalise les pharmaciens et par-là même les patients. Cette relation directe laboratoires-pharmaciens va concrétiser et renforcer les mécanismes de concurrence garantissant ainsi une meilleure régulation du marché, qui garantira à son tour une meilleure disponibilité des médicaments en empêchant toute tentative de rétention des produits pharmaceutiques à des fins spéculatives.
Rôle des groupements de pharmaciens
Les groupements de pharmaciens qui, de par leur expertise, leur proximité avec les patients et leur capacité à mobiliser les ressources dont ils disposent (humaines et logistiques) constitueront une force et un outil de régulation capable d’empêcher les pratiques non déontologiques qui minent actuellement le secteur de la distribution. Le regroupement des pharmaciens va renforcer le rôle et la position de ce dernier maillon de la chaîne du médicament qu’est le pharmacien. C’est ainsi qu’il pourra jouer pleinement son rôle d’acteur de santé et de régulateur final de la chaîne de distribution ; et plus important, se regrouper au sein d’un groupement qui lui permettra de se prémunir contre les éventuels dysfonctionnements des autres maillons de la chaîne.
Par ailleurs, ces groupements peuvent participer activement aux programmes de santé publique, notamment en matière de prévention avec ses différentes étapes, à savoir la prévention avant la maladie, le dépistage précoce des maladies et enfin l’accompagnement des malades pour assurer un meilleur suivi et une plus fficacité des traitements prescrits. Il sera aussi, par le truchement du groupement, un acteur en matière de pharmacovigilance car il est, de par son métier et par sa proximité avec les usagers, en première ligne pour permettre la remontée des informations sur les incidents (effets indésirables) liés à l’utilisation des médicaments.
(*) Pharmaciens
Par Lynda Aït Ahmed & Saddek Boulghorba (*)
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